Les limites et les pièges de la nouvelle conjoncture !

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A s’en tenir aux seules apparences, on pouvait même croire que les derniers événements vont apporter une indéniable bouffée d’air de changement dans l’atmosphère pesante qui prévaut dans le pays. L’étoile de Jocelerme Privert semble être à son zénith alors que pourtant cela ne signifie pas qu’il faille pour autant adhérer sans conditions à des reformes cosmétiques, elles-mêmes déjà bien imparfaites, seulement pour la galerie ; et qui de surcroit, ne feront seulement plaisir qu’aux classes dominantes.

Ce décor démocratique est la restauration spectaculaire de la bourgeoisie compradore et mercantiliste ; déjà le Forum Economique du secteur Privé, par son président Gregory Brandt, qualifie d’historique l’accord du 6 février entre l’exécutif et le Législatif et s’attend à la poursuite du processus électoral avec l’organisation du second tour de la présidentielle. La chambre de commerce et d’industrie de l’Ouest (CCIO) va dans le même sens en saluant, dans une note datée du 15 février, l’élection de Jocelerme Privert comme président provisoire de la République dans les délais prescrits par l’accord politique du 6 février dernier.

Ce n’est pas sans raison que l’Ambassade américaine dans un communiqué, salue l’élection de Jocelerme Privert par l’Assemblée Nationale comme Président Provisoire d’Haïti en ces termes « C’est une première étape dans la mise en œuvre de l’accord signé le 6 février par le Président de la République et les Présidents des deux chambres du Parlement pour garantir une gouvernance continue et l’achèvement du processus électoral enclenché au cours de l’année 2015 »

Nous mettons en exergue « gouvernance continue » de l’’Ambassade des États-Unis « qui appelle toutes les parties à travailler ensemble pour compléter les élections présidentielles, législatives et locales le 24 avril prochain, comme l’accord s’y est engagé, afin qu’Haïti puisse renouveler ses institutions démocratiques et avancer pour faire face aux sérieux défis sociaux et de développement auxquels le pays est confronté »

Fait remarquable et significatif, même son de cloche de la part du porte-parole du Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon qui a pour sa part signalé que « Le Secrétaire général se félicite de l’élection le 14 février par l’Assemblée nationale d’Haïti d’un Président provisoire de la République. Cette élection découle de l’accord signé le 6 février entre les acteurs haïtiens portant sur la préservation de la continuité institutionnelle et la poursuite du processus électoral.

Saluant cette première étape cruciale, le Secrétaire général encourage toutes les parties à travailler ensemble vers la mise en œuvre de la feuille de route contenue dans l’accord, pour assurer un retour à la normalité constitutionnelle. Le Secrétaire général exprime sa confiance que la stabilisation d’Haïti et le processus démocratique se poursuivront de manière pacifique et coopérative ».

Le Conseil permanent de l’Organisation des États américains (OEA) a rebondi dans le même sens par le truchement de leur commissaire Ronald Sanders, le Chef de la délégation qui ayant été en Haïti « a reconnu la contribution de la Mission à la réalisation d’un accord pour un gouvernement de transition et pour faire avancer des solutions démocratiques dans le pays»  Pour ajouter « Nous sommes heureux que la présence de cette mission a eu un effet positif dans la recherche d’une formule de consensus entre les parties prenantes »

Luis Almagro, le Secrétaire général de l’OEA, a lui-même insisté sur la «  nécessité d’améliorer les conditions du processus électoral et l’autorité électorale (CEP) afin d’améliorer la confiance nécessaire pour se rendre à l’élection d’un nouveau Président d’Haïti en avril prochain » ajoutant « Nous avons absolument besoin d’un organe électoral robuste en Haïti, avec des règles claires, la mise en œuvre de mesures de consensus élevé pour assurer l’équité, la confiance des citoyens et les conditions de sécurité pour les observateurs sur le terrain »

Même souhait et même volonté de la part de l’Union européenne qui elle-même réaffirme « son soutien aux efforts des autorités de transition dont la tâche principale sera l’aboutissement du processus électoral avec l’installation d’un nouveau Président élu par les citoyens haïtiens au plus tard le 14 mai et assurer ainsi la stabilité politique »

Où se situent donc,  les nombreuses revendications des masses populaires dans tout cela ? Nous ne pouvons pas nous laisser emporter par l’euphorie de cette ère nouvelle  à laquelle les plus nostalgiques du pouvoir et les affairistes, carriéristes n’ont pas résisté pour aller trinquer au Palais national. Quand rien n’a changé et ne changera pas dans les années à venir voire pour les 120 jours de transition. Cet appareil administratif et bureaucratique corrompu soutenu par les forces impériales est toujours capable de faire avorter la situation par sa torpeur et son inertie à défendre ses intérêts vitaux.

C’est le résultat du bilan de douze années d’occupation d’Haïti par les puissances impérialistes sous couverture des forces onusiennes,  un bilan en effet plutôt plus que désastreux. Les deux élections sous occupation ont laissé d’amers constats dans nos vies quotidiennes puisqu’elles resteront un cauchemar insurmontable.

Cette initiative manœuvrière du Core Group  et de la Minustah de recourir à la négociation ne doit pas effacer de notre mémoire le tapage indécent qu’ils ont fait pour essayer de légitimer la mascarade électorale. Avons-nous déjà oublié les deux interviews propagandistes de l’ambassadeur américain Peter Mullrean au Nouvelliste et à Radio Kiskeya défendant les élections du 9 août et du 25 octobre 2015?

L’occupant n’est pas sur la défensive, malgré que son échec de l’occupation soit tangiblement clair. La mise en place de Jocelerme Privert est de la poudre aux yeux du peuple. Ce n’est pas à travers ces genres de manœuvres illicites que le peuple trouvera ni justice ni les véritables remèdes à ses terribles maux. Le mal est infiniment profond ; tout ce qu’on fait à la surface va en quelque sorte tôt ou tard conduire le peuple dans une indicible souffrance et de la détresse. Nous ne pouvons pas continuer à nous laisser administrer des médicaments soi-disant curateurs par celui-là même qui concocte notre mort.

Berthony Dupont   Volume:Vol. 9 • No. 32 • Du 17 au 23 Février 2016

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