«On ne peut à la fois être sincère et le paraître.»
André Gide
Autant la modestie est une vertu à cultiver, autant est détestable l’immodestie, la jactance, le paraître, le fèwè, le shelbè, le granpanpan. C’est bien l’écrivain, journaliste et poète français Grégoire Lacroix qui nous enseigne: «Belle leçon de modestie que le cosmos. Aucune de ses étoiles ne se prend pour une star». Pour sa part, Anne-Thérèse de Marguenat de Courcelles, écrivaine, salonnière, disciple de François de Salignac de La Mothe-Fénelon dit Fénelon, homme d’église, pédagogue et écrivain français, rappelle que: «Sans modestie dans les discours, on devient insupportable aux autres».
C’est ce même Fénelon qui, dans Télémaque – critique prudente de Louis XIV – souligne que «modestie est sœur de vérité». Ce n’est pas d’aujourd’hui que dans les cercles du pouvoir le mensonge, le bluff fleurit à l’ombre de l’immodestie, du grandizè. Même si je n’arrive pas à la cheville d’un Lacroix, d’une de Courcelles ou d’un Fénelon, je peux au moins me rendre compte – et je ne suis sans doute pas le seul – que le pouvoir et la vérité c’est comme lait et citron. Il en sort toujours un précipité mensonger âcre, «insupportable aux autres».
Les porte-paroles du pouvoir peuvent ne pas vouloir mentir, mais bien avant d’accepter le rôle de “porte-mensonges”, ils avaient déjà fait leur cette réflexion de Pierre-Jules Stahl (Hetzel, de son vrai patronyme) : ”Si les menteurs trouvent toujours des auditeurs, c’est parce que ceux-ci se persuadent qu’on ne dit la vérité qu’à eux seuls”. Alors, loin de toute modestie, de toute réserve, de toute retenue, de toute pudeur, certains mentent. Toutefois, il y a bien des gens qui savent discerner la vérité du mensonge parce que même sans avoir lu les Pensées de Cécile Fée, d’instinct il leur semble clair que: “ Si l’on doit parfois taire la vérité, ce n’est pas une raison pour se permettre de mentir”.
Le pouvoir et ses porte-parole tapis dans l’ombre de leurs petites manigances à la semaine se permettent de fuir la vérité, de se pavaner du haut de leur jactance, de vouloir nous faire prendre des vessies pour des lanternes, la lune pour du fromage, les bougies de leur suffisance mensongère pour des étoiles de vérité. Mais on finit toujours par les découvrir, c’est la sagesse populaire haïtienne qui le dit: twou manti pa fon. De son côté, un aristocrate et homme d’État polonais chevauchant le XVIIe et le XVIIIe siècle, cultivé et spirituel, Stanislas Leszecynski, pensait: “La vérité est comme le soleil, qu’une éclipse peut obscurcir, mais qu’elle ne saurait éteindre.”
Il y en a pourtant qui n’ont pas fait attention à cette pensée stanislassienne. Voyez comment un “savant” du nom de Arthur Gobineau, comte de son état s’est laissé aller à écrire un conte “scientifique” se rapportant à une prétendue et mensongère Inégalité des races humaines. C’était pure granpanpantude pseudo-scientifique. Mal lui en prit, l’éclipse menteuse gobineaute n’avait pu obscurcir la vérité. Le soleil de Louis Joseph Janvier vint abondamment illuminer le ciel scientifique de L’Égalité des races. Depuis, plus personne n’a voulu gober les hurluberlutudes de Gobineau.
En Haïti, libéraux et nationaux avaient voulu éclipser le soleil de la lutte des classes avec leur boîteux slogan menteur, granpanpan, de pouvoir “aux plus capables” et de pouvoir “aux plus nombreux”, respectivement. Pourtant, bien avant leurs boîteries, crétineries, andouilleries, mazetteries, maladroiteries politiques, Acaau avait fait luire le soleil de la vérité, le soleil de la réalité des nèg rich et des milat pòv. Environ un siècle plus tard, après Acaau, un grand mapou de notre paysage littéraire, politique et idéologique, Jacques Roumain, de façon solaire, assénait: “La couleur n’est rien, la classe est tout”, et venait, une fois pour toutes, effacer l’affligeance des éclipses coloristes.
Cette longue introduction avait pour but d’établir que la tentation a toujours été grande au niveau des détenteurs de pouvoir, politique surtout, de préférer le granchire, l’immodestie, les sorties théâtrales, le paraître, le bluff, le mensonge à la vérité. Quand ils n’ont pas le culot d’affronter le bon sens, l’intelligence du commun des mortels, ils s’en remettent à leur porte-parole à qui est confié le sale rôle de travestir, maquiller la vérité au point de rendre celle-ci méconnaissable, au point de sombrer dans le mensonge. Ce qui nous amène aux granpanpances de Tamara Orion.
Avant toutes choses, soulignons que madame Orion, et le médecin psychiatre Harrisson Ernest furent à Radio Signal FM, lors des élections de 2010-2011, des “fanatiques” en sourdine, en pispidine, anba anba, de l’obscène Martelly tandis qu’ils prétendaient exercer un journalisme “indépendant, équilibré, san fòskote”. En tant que psychiatre, Ernest, à son émission politique “Tribunal du soir”, avait le tour de distiller des commentaires ou messages subliminaux destinés à orienter le subconscient des auditeurs vers Martelly. Les trois ont été récompensés pour leur fidélité ticouloute sans faille au voyou Martelly présenté comme un soi-disant “outsider”.
Nous nous approchons à petits pas de Tamara Orion, mais n’y sommes pas encore. Nous continuons à nous demander comment cette “journaliste chevronnée”, réputée ne pas avoir la langue dans sa poche, «fanm ki pa sere kras», féministe par surcroît, a pu faire bon ménage politique avec le sordide Martelly et l’érotomane Ernest Harrison, un harceleur sexuel notoire, comme allait le montrer un rapport conjoint de SOLIDARITÉ FANM AYISYÈN (SOFA) et du RÉSEAU NATIONAL DE DÉFENSE DES DROITS HUMAINS (RNDDH) en date du 12 décembre 2014.
Nommé éventuellement Directeur général adjoint de l’Unité Radio Nationale d’Haïti de la Radio Télévison Nationale Haitienne (RTNH) par Martelly le déjoué, Monsieur jouait au super patron. Il réprimandait les employé-e-s de la Radio à tout bout de champ, aller pour venir, pour toutes sortes de raison. Surtout, il s’acharnait contre les jeunes femmes dont plusieurs étaient invitées à offrir leur sexe aux appétits libidineux, dévergondés, pathologiques du docteur. Mais, comme tous les harceleurs sexuels de la trempe d’un Donald Trump, d’un Bill O’Reilly de Fox News, d’un Josué Pierre-Louis violeur de Marie Danielle Bernadin, il avait nié en bloc aux enquêteurs. Il avait même prétendu que c’étaient les femmes à la RTNH qui étaient ses “agresseuses”. Mon BIC, enfin, mon clavier m’en tombe.
N’ayant pas pu sucer un os, un bon zo mwèl, sous Martelly, Tamara avait mouru sa poule à Télé Signal. Mais Lucien Jura, lui, doué d’une âme solidement sousoute, tyoulit, avait pu se glisser sous les puantes dévergondances de Sweet Micky pour se faire nommer porte-parole et rester à ce poste pendant les cinq années de Martelly. Condescendant, plutôt arrogant et hautain, sousou au verbe sirupeux, défenseur zélé de toutes les vilénies de son patron, de toutes ses dérives, de toutes ses sorties ordurières en public, de toutes ses violences verbales obscènes et salaces contre les femmes, il avait joyeusement servi de paillasson à son boss. C’est ce personnage sans caractère qu’a rejoint Tamara à titre de porte-mensonge de Jovenel l’inculpé.
Tamara, comme Jura, défend son gras salaire, ses per diem (si elle doit se déplacer avec son patron), ses fiches lui donnant accès gratuitement à la gasoline, les bonus attendus ou inespérés, une voiture blindée munie de gyrophare, des gardes de corps, sa proximité de tous les instants avec le “Chef”, avec le pouvoir maître des vies et des biens, oui, le pouvoir, cette essence mythique qui fait faire des bêtises; on comprend tout cela, mais ce qui est incompréhensible c’est que cette femme accepte de mentir pour le compte d’un président inculpé, parce que c’est la consigne. Ou bien tu m’applaudis ou bien tu te fais virer.
Nous continuons à nous demander comment cette “journaliste chevronnée” a pu faire bon ménage politique avec le sordide Martelly et l’érotomane Harrisson Ernest…
Alors, notre Tamara quoique réputée pour être une «fanm ki pa sere kras» raconte n’importe quoi. Portant des lunettes déformantes, allongeantes, grossissantes, augmentantes, épaississantes, multipliantes, additionnantes, elle falsifie la vérité, elle tord le cou à la vérité, elle blesse la vérité, elle s’imagine qu’une éclipse mensongère sienne (quoique j’eusse préféré une éclipse mensongeante) peut obscurcir le soleil de la vérité. Alors, madame s’est enorgueillie d’une distribution de quelque 4 000 kits alimentaires et hygiéniques à Port de Paix.
Pour combien d’habitants? Près de 500 000. J’ai beau avoir été mazèt en math à l’école, mais je peux au moins faire un petit exercice de calcul. Il eût mieux fallu dire, de façon plus prudente, moins controversée: une très grande quantité de kits… c’eût été moins granpanpan, Et puis pourquoi en ajouter à la granpanpance en faisant remarquer sottement, bêtement, bêbêtement, tisousoutement: “Hier, une distribution a été organisée sur ordre de la première dame”. Était-ce du ressort de “Titin”? Madame Jovenel est-elle une élue? Que font alors les ministres? Épluchent-ils des wès? Eske y ap kale wès? Que fait le PM? Est-ce qu’il passe son temps à faire du gratesanti?
Poussant sa granpanpance jusqu’à caricaturer et falsifier la réalité, Tamara a avancé que “Cette aide de 4 000 kits démontre que l’État, maintenant, est capable de faire face à n’importe quelle catastrophe”(sic). Pourquoi cette insulte granpanpante à notre intelligence? Un internaute de Rezo Nòdwès commentait avec à-propos et pertinence: “Ki katastwòf, andeyò de vòlò tout sa k rete nan kès piblik la?” Merci à l’internaute. Ou tande bèf, mais Tamara ne saurait où aller chercher les cornes. Elle poursuit: “Lòt bagay ap vini, men m poko konnen” (resic). Elle a pourtant vu: “Loaders, tracteurs, buldozers, excavatrices, [brouettes, truelles, pelles, manivelles, bielles, échelles], etc… déjà sur place. C’est l’État qui doit donner le ton, comme l’a souligné le président Jovenel Moïse». Ki ton?
Pour le vrai ton, Tamara est passée à côté. En effet, que lit-on sur le site Rezo Nòdwès: “l’hôpital public, ne disposant même pas de médicaments, de pansements et de gants, n’a pas été en mesure, la nuit du séisme, de recevoir les victimes qui ont été obligées de se diriger à un Centre hospitalier privé, Beraca, situé à quelques kilomètres du centre-ville”. Quelqu’un dira peut-être que c’est un rapport partisan de la réalité, mais lisons ce qui est rapporté par l’Agence France Presse:
«L’hôpital Immaculée Conception de Port-de-Paix peine encore dimanche soir à prendre en charge des blessés, faute de moyens […] “Il n’y avait pas d’électricité ici, donc on n’a pas pu recevoir la foule de personnes qui sont venues hier soir”, témoigne le docteur Paul Miclaude […] “Ça a été vraiment difficile pour nous de les envoyer vers un autre hôpital. Et faute de temps, certains sont morts ici”, ajoute-t-il. Encore maintenant, on manque presque de tout. Ce sont les patients qui sont en train d’acheter les médicaments, les gants, tout. Malgré leurs traumas et bien que leur maison vient d’être détruite, poursuit-il. Clairement, on n’est pas préparé pour une telle catastrophe, juge avec sévérité le médecin.» Tu entends, Tama? Sa a se pou ou, oui.
Plus loin, AFP continue: « La venue du chef de l’État Jovenel Moïse à Port-de-Paix a attisé la colère populaire née d’années à subir la pauvreté extrême, sans connaître de réelles améliorations des conditions de vie. “Voyez aujourd’hui, tout le monde peut voir qu’on n’a pas de vrai hôpital: ça montre bien qu’on n’a pas d’État. Le Président est venu dans la ville mais il n’est même pas venu voir ici,” enrage François Lubensron à proximité de l’entrée de l’Immaculée Conception. “Il faut que ce comportement cesse: ça suffit qu’un petit groupe privatise le pays et que, nous, on meurt. On est des humains, on a le droit de vivre comme toutes les nations”, assène le jeune homme de 28 ans.» Sa a ankò se pou ou, oui,Tamara.
Men pou ou toujou, manzè Orion. Le député Freud Maurancy, représentant de la commune de Saint-Louis du Nord au parlement, déplore que les interventions du gouvernement soient concentrées au niveau du chef-lieu du département: “ Ce n’est pas possible que le gouvernement méprise les autres communes du département du Nord-Ouest alors que notamment la commune de Saint-Louis du Nord se trouve dans une situation catastrophique depuis samedi dernier” (LOOP, 10 octobre). Tou sa se pou ou, oui, Tama.
Le parlementaire fait état de deux décès contre 1 mentionné par les responsables de la protection civile, 122 blessés, 777 maisons détruites complètement, 1574 endommagées et 2133 fissurées (Rapadoo Observateur, 10 octobre 2018). Selon LOOP (10 octobre): actuellement, des habitants de la commune sont sans abri. Ils sont livrés à eux-mêmes. Le député Freud Maurancy appelle les responsables de l’État à sursoir à leur propagande politique. Madame Orion, chère Tamara du cœur rose du PHTK, vous avez la parole, madame porte-parole.
Arrêtez, chère Tamara, de faire une propagande granpanpante pour un président inculpé, faux comme un jeton. Les reportages de AFP, LOOP et Rapadoo Observateur montrent bien que vous n’arriverez jamais à éclipser le soleil des faits, de la vérité. Vous, Lucien Jura et votre patron, vous êtes trop raz pour ça.
Avant de conclure, laissez-moi vous rafraîchir la mémoire, en évoquant l’une de vos granpanpances. C’était en avril de cette année, vous défendiez sottement, granpanpannamment, ridiculement, béatement, votre patron inculpé qui avait passé environ un mois avant d’évoquer le dossier du photojournaliste disparu Vladjimir Legagneur: «Parce que Jovenel Moise n’a pas tweeté à propos de la disparition du photojournaliste, cela ne signifie aucunement que le président reste insensible à ce qui s’est passé », déclariez-vous.
Voilà qu’en plus de donner dans la granpanpantude, vous donnez maintenant dans la rizèzté. En effet, en voulant défendre à tout prix l’indéfendable Jovenel, l’indéfendable tout court, vous avez faussement joué sur la corde émotionnelle en insistant sur le fait que Jovenel l’inculpé “en tant que père de famille, comprend parfaitement la disparition d’un jeune.” Et pour vous faire mieux comprendre, vous avez dit que «Le président a même évoqué le dossier de Vladjimir au Pérou». Oui, mais vous avez omis de dire que l’inculpé Jovenel avait omis de prononcer le nom du photojournaliste; c’est ce qu’on appelle un mensonge par omission. Ou rizèz, voilà que kou n ye a ou mantèz, fût-ce même par omission.
Pour conclure, permettez que je vous dise que servir un président inculpé c’était déjà contraire à l’éthique la plus élémentaire de votre part. Mais rester à bord d’un navire bondé de matelots corrompus, et vous faire la porte-parole complice des mensonges d’un président corrompu et inculpé, sans dire kwik, ne fait pas honneur à la réputation (peut-être surfaite) qu’on vous a faite de «fanm ki pa sere kras», féministe par surcroît. Vous pourriez pourtant être une porte-parole douée d’éthique, mais comme la porte-parole de Donald Trump, Sarah Huckabee Sanders, vous n’êtes qu’une porte-mensonge sans éthique, une granpanpan sans état d’âme qui défend son pognon.
M’inspirant de la chanson Bèl Mari pou li de notre grand troubadour, feu Dòdòf Legros, permettez, Tamara Orion, que je vous dise: “ou bèl, men ou pa bèl fanm (politik) pou mwen”.
13 octobre 2018