La situation électorale inquiète profondément! Selon toute vraisemblance, ce ne serait donc pas dans le courant du mois d’octobre que les élections annoncées par le Conseil Électoral Provisoire et la présidence provisoire auront lieu. A deux mois exactement de la date fixée, la marge de manœuvre s’annonce étroite, suite à ce nouvel épisode d’appel d’offres pour l’impression des bulletins qui a provoqué sursaut et confusion.
C’est tout à la fois regrettable, écœurant et scandaleux. Mais, l’événement ne nous a guère surpris, puisque le pays est concrètement sous occupation. Ramenons donc les choses à leurs justes proportions : l’opinion publique haïtienne s’est mobilisée pour rapatrier les prochaines élections, utilisant des fonds haïtiens, de sorte que l’on comptait pouvoir imprimer les bulletins de vote dans le pays ; ce qui permettrait un roulement d’argent qui faciliterait de l’emploi temporaire à plus d’un.
Le constat s’avère très dur. Il est presque certain que ce rêve est irréalisable. En effet, le conseiller électoral Frinel Joseph, au lieu de dénoncer la monstrueuse machine capitaliste, a préféré assommer le pays, brutalement, par cette déclaration : «Tout a été fait pour privilégier le marché local ; mais un accord international entre les Nations unies et l’Etat haïtien empêche tout monopole local » (sic). Une grotesque et honteuse affirmation qui reflète le manque de verticalité et de combativité de ceux et celles qui gèrent les affaires importantes du pays. On voudrait en rire si ce n’était aussi tragique.
Au départ, ce malencontreux et honteux accord entre dominant et dominé a été tout bonnement signé par le gouvernement restavèk de René Préval et renouvelé par le triste laquais Michel Martelly de façon à nous placer dans l’obligation d’intérioriser et d’admettre que notre salut dépend exclusivement de l’international et bien sûr des forces occupantes. Quelle humiliation !
Compte tenu de cette honteuse déclaration du conseiller électoral qui n’a provoqué du reste aucune sorte de protestation, nous pouvons déduire que la réalisation des élections se trouve finalement dans une impasse. Pour l’heure, une seule chose est certaine : l’impérialisme qui n’avait jamais digéré l’échec cuisant enregistré au cours des dernières mascarades électorales face à la résistance populaire s’est placé en contrôle des événements. Rien ne sera ménagé pour que le boycott des prochains scrutins soit complet. Dans ces conditions, les comploteurs dans l’ombre pourront bien faciliter à nouveau leurs alliés locaux à remporter les présidentielles, comme ils l’avaient tenté en 2015.
La dernière visite de Kenneth Merten dans notre pays, où il n’a rencontré qu’Enex Jean-Charles et Léopold Berlanger n’était pas sans raison. Et selon le directeur général des Presses nationales, Ronald Saint-Jean, l’appel d’offre lancé par le PNUD a été fait sur demande même du Conseil électoral Provisoire, et ce ne sera pas fortuit si, très probablement, la firme de Dubaï sera encore l’heureuse élue, tout comme en 2015.
C’est une preuve supplémentaire de la vulnérabilité et de la dépendance de nos institutions. Et le Premier ministre Enex Jean-Charles a bien joué sa carte de colonisé lors de la réunion du gouvernement avec le PNUD en trahissant la cause nationale pour se positionner sur les intérêts de l’étranger. Ce sont bien là les tactiques du colonialisme : se servir de misérables fantoches pour saper, affaiblir et liquider la lutte des masses sur l’autel de la stratégie occidentale. Preuve bien palpable de ce que rien n’a changé.
C’est la même politique de tromperie, de mystification, et d’humiliation du peuple haïtien qui continue. Pour l’heure, les paris sont totalement ouverts pour la revanche: les masques sont tombés, le vers interventionniste de l’international est bien présent dans le fruit de son appétit de domination, la preuve de la domesticabilité de nos politiciens au pouvoir est bien faite. Bref, toute éventuelle évolution naturelle de l’État haïtien vers sa souveraineté dans le domaine électoral est en voie d’être bloquée.
C’est la politique du pire, quand c’est le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) qui gère les élections et décide même de l’emploi de nos propres fonds nationaux. Alors, n’est-ce pas un projet bien calculé, inspiré et téléguidé toujours à l’avantage des agresseurs impérialistes et de leurs laquais locaux ? De là, on est en droit de se demander jusques à quand le peuple haïtien continuera-t-il à être dupe de ceux qui se sont faits les complices conscients et avoués des puissances coloniales, lesquelles ont montré objectivement qu’elles n’ont aucun intérêt à ce que les élections se réalisent, une façon de nous faire payer l’affront de les avoir mis en déroute. Ne payons-nous pas, du reste, depuis trop longtemps, l’affront de la déroute infligée par Dessalines et les forces indigènes au colonialisme? C’est tout pareil.
On est témoin d’une magouillante amorce pour bafouer les profonds sentiments du peuple haïtien, barrer la route à son autodétermination et même l’affaiblir davantage afin de supprimer sa dynamique révolutionnaire vers le changement. En fait, c’est insulter sa dignité, c’est bien le mot qui qualifie le mieux l’action des forces tutrices à l’égard des masses populaires luttant pour un avenir meilleur.
Le peuple haïtien doit réaliser que Jocelerme Privert est tout à fait isolé. Cette vérité, nul n’a le droit de l’ignorer. Le bout du tunnel est encore loin, et il ne faut pas s’attendre à voir la lumière apparaître de sitôt ; vu que la situation n’a fait que dangereusement se dégrader. Le silence nous rendrait complice d’une crise qui conduit le pays quasi inexorablement vers une tragique impasse. Ce qui est sûr, c’est que les derniers événements survenus de façon précipitée ont mis en évidence le danger que constitue la présence indésirable et néfaste des forces occupantes garantes des manœuvres ténébreuses de leurs suppôts locaux.
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