Les « États enrichis » piétinent les peuples qu’ils ont appauvris

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Des citoyens déshumanisés cherchent leurs repas quotidiens dans les poubelles déposées dans les ruelles et sur les trottoirs.

« La vie de l’homme dépend de sa volonté; sans volonté,
elle serait abandonnée au hasard ».
Confucius

 

Il serait bon de rappeler que tous les peuples du monde sont tributaires des mêmes souffrances. Des mêmes manquements. Des mêmes abus. Des mêmes privations… À des degrés divers, peut-être… Néanmoins, ils sont coulés dans la même moule de frustrations… C’est dans le puits de cette vérité, qui a la force d’un postulat, que les philosophes allemands, Karl Marx, le père du  «calcul de la plus-value» et Friedrich Engels ont extrait le souffle puissant de mise en garde universelle : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous… »

Loin de nous l’idée de faire l’apologie du « communisme » avec son moteur calant, dans ce monde où son véritable adversaire, le « capitalisme » est déjà installé sur son lit de déclin. Joseph Eugene Stiglitz, – Lauréat du prix Nobel d’économie en 2001–, constate que « la gauche et la droite sont déboussolées. »

En effet, toutes les analyses de type macro-économique montrent clairement l’échec de ces deux courants idéologiques qui se sont affrontés à coups de hache durant plusieurs décennies. Finalement, les deux ennemis acharnés, qui ont déclenché des guerres d’influence sur toute la planète, se retrouvent au banc des accusés. L’un et l’autre ont ruiné les espoirs de l’humanité. D’un côté comme de l’autre, les citoyens déshumanisés cherchent leurs repas quotidiens dans les poubelles déposées dans les ruelles et sur les trottoirs. Manifestent dans les rues pour exiger des emplois… Font la grève pour obtenir des salaires qui correspondent plus ou moins à l’augmentation vertigineuse du coût de la vie. Hurlent sans arrêt pour faire reconnaître leurs droits de vivre. Pas seulement d’exister

Des sans-abri à Los Angeles

Les astrophysiciens prédisent la « mort du soleil » dans cinq milliards d’années environ. Et selon eux, la terre ne survivra pas à ce désastre. Au train où va la misère, lorsque le phénomène se serait produit, il se pourrait qu’il n’y eût plus d’êtres humains sur la planète. L’espérance de vie des femmes et des hommes dans les pays en voie de développement est presque réduite à une peau de chagrin. Alors que, selon les études scientifiques, les riches vivent beaucoup plus longtemps. C’est que les misérables du Sud, malgré les prières et les neuvaines, n’arrivent toujours pas à exorciser le « démon » du sous-emploi, du chômage, de la maladie causée par la sous-alimentation ou la famine, de la prostitution de survie… Les cimetières sont remplis d’indigents qui ont crevé comme des rats dans les rues des métropoles. Manger, se loger, s’habiller sont devenus pour ces catégories d’êtres humains des problèmes quotidiens difficiles voire même impossibles à gérer. Pourtant, la terre produit deux fois plus de nourriture qu’il n’en faudrait pour satisfaire les besoins alimentaires des milliards d’êtres humains répartis dans le monde.

Les dirigeants des États enrichis ou appauvris doivent rendre également des comptes à leur population. Ils ne réfléchissent et n’agissent pas en fonction des besoins essentiels de leurs citoyens. Pourtant, ces pays investissent des milliards de dollars dans l’achat ou la fabrication d’armes de destruction massive.  Ils font valoir leur capacité de nuisance militaire sur tous les fronts. Ils font la guerre en Europe, Afrique, Asie etc.  Ils financent des conflits armés, notamment en Ukraine, qui poussent des millions de familles à s’expatrier dans des conditions inhumaines pour échapper à la mort. Ces malheureuses gens, mal lotis, sont transformés en parias et dorment sur les sommets des montagnes entre les rochers coupants, dans le froid de l’hiver, sans couverture, sans eau, sans nourriture… Il y a donc aujourd’hui sur la terre plus de missiles, de roquettes, de drones… que de pains pour les affamés.

Les chefs d’États des pays dominants et dominés se vautrent dans la boue de la corruption. Le pouvoir politique refuse de s’élever au-dessus des nuages d’assassinats, de crimes économiques et financiers, pour atteindre le ciel pur et immaculé d’un niveau de moralité démocratique. Jean-Paul Sartre, le philosophe de l’existentialisme, constatait que les mains se salissent toujours en politique.

Le désespoir tue aux Etats-Unis

Dans l’état de nature, en remontant les rives de la préhistoire, l’âge du paléolithique, tous les individus étaient censés égaux. Les notions relatives aux fondements de la propriété privée étaient méconnues. Le renoncement au « pouvoir absolu » conféré par les droits naturels – ce qui nous renvoie quelque peu au contrat de soumission élaboré par Thomas Hobbes (Le Léviathan, 1651) – devrait conduire les humains à se construire un mode de vie au moins supportable et satisfaisant… Dans les sociétés archaïques, les efforts qu’ils déployaient pour se fournir les moyens de subsistance conduisaient à l’exécution des tâches singulières dangereuses et ardues.

Même si cette époque est qualifiée de « communisme primitif » par les préhistoriens, il n’en demeure pas moins vrai que l’individu du XXIème siècle ne voudrait pas du tout ressembler aux Nambikwara du Brésil central qui ont fait le sujet de la thèse de Claude Lévi-Strauss en 1948.  Pour rien au monde, nous ne voudrions revenir à l’époque du hamac, de la chasse, de la cueillette et du pagne. Mais qu’est-ce que la « civilisation » – étatisation, hiérarchisation sociale – a réellement apporté à l’homme du « post-néolithique »? La concession de nos droits individuels à des instances gouvernementales en charge de l’organisation sociétale au bénéfice des mandants n’a pas généré les résultats escomptés. Les citoyens marginalisés sont laissés à eux-mêmes et à leurs déboires. Il faut redéfinir « Le contrat social » inscrit dans le courant philosophique de John Locke, Jean-Jacques Rousseau, Charles Montesquieu. Comme Albert Jacquard propose de « réinventer l’éternité », nous croyons qu’il devient aujourd’hui primordial voire indispensable de repenser « un système de société » capable   de restituer à la femme et/ou à l’homme son « humanisation ».

Les grandes questions de politique économique sont devenues les premières préoccupations qui transpirent dans tous les débats liés au devenir de la planète. Que ce soit à Davos, dans les sommets du G7 ou du G20, les craintes d’une récession mondialisée à cause de l’état sans cesse dégradant des pays soulèvent des poussières de panique et font déborder le pessimisme des experts. La gabegie et la corruption constatées dans les manières dont les hauts cadres  administrent les richesses de la terre ont noyé les espoirs de rééquilibrer le fonctionnement des sociétés pour la survie de l’espèce. Si l’on tient compte, si l’on se réfère à l’essence du postulat qui sert de béquille à la dialectique héraclitéenne, à savoir « le contraire est aussi la chose », lorsque le « Sud » disparaîtra, il n’y aura plus de « Nord ».

Les favelas de l’Amérique latine

La définition classique de la pauvreté dans le monde contemporain s’articule autour des facteurs de la baisse ou de la nullité du pouvoir d’achat des individus. Les salaires des travailleurs diminuent. Alors que les entreprises déclarent des profits mirobolants et provocateurs sur le Capital. Les délocalisations des industries dans des régions où la main -d’œuvre est nettement en dessous du salaire minimum légal accordé en Amérique du Nord ou dans les grands pays de l’Europe ont favorisé des gains qui se chiffrent à des milliards de dollars pour le patronat. Cependant, les dividendes collectés ne sont pas profitables aux masses ouvrières. Ils ne sont pas utilisés pour combattre le chômage et améliorer les conditions sociales des salariés qui arrivent difficilement à boucler leurs fins de mois. Dans certains pays, l’État est obligé de recourir à des distributions monétaires pour accorder un certain pouvoir d’achat aux familles démunies afin qu’elles puissent participer dignement à la dynamique des opérations de consommation. À ce sujet, André Gauron écrit dans L’empire de l’argent :

« Même les libéraux les plus intransigeants reconnaissent que s’il devait rester une mission à l’État, ce serait celle-là : « C’est, estime Friedrich Hayek, clairement un devoir moral pour tous, au sein de la communauté organisée, de venir en aide à ceux qui ne peuvent subsister par eux-mêmes » sous la forme d’un revenu de subsistance… Donner des aides monétaires par respect de la dignité, pour que le pauvre ait le même droit que le riche d’aller faire son (super) marché, l’étendue du choix en moins. Aider les démunis à fuir l’inacceptable. Distribuer des subsides monétaires pour ne pas regarder en face ce pouvoir de vie et de mort sur les êtres humains que nous avons abandonnés à la monnaie… »

Des statistiques alarmantes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) révèlent que les problèmes de santé mentale augmentent considérablement sur la planète. Le deuxième en importance sur l’échelle des maladies… Nous n’avons pas besoin d’être des experts en soins psychiatriques, psychologiques, psychanalytiques et autres, d’être Sigmund Freud, pour rattacher cet état de fait à des situations de stress chroniques générées par le phénomène de l’insécurité sociale et économique. Il devient de plus en plus difficile pour le simple citoyen à revenu modeste d’assurer sa survie dans un monde où les boutons de la consommation sont pressés au maximum. Vivre est devenu une fonction presque impossible à remplir. Le verbe « manger », qui devrait traduire une action naturelle, a perdu son caractère régulier et universel. Manger, se loger, respirer, s’habiller, s’éduquer, se soigner… se protéger, transformeront tôt ou tard la planète en une boule de feu inextinguible. Ces verbes en er, dès la genèse de l’univers, ont toujours été des épées à double tranchant : la Paix et la Guerre ! Nous reprenons Aristote : « L’individu ne cherche pas seulement à vivre, mais encore à bien vivre. » La Paix rime avec l’Équité. La Violence avec l’Injustice. En travaillant à l’édification d’un monde plus ou moins équitable, nous contribuerons, très certainement, à jeter un peu d’eau au lieu de l’huile sur les brasiers incandescents des violences « multifacettiques », afin de faire baisser l’intensité des flammes…

C’est irréaliste de penser à inventer un système de société où les êtres humains, sans distinction, auraient eu la chance de fonctionner sur l’axe  de l’égalitarisme… Peut-on arriver un  jour à éliminer la pauvreté? La question, quoiqu’elle soit posée de manière simpliste, mériterait une réponse réfléchie, que nous n’aurons malheureusement pas l’occasion d’approfondir dans le présent exposé. Elle ne devrait pas être immédiate et succincte. Car la pauvreté, soit dit en passant, est à la fois humiliante pour certains, lucrative pour d’autres… Prétendre enrayer la pauvreté dans le monde est « utopique ». Par contre, les États ont le devoir sacré d’améliorer les conditions de vie de leurs peuples, de faire de chaque individu des citoyens à part entière, ce qui signifie, en expression langagière plus accessible, des femmes et des hommes jouissant de tous les droits liés aux conditions d’une vie normale…

Dans certaines régions de la planète, les dirigeants politiques, dans leur façon de mener les affaires de l’État, transforment leurs concitoyens en filiéristes qui se déplacent dans le vide vertigineux formé par des falaises de privations multiples, sans leur installer le moindre filet de sauvetage pour amortir les chutes éventuelles.

Les organisations internationales qui œuvrent dans le domaine des droits humains multiplient des traités, des conventions, des règlements… pour dénoncer, combattre et réprimer la discrimination sociale, la ségrégation raciale. Pourtant, aucune d’entre elles ne pense à adopter des mesures sérieuses pour renverser les barrières solides de l’« apartheid économique » érigées par les nations nanties qui empêchent le Sud d’accéder à l’autosuffisance financière. Les écrivains et essayistes progressistes ne cessent de parcourir le monde avec leurs cahiers et leurs stylos pour dénoncer la misère de certains enfants du « Bon Dieu » qui naissent, grandissent et meurent dans des conditions que le terme « humiliation » n’arrive pas à traduire en ampleur, dégradation et tragédie. Le pseudo organisme de charité Vision mondiale nous bombarde à chaque seconde d’images de fillettes et de garçons perdus dans les fins fonds de l’Afrique, les yeux cernés de cire, certains debout au milieu des mouches qui ronronnent, d’autres, réduits à l’état squelettique, sommeillant dans les bras de pauvres femmes aux regards inquiets, livides et tristes qui proviennent de ces visages froissés comme un morceau d’étoffe fatiguée. Dans ces décors apocalyptiques, des belles femmes occidentales, rayonnantes et douces comme le soleil du matin, qui quémandent des « sous blancs » pour sauver ces misérables gosses de l’Afrique, de l’Asie, de l’Amérique Latine… de la « pauvreté extrême ». « Donnez généreusement, s’il vous plaît…! Avec 30 dollars par mois, vous pouvez faire le bonheur de ces petits êtres malchanceux… » 

Peut-on arriver un  jour à éliminer la pauvreté? La question, quoiqu’elle soit posée de manière simpliste, mériterait une réponse réfléchie

Ces organismes-là possèdent des flottes de véhicules tout terrain, des tours à bureaux luxueux par ci, par-là, disons presque dans toutes les mégapoles, et leurs dirigeants s’accordent indécemment des salaires scandaleux, à l’instar des chefs d’entreprises industrielles. Des enquêtes journalistiques ont montré que la plupart des PDG des banques et des industries gagnent 70 à 100 fois le salaire de base de leurs employés de dernière classe. Les pays occidentaux s’enrichissent grâce à l’exploitation outrancière des matières premières qu’ils importent des régions tiers-mondiales. Le Soudan est un pays déchiré par une violente guerre fratricide. Ses habitants mènent une lutte sans issue contre les souffrances causées par la misère. Pourtant, le Soudan est potentiellement riche en ressources pétrolifères. Mais la population ne profite pas des retombées bénéfiques du pétrole qui sert plutôt à enrichir les actionnaires des grandes raffineries et les États puissants et prédateurs qui  prélèvent  des  taxes exorbitants  sur les produits dérivés…

Ce n’est un secret pour personne que la guerre est devenue un puissant instrument de profit pour les fabricants des armes de destruction massive. Pour les pays comme les États-Unis, la France, le Canada, l’Angleterre, la Chine, La Russie etc., la tactique consiste à allumer cyniquement des foyers de guerre partout où il y a des gisements d’or, de diamant, de pétrole, d’uranium, et autres, et de jouer au troisième larron qui arrive sur la pointe des pieds et qui emporte tout, pendant que les belligérants autochtones se battent naïvement entre eux et s’entretuent.

La force de l’impérialisme se repose sur l’exploitation à outrance des enfants qui travaillent au noir en Asie et en Afrique, des femmes et des hommes fragiles, vulnérables, qui se laissent parquer dans les usines de sous-traitance comme du cheptel vivant, rien que pour arriver à casser la croûte une fois par jour et à se payer un ajoupa pour parer le soleil et les intempéries…La délocalisation des entreprises a entrainé la classe ouvrière dans l’embouchure tourbillonnante de l’appauvrissement accéléré. Comme Noam Chomsky le souligne, le système économique néolibéral privilégie « Le profit avant l’homme [1]». Il y a des chercheurs qui affirment que « partager les revenus, c’est le seul antidote à la pauvreté ».

Les masses populaires retranchées dans les ghettos des mégapoles des États-Unis, du Canada, de l’Angleterre, de l’Asie, les cités insalubres de la France, les favelas de l’Amérique latine, les bidonvilles de l’Afrique et de la Caraïbe… doivent comprendre la nécessité de se dégriser du pouvoir de l’ « illusionnisme » et de l’« hallucinationnisme » d’une certaine « démocratie »  qui a été inventée dans l’unique et l’ultime but de mousser secrètement les tentations hégémoniques des grandes puissances cantonnées au sein du regroupement vorace baptisé G7.

Fidel Castro a déclaré le 4 février 1962 : « La révolution est dans l’histoire ce qu’est le médecin à la naissance d’une vie nouvelle. Il n’emploie pas sans nécessité le forceps, mais il l’emploie sans hésiter chaque fois que cela est nécessaire pour aider l’enfantement. Cette naissance apporte aux masses asservies et exploitées l’espérance d’une vie meilleure»


[1] Titre d’un ouvrage de Noam Chomsky

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