Le soulèvement annoncé n’a pas eu lieu

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Au fur et à mesure que la situation actuelle du pays continue à s’enliser dans l’horreur, l’anarchie généralisée et la démagogie politique, il devient évident que les masses populaires haïtiennes dont les possibilités de résistance sont immenses, doivent trouver ou construire une solution honorable et satisfaisante pour tenter d’arrêter le processus de décadence en cours.

C’est en grande pompe que l’ancien sénateur du Nord, Moise Jean-Charles de la plate-forme « Pitit Desalin » avait annoncé qu’à l’occasion du 231e anniversaire du soulèvement général des esclaves à Saint-Domingue, la deuxième ville du pays, le Cap-Haitien, se soulèverait le lundi 22 août 2022 contre le pouvoir en place.

Nous n’avions pas vraiment fait confiance à cet appel comme Marie Laurette Numa l’avait bien signalé « vu le manque, sinon l’absence de crédibilité de la gent politicienne haïtienne ». Toutefois, cela ne signifie pas pour autant que nous sommes opposés à toutes initiatives de mobiliser les masses. Bien sûr que non, cependant, ce que nous craignons toujours, ce sont des mobilisations basées sur des propagandes spectaculaires, démagogiques, tout juste pour épater la galerie. Elles peuvent servir plus à démobiliser davantage que faire avancer la lutte des masses.

cette manifestation constitue l’illustration exemplaire de la volonté et de la détermination des opprimé-e-s à vouloir changer leurs conditions d’existence sociale.

L’alibi mensonger mis en avant, camouflé derrière l’ambigüité d’une phraséologie de « soulèvement général dans le Nord » ne s’est pas matérialisé, bien que le pays, en effet, vit bel et bien dans une situation prérévolutionnaire où la résistance organisée est de mise pour transformer les quartiers populaires et les masses ouvrières exploitées et humiliées en vrais foyers de révolte.

Comment se fait-il que ce « mouvement inédit » annoncé n’ait même pas ébranlé la cible principale, le Premier ministre de facto, Ariel Henry ? Celui-ci sans peur aucune a pris l’avion le jeudi 18 Août 2022 et est parti à la tête d’une délégation à destination de Port Of Spain, Trinidad Tobago, aux fins de participer à « l’Agri-Investment Forum ». Avait-il été rassuré par ses protecteurs que rien de grave ne devrait arriver ni rien qui pourrait compromettre son retour au pays ?

Bref, la vérité est que le soulèvement annoncé n’a pas eu lieu. Tout simplement on a observé dans certaines villes du pays quelques manifestations militantes contre la vie chère, l’insécurité, et par-dessus le marché contre le gouvernement. Cette journée de manifestation n’a rien de comparable au grand mouvement d’émeutes des 6 et 7 juillet 2018, qui avaient jeté dans les rues des dizaines de milliers des masses populaires haïtiennes contre la hausse du prix des carburants. Bien que les Banques commerciales et le commerce en général avaient par mesure de précaution ou par peur des représailles fermé leurs portes.

Ce que nous devons comprendre c’est qu’une manifestation ne saurait être une révolte, voire un soulèvement. Ce qui a eu lieu au Cap, aux Cayes, à Jacmel, Port-au-Prince et à Petit Goâve n’a été qu’une énième manifestation des masses populaires pour combattre cette classe politique au pouvoir. Quel que soit l’écho qu’elle ait suscité, cette manifestation constitue l’illustration exemplaire de la volonté et de la détermination des opprimé-e-s à vouloir changer irrémédiablement leurs conditions d’existence sociale.

Ils en ont marre des promesses non tenues, des discours creux, mielleux, truffés de mensonges et d’hypocrisie. Pour une nation aussi vieille politiquement que la nôtre, il faut avouer que nous n’avons pas beaucoup avancé depuis que nos ancêtres avaient bouté l’esclavage et les colons hors de cette terre qui nous a été léguée.

Nous ne pouvons pas ainsi rabaisser leurs exploits, leurs sacrifices, voire minimiser leurs hauts faits d’arme et historiques, à l’instar du sénateur Patrice Dumont qui avait osé comparer l’installation du Conseil National de Transition (CNT) de l’Accord de Montana au Serment des esclaves lors du Congrès historique du Bois-Caïman du 14 au 15 août 1791.

Le soulèvement des esclaves dans la nuit du 21 au 22 août 1791 n’a pas été seulement un puissant mouvement spontané des masses, il relève également d’une organisation certaine. Et c’est là notre grande faiblesse actuelle. Nombreux sont ceux qui pensent et même croient qu’ils peuvent prendre des roues libres sur la vaillance et la longanimité du peuple, sans prendre le soin de l’aider à organiser la lutte pour sa libération. Ils se trompent grandement.

La résolution des problèmes haïtiens ne passe pas par le remplacement, des Duvalier, d’Aristide, de Préval, de Martelly, de Jovenel Moïse ou d’Ariel Henry par un autre instrument au service des puissances tutrices mais par un véritable changement de système capable de renverser l’ordre politique, économique et social établi.

Il est plus que nécessaire et urgent que le peuple haïtien entre dans un processus de révolte organisée qui sache où il va, et qu’il se dresse victorieusement face à ses ennemis, acteurs néfastes et criminels, tant nationaux qu’internationaux.

Le soulèvement n’a pas eu lieu, certes, mais il ne tardera pas contre l’exploitation et la répression imposée à tout un peuple par une minorité de hors la loi. Ce tableau est sans doute sommaire, mais il illustre, au-delà des difficultés du moment, le travail en profondeur à accomplir d’une lutte populaire, révolutionnaire qui se développe et prend le temps de la réflexion et de l’organisation de tout ce qui reste à faire.

 

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