Le sens d’une mobilisation

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Un climat de mobilisation politique intense règne depuis le mois de Septembre dans le pays, suite à la publication de la loi de Finances 2017-2018. Ce n’est pas la première manifestation populaire de pareille envergure contre le pouvoir, vu que  les syndicats de la sous-traitance avaient déjà réussi de tenir la dragée haute aux patrons et au gouvernement en exigeant un salaire de 800 gourdes. Mais, malheureusement,  leur lutte avait fini par sombrer faute que les autres protagonistes politiques n’avaient pas trouvé nécessaire et important de les rejoindre pour forcer les patrons et leur bras politique, le gouvernement, à faire marche arrière.

Le point culminant de l’actuelle mobilisation populaire n’est plus la loi de Finances, si l’on prend en compte les nouveaux slogans en cours. En effet, c’est  Non à  l’instauration d’une nouvelle force armée ! Non à la mise en place du Conseil électoral Permanent ! Et surtout : Oui au départ de Jovenel Moise ! Et par-dessus le marché on a entendu dire que c’est le système qu’on veut changer pas simplement le pouvoir.

Jusqu’à présent c’est correct, vu que la manifestation populaire du mardi 24 octobre a totalement renforcé l’opposition plurielle dans sa lutte contre le régime puisqu’elle a également montré que le pouvoir n’est pas invincible face au vent rageur des masses populaires bien campées à l’arrière. N’empêche, on doit avoir  les politiciens à l’œil, car ce qu’ils font ou feront ne s’accorde pas avec ce qu’ils disent ou promettent.

La diversité des forces organisationnelles présentes et l’ambiance qui se dégage sur l’échiquier politique exigent plus que des réformes, ce seulement à quoi s’accrochent les politiciens jusqu’à ce que le régime se révèle être contre leurs petits intérêts personnels. C’est dire qu’ils avaient espéré quelque chose de valable du pouvoir. Nous pouvons prendre à témoin la lettre de Assad Volcy à Jovenel Moise et à ses camarades de l’opposition pour comprendre qu’il n’y avait jamais eu auparavant un désir fervent des dirigeants politiques de mener une lutte constante et conséquente contre le régime. Si Jovenel  n’avait pas montré son vrai visage, déjà il y aurait eu une pléiade de collaborateurs, Assad le premier, dans une alliance quelconque avec un président imposé par l’impérialisme et la mafia corruptrice haïtienne.

Beaucoup de ces politiciens sans conviction vraie sont présentement dans les rues avec le peuple, mais sont-ils sincères ?

Beaucoup de ces politiciens sans conviction vraie sont présentement dans les rues avec le peuple, mais sont-ils sincères ? Ont-ils les mêmes intérêts que les masses populaires ? Dans cette optique, bien que le mouvement d’opposition soit militant, il manque de clarté, à savoir que personne ne sait réellement l’objectif visé.  La lutte ne peut pas se faire à partir de devinettes ou de suspense ! Aucun des partis politiques ainsi que les organisations populaires engagés dans le processus d’opposition ne sont jamais arrivés à des points d’unité sur lesquels ils sont d’accord pour avancer dans cette mobilisation, laquelle requiert tout d’abord une décantation idéologique  nécessaire et indispensable de façon à tracer la route à suivre.

N’est-il pas important de définir l’objectif de cette mobilisation à savoir renverser les pouvoirs de l’État, proposer une alternative démocratique et populaire pour transformer radicalement le système, avec un programme minimum axé essentiellement sur l’alphabétisation des masses, une réforme agraire véritable, une campagne nationale de reboisement, la formation d’une armée de libération nationale et la réforme de la justice ? Il le faut absolument, autrement, et comme nous disons en créole : se lave men siye atè.

Alors que le pays est tout à fait prêt pour des révolutions institutionnelles, un autre aspect de la question est essentiel si nous prenons en compte toutes les gabegies et tous les dérapages au sein de l’Etat : il reste à se demander si  cette mobilisation qui polarise toute la vie politique et sociale va-t-elle réussir à déboucher sur  une transformation profonde de l’Etat et de la société pour la mise en place de structures d’essence socialiste et populaire à tous les niveaux de l’Etat ?

En vérité, cette mobilisation engagée serait dans l’étape actuelle de la lutte beaucoup plus fructueuse si elle était définie  autour d’un agenda qui identifie clairement l’adversaire. De là on saurait, pour bien cuisiner le mets, quels ingrédients on devrait avoir pour s’assurer que la saveur ne soit point ni amère, ni salée mais à point, révolutionnaire. En d’autres termes, si réellement nous ne visons qu’un simple départ, cela ne rimera à rien sinon qu’à tout bonnement continuer à donner un nouveau gage de fidélité à l’impérialisme international.

Cependant, un changement de système voué à d’autres exigences ne saurait se faire sans combattre la bourgeoisie des compradores, l’occupation et la domination impériales  que subissent actuellement le pays. Aussi longtemps que nous n’emprunterons pas ce chemin, nous serons toujours en danger ; tout serait pour la forme, et rien de concret ne serait réalisable.

Suite à son abstention aux dernières élections, le peuple haïtien qui dans sa majorité n’est pas dupe, a compris que quels que soient les hommes au pouvoir, c’est par sa propre lutte qu’il gagnera sa liberté et que c’est le système d’exploitation  des couches défavorisées par les classes favorisées qu’il lui faut détruire de façon à modifier ce système rétrograde, pourri et corrompu. La seule voie pouvant lui permettre d’accéder à  une vie meilleure reste une lutte de libération nationale, un véritable mouvement populaire organisé, structuré, discipliné et qui renierait à jamais l’impérialisme.

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