Le «Plan National de Régularisation des Etrangers» accentue la violation des droits en République Dominicaine !

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Déportation d’haïtiens et des Dominicains/nes d'origine haïtienne de la République dominicaine. Crédit: Milo Milfort/Haïti Liberté

«Beaucoup de personnes ne parviennent pas à se procurer de documents d’identité jusqu’à présent. Le plus important pour nous ce n’est pas le cédula encore moins l’acte de naissance, mais plutôt nous restituer notre nationalité », se plaint Isidro Bellique Delmas, membre du mouvement Reconoci.do, un réseau civique national indépendant, composé principalement de Dominicains/nes d’origine haïtienne qui fait la promotion des droits humains et aspire à l’intégration réelle, pleine et effective des Dominicains d’ascendance haïtienne.

« Il était pas possible pour les migrants de trouver les documents recommandés pour leur enregistrement. Ce, en raison de l’irresponsabilité de l’Etat haïtien et le fiasco de son programme appelé PIDIH. Ce qui a fait augmenter les risques de déportations sur des personnes qui ont passés des années en République Dominicaine».

Né en République Dominicaine, de parents haïtiens, Delmas, 28 ans, racontait son histoire jonchée de difficultés et péripéties pour pouvoir trouver des documents d’identité. « J’avais peur. Je n’ai jamais été en Haïti. Je me suis dit comment j’allais faire si on me renvoie dans un pays que je ne connais pas. J’ai le cédula, mon acte de naissance et mon passeport, malgré tout, j’ai encore peur. Il y a des policiers intraitables qui peuvent saisir vos documents d’identité et les déchirer par la suite sous vos yeux », se plaint celui qui a visité pour la première fois, la terre natale de ses parents et a pu trouver ses documents d’identité après au moins 8 ans de lutte.

Ont pris à cette activité, Jean Marguerite et Tores Amalia de l’Organisation pour les Migrations (OIM), Geralda St Vil responsable de Communication et Plaidoyer du Groupe d’Appui aux Rapatriés et aux Réfugies (GARR), Georges Marc Desmangles de la Fondation Zile et Isidro Belique Delma de l’association Reconoci.do.

Le Plan National de Régularisation des Etrangers (PNRE) implémentés par le gouvernement dominicain a eu d’énormes conséquences sur la vie des Dominicains d’ascendance haïtienne et des migrants haïtiens vivant en République Dominicaine. Telle est la conclusion tirée par des organisations haïtiennes et étrangères autour de la situation des immigrés haïtiens en République Dominicaine au cours d’une table ronde tenue le mercredi 17 mai 2017 à l’Institut Français d’Haïti à l’initiative du Kolektif 2 Dimansyon (K2D), une association réunissant de jeunes photographes, journalistes et graphistes, dans le cadre de la deuxième vente signature de leur Magazine de photojournalisme et de photographie documentaire dénommé Fotopaklè.

111 mille 400 personnes, soit 92 mille ménages, ont traversé la frontière haïtiano-dominicaine depuis juillet 2015, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Selon La Fondation Zile, une organisation binationale œuvrant dans le domaine de la relation Haitiano-Dominicaine en vue de préserver la paix insulaire et d’appuyer la coopération entre Haïti et la République Dominicaine, le Plan National de Régularisation des Etrangers « a augmenté la peur et la stigmatisation sur les immigrants en République Dominicaine. Nous étions parmi les premières organisations à avoir alerté l’Etat haïtien sur les conséquences désastreuses du PNRE », se rappelle Georges Mary Desmangles de la Fondation Zilé.

69% des rapatriés ont entre 18 et 49 ans et 25% sont des mineurs.

A en croire Desmangles, ce plan a été prévu depuis 2004 dans la réforme constitutionnelle mise sur pied par la Cour dominicaine. Il avoue que son organisation mène des plaidoyers auprès de l’Etat depuis 2010. Plus de sept ans après, il dit être surpris que les autorités haïtiennes n’aient été pas prêtes à accueillir ces ressortissants rapatriés. « Pourquoi l’Etat haïtien attend sept ans plus de 49 jours pour mettre sur pied PIDIH », se demande-t-il. A titre d’exemple, le responsable de Fondation Zilé qui travaille pour venir au secours des migrants a fait savoir que les conséquences ont été visibles sur les migrants haïtiens rapatriés qui restaient pendant de nombreux mois à la frontière haïtienne d’Anse à Pitres. « Ils ont été accusés d’amener l’épidémie du choléra à Anse à Pitres ».

« Pendant que l’Etat dominicain met en place le PNRE, il effectue des rapatriements », avance Desmangles pour dénoncer l’hypocrisie des autorités dominicaines. « Les migrants des bateys ont été durement affectés. Ainsi, ont-ils peur d’être rattrapés et rapatriés dans des conditions inhumaines à n’importe quel moment. C’est de même pour les travailleurs dans la construction et les hôtels ».

Le Plan national de régularisation des étrangers a été mis en place par le gouvernement dominicaine en vue de pallier les effets dévastateurs de l’arrêt 168-13 de la Cour constitutionnelle dominicaine dénationalisant plus de 200 mille Dominicains d’ascendance haïtienne. Pour sa part, le PIDIH est un programme implémenté par l’Etat haïtien en vue de fournir aux migrants haïtiens en situation irrégulière des documents (passeport, acte de naissance et carte d’identification nationale) afin de pouvoir s’inscrire au PNRE. Ce programme s’est révélé un échec selon plusieurs observateurs.

Pour sa part, le Groupe d’Appui aux Rapatriés et aux Réfugiés reconnait que le PNRE a été gratuit, mais couteux pour les immigrants en situation irrégulière et ne correspondait pas à leur statut. Il visait 288 mille migrants. « Il était pas possible pour les migrants de trouver les documents recommandés pour leur enregistrement. Ce, en raison de l’irresponsabilité de l’Etat haïtien et le fiasco de son programme appelé PIDIH. Ce qui a fait augmenter les risques de déportations sur des personnes qui ont passés des années en République Dominicaine. Le PNRE a entrainé l’intensification des déportations collectives. Par mois, nous recevons entre mille à 5 mille personnes rapatriés au niveau de différents points frontaliers», rappelle Geralda Sainville responsable de Communication et Plaidoyer au Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR).

« Pendant que l’Etat dominicain met en place le PNRE, il effectue des rapatriements », avance Desmangles pour dénoncer l’hypocrisie des autorités dominicaines. « Les migrants des bateys ont été durement affectés…».

Au cours des rapatriements, l’organisme de défense de droits de migrants GARR fustige les autorités dominicaines qui n’ont jamais respecté l’accord signé avec Haïti autour de la question. L’organisme insiste sur le fait que le PNRE a aidé à banaliser la violation des droits humains qui se réalise dans les rapatriements. La séparation familiale, séquestration des documents, les rapatriements au cours de la nuit, sont entre autres violations de droits humains énumérés. «Avec l’arrêt 163-13, les autorités dominicaines ont retiré la nationalité à plus de quatre générations de personnes sous prétexte qu’elles sont en transit. Cette sentence est inconstitutionnelle par rapport à la loi dominicaine. Cet arrêt n’est pas une action isolée. Il est le fruit d’une idéologie faisant croire que les dominicains sont des blancs et qu’il faut s’écarter par tous les moyens possible des origines africaines», poursuit Sainville ajoutant que la sentence est discriminatoire et insiste à la violence. « L’apatridie existe bel et bien en République Dominicaine. La fin du PNRE en juin 2015 à légitimité les plans de toutes les instances dominicaine relatifs au rapatriement ».

51% soit 50 mille 600 retournés de manière spontanée, 38% soit 44 mille ont été officiellement rapatriés, et 10% sont des personnes qui disent avoir été rapatriées.

111 mille 400 personnes soit 92 mille ménages ont traversé la frontière haïtiano-dominicaine depuis juillet 2015, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) qui dit monitorer les rapatriements effectués aux 4 points frontaliers officiels et 79 autres point frontaliers non officiels de concert avec le Groupe d’Appui aux rapatriés et aux réfugiés ( GARR), le service jésuite et migrants (SJM) et le réseaux Jano Siksè. 51% soit 50 mille 600 retournés de manière spontanée, 38% soit 44 mille ont été officiellement rapatriés et 10% sont des personnes qui disent avoir été rapatriées. 69% des rapatriés ont entre 18 et 49 ans et 25% sont des mineurs. La majorité soit 67% des hommes et le reste des femmes. Plus de 50% sont des agriculteurs et 30% travaillent dans la construction.

Le soi-disant «Centre d’accueil des rapatriés» à Malpasse, Haïti.

Ont pris à cette activité, Jean Marguerite et Tores Amalia de l’Organisation pour les Migrations (OIM), Geralda St Vil responsable de Communication et Plaidoyer du Groupe d’Appui aux Rapatriés et aux Réfugies (GARR), Georges Marc Desmangles de la Fondation Zile et Isidro Belique Delma de l’association Reconoci.do.

Toutes photos: Milo Milfort/Haïti Liberté

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