Le gouvernement canadien a financé indirectement l’organisation qui a contribué au renversement d’Aristide : documents

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(Partie 1) 

Des documents obtenus par The Canada Files montrent qu’un groupe haïtien controversé de défense des droits humains, le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), reçoit un financement du gouvernement canadien par l’intermédiaire d’une organisation de défense juridique à but non lucratif.

Avocats sans Frontières Canada (ASFC) a obtenu le financement d’un programme en Haïti nommé « Accès aux services judiciaires » pour plus de 19 millions de dollars canadiens, par l’intermédiaire d’Affaires mondiales Canada. ASFC entretient depuis longtemps un partenariat avec le RNDDH, étant l’un des 25 partenaires organisationnels des programmes en Haïti. Dans le cadre du programme « Accès aux services judiciaires », c’est l’un des trois projets de l’ASFC, « Accès à la justice et lutte contre l’impunité en Haïti », où le montant non divulgué a été remis au RNDDH. Affaires mondiales Canada a confirmé qu’il était au courant que le RNDDH avait obtenu un financement du projet de l’ASFC, lorsqu’il a été contacté pour commentaires.

Fournir du financement au RNDDH pour des « activités de plaidoyer » devrait sonner l’alarme pour ceux qui connaissent l’histoire du RNDDH et le rôle du gouvernement canadien dans le coup d’État de 2004 contre le président démocratiquement élu d’Haïti, Jean-Bertrand Aristide.

Dans une réponse écrite, l’ASFC indique qu’elle « apporte un soutien financier au RNDDH, lui permettant de poursuivre son travail de documentation des violations graves des droits de l’homme et de la manière dont le système judiciaire traite ces cas conformément à l’État de droit ». L’ASFC n’a pas voulu divulguer le montant du financement accordé au RNDDH, invoquant la confidentialité.

ASFC a également expliqué que ce financement permet au RNDDH de « fournir un soutien juridique aux survivantes de violences basées sur le genre et de poursuivre leurs activités de plaidoyer ». Les « activités de plaidoyer » du RNDDH sont véritablement tristement célèbres et coïncident avec les événements qui ont suivi immédiatement le coup d’État de 2004 contre Aristide, dans lequel le Canada a joué un rôle clé.

Le rôle du Canada dans le coup d’État de 2004 contre Aristide

L’ancien président haïtien Jean-Bertrand Aristide avait remporté les élections de 2000 avec près de 92 pour cent des suffrages exprimés. L’élection a été une victoire éclatante pour Aristide et Fanmi Lavalas (FL), qui ont remporté les élections locales dans tout Haïti et 16 des 17 sièges du Sénat.

Le 29 février 2004, un coup d’État soutenu par les gouvernements des États-Unis, du Canada et de la France a forcé Aristide à quitter ses fonctions, le Canada jouant un rôle clé dans son organisation.

La première réunion, appelée « Initiative d’Ottawa sur Haïti », a eu lieu au Centre de conférences du gouvernement fédéral sur le lac Meech, près de la capitale canadienne, les 31 janvier et 1er février 2003. Cette réunion secrète a jeté les bases d’une intervention militaire qui va survenir un an plus tard par les forces américaines et canadiennes contre Aristide.

Le Canada a fourni 50 soldats pour sécuriser l’aéroport international Toussaint Louverture d’Haïti. Aristide a été enlevé par des marines américains et évacué de cet aéroport « sécurisé » et laissé en République centrafricaine.

Le coup d’État a eu un effet dévastateur sur la société haïtienne. Une étude du Lancet de 2006 a révélé que « pendant les 22 mois du gouvernement intérimaire soutenu par les États-Unis, 8 000 personnes ont été assassinées dans la seule grande région de Port-au-Prince. 35 000 femmes et filles ont été violées ou agressées sexuellement, plus de la moitié des victimes étaient des enfants.

Mario Joseph, directeur du Bureau des Avocats Internationaux (BAI), affirme que « si le Lancet cite 8 000 meurtres à Port-au-Prince entre 2004 et 2006, il faut doubler ce chiffre pour refléter ce qui s’est passé dans tout le pays ».

​ Le groupe de défense des droits humains NCHR-Haïti, financé par le Canada, a joué un rôle clé dans le coup d’État contre Aristide.

Pierre Espérance et le RNDDH ont joué un rôle clé dans le coup d’État qui a chassé du pouvoir le président démocratiquement élu Jean-Bertrand Aristide en 2004.

À l’époque, le soi-disant groupe de défense des droits de l’homme de Pierre   Espérance s’appelait NCHR-Haïti. Brian Concannon, avocat spécialisé dans les droits de l’homme et directeur de l’Institut pour la justice et la démocratie en Haïti (IJDH), a décrit le NCHR-Haïti comme un « critique féroce » du gouvernement d’Aristide et un « allié » du régime illégal. Selon Concannon, le régime de Latortue « avait un accord avec le NCHR-Haïti pour poursuivre toute personne dénoncée par l’organisation ».

« Les personnes perçues comme soutenant le gouvernement constitutionnel d’Haïti ou Fanmi Lavalas, le parti politique du président Jean-Bertrand Aristide, [ont été] systématiquement persécutées depuis fin février [2004] jusqu’à aujourd’hui. Dans de nombreux cas, le gouvernement de facto du Premier ministre Gérard Latortue est directement responsable de la persécution », a expliqué Concannon.

Le NCHR-Haïti « est devenu de plus en plus politisé et, à la suite du coup d’État de 2004, il a coopéré avec l’IGH [le régime de Latortue/Boniface] pour persécuter les militants Lavalas », a écrit plus tard Concannon dans The Jurist. « La persécution est devenue si flagrante que l’ancienne organisation mère du NCHR-Haïti, le NCHR basé à New York, a publiquement répudié le groupe haïtien et lui a demandé de changer de nom. »

Espérance et le NCHR-Haïti changèrent alors leur nom en « Réseau National de Défense des Droits Humains », ou RNDDH. Pierre Espérance et le RNDDH ont fabriqué un « massacre » pour accuser le Premier ministre haïtien Yvon Neptune

Dans une lettre ouverte envoyée le 19 octobre 2006 au ministre haïtien de la Justice René Magloire, l’avocat des droits de l’homme Mario Joseph qualifie le NCHR-Haïti de « machine à injustice » inventée grâce au financement du gouvernement canadien. Joseph a soutenu que les accusations portées contre l’élu FL Amanus Mayette et l’ancien premier ministre Yvon Neptune « sont politiques ». Soulignant que les accusations du NCHR-Haïti ont abouti à « l’arrestation et la détention de plus d’une centaine de militants de base de Fanmi Lavalas » sans inculpation ni procès.

Joseph et plusieurs autres avocats des droits de l’homme ont exigé la libération des prisonniers politiques de FL, notamment l’ancien parlementaire Amanus Mayette et le Premier ministre Yvon Neptune.

La lettre souligne également le rôle du NCHR-Haïti dans le « programme de vengeance tenace » du régime de Latortue qui a causé « un préjudice considérable aux prisonniers politiques », notant que « c’était sur la base d’un simple communiqué de presse [du NCHR-Haïti] » que Neptune et Mayette sont arrêtées.

Dans une interview séparée, Joseph du BAI a accusé le RNDDH d’avoir fabriqué de toutes pièces des allégations contre trois dirigeants élus de FL dans le cadre d’une « campagne de désinformation ». Joseph a représenté ces dirigeants en tant qu’avocat de la défense contre les allégations selon lesquelles ils auraient orchestré un massacre à La Scierie, un quartier de Saint Marc en Haïti.

L’auteur Jeb Sprague a décrit les événements de La Scierie dans son livre Paramilitarism and the Assault on Democracy in Haiti, qui sera utilisé par l’Espérance et le RNDDH pour aider à créer les bases de sa détention illégale par le régime putschiste.

Sprague décrit une attaque coordonnée au cours de laquelle des forces paramilitaires antigouvernementales ont attaqué des commissariats de police dans la région des Gonaïves, au nord d’Haïti, début 2004. Après la chute des Gonaïves, un groupe plus restreint s’est détaché et est entré à Saint-Marc (La Scierie). Cette escouade paramilitaire rencontre les RAMICOS (Rassemblements des Militants Conséquents de la Commune de Saint-Marc). Sprague décrit RAMICOS comme un « groupe quasi-paramilitaire financé par les élites de l’opposition ». RAMICOS et les paramilitaires ont immédiatement attaqué les bâtiments gouvernementaux et les commissariats de police.

Une semaine plus tard, les forces gouvernementales repoussent les paramilitaires et reprennent Saint-Marc. Au cours de cette opération, les forces gouvernementales étaient appuyées par un groupe de défense armé local nommé Bale Wouze. Par la suite, les forces du RAMICOS sont restées à Saint-Marc.

Suite à la victoire contre les forces paramilitaires, le Premier ministre Yvon Neptune s’est rendu à Saint-Marc, inspectant les restes d’un commissariat incendié et attaqué par le RAMICOS et d’autres forces paramilitaires.

Un jour après la reprise de Saint-Marc, les forces du RAMICOS ont attaqué un commissariat du quartier de La Scierie. Un mélange de policiers, de membres de Bale Wouze et de citoyens de La Scierie ont défendu leur quartier et réussi à repousser les forces du RAMICOS. Dans cet échange de tirs, plusieurs personnes ont été tuées, dont des civils.

Sprague ne considère clairement pas le RNDDH comme un groupe de défense des droits humains crédible, le décrivant comme un « groupe de défense des droits humains aligné sur l’opposition ».

Suite à ces événements de La Scierie, le RNDDH a qualifié la bataille de « massacre sanctionné par le gouvernement Aristide ». Le RNDDH a eu l’audace de réclamer « l’immunité pour la financière paramilitaire Judy C. Roy » tout en accusant Neptune d’avoir orchestré un « génocide » contre des civils.

Neptune a été emprisonné et illégalement détenu. Les accusations du RNDDH contre Neptune sont une cause directe de sa détention prolongée et illégale. Des enquêtes ultérieures menées par des enquêteurs indépendants et par les Nations Unies ont miné la description des événements de La Scierie par le RNDDH et son directeur Pierre Espérance.

Une presse pour la conversion ! L’article de Kevin Skerritt expliquait qu’à la suite d’une enquête d’avril 2005 sur les violences à Saint Marc, Louis Joinet, alors expert des droits de l’homme de l’ONU en Haïti, “a rejeté les récits d’un massacre” et a décrit à la place une série de meurtres dans des “affrontements” entre deux groupes armés avec des pertes des deux côtés.

Les conclusions de Joinet ont été reprises par Thierry Fagart, chef de la division Droits de l’Homme de la Mission de l’ONU, qui a également déclaré que « depuis le début de la procédure jusqu’à aujourd’hui, les droits fondamentaux, selon les normes nationales et internationales, n’ont pas été respectés dans le cas de M. … Neptune. Fagart a poursuivi : « Pour moi, il est clair qu’ils n’ont jamais eu de fondement juridique pour le poursuivre en justice. Depuis le début jusqu’à aujourd’hui, toutes les poursuites contre lui étaient illégales.»

Fagart a conclu que la décision du gouvernement démocratiquement élu d’Haïti de reprendre Saint-Marc par la force était justifiée. « Je pense qu’ils avaient raison parce qu’ils l’étaient – je ne suis pas un partisan de Lavalas, je tiens à préciser que je ne suis pas un partisan de Lavalas. Mais en même temps, il était clair que le gouvernement légal était le gouvernement Aristide ».

En 2006, le journaliste d’investigation canadien Chris Scott s’est rendu à Saint Marc. Il a rejeté le NCHR-Haïti (aujourd’hui RNDDH) comme un groupe « partisan » dont les allégations contre Neptune n’étaient rien d’autre que des « conjectures ». Il conclut que « compte tenu du rôle non reconnu du Canada dans le renversement du gouvernement Aristide et de son soutien enthousiaste au régime post-coup d’État », la décision du Canada de financer le NCHR-Haïti montre une « complicité » dans un « jeu très partisan ».

En effet, quelques semaines après les allégations lancées par le NCHR-Haïti contre Neptune, l’ambassade du Canada en Haïti a annoncé qu’un financement de 100 000 $ CAN serait alloué à l’organisation. Une enquête menée par le journaliste Anthony Fenton a révélé que le NCHR-Haïti avait demandé plus de 79 000 $ CAD pour « la représentation légale des victimes de La Scierie ».

Avocats sans Frontières Canada prétend que le RNDDH n’a joué aucun rôle dans la détention illégale de Neptune

L’ASFC a publié un document intitulé « Haïti : Guide pratique sur le recours en habeas corpus » sur son site Internet. Le guide a été créé dans le cadre du projet AJULIH avec un financement du gouvernement canadien. Le guide est conçu pour aider les avocats haïtiens des droits de l’homme à défendre les Haïtiens illégalement détenus.

Le seul cas que le document donne comme exemple d’un Haïtien bénéficiant du droit à l’habeas corpus (en bref, le droit fondamental inscrit dans la Constitution qui protège contre l’emprisonnement illégal et indéfini) est celui du Premier ministre de l’époque, Yvon Neptune.

Le document fait référence au cas de Neptune sans mentionner que son emprisonnement illégal était le résultat de fausses allégations d’Espérance et du NCHR-Haïti.

Le document de l’ASFC se concentre sur la décision de la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) selon laquelle l’État d’Haïti a violé les droits humains de Neptune.

Le résumé du jugement de l’IJDH explique que la CIDH a jugé que l’État haïtien avait violé « 11 dispositions différentes de la Convention américaine relative aux droits de l’homme en emprisonnant illégalement l’ancien Premier ministre Yvon Neptune pendant deux ans et en laissant l’affaire s’éterniser devant les tribunaux pendant près de deux ans  de plus ».

« La Cour a critiqué presque tous les aspects des poursuites engagées par Haïti contre M. Neptune », explique le résumé. “Il a jugé illégale la détention de M. Neptune pendant 25 mois et les conditions de détention qu’il a endurées inhumaines et dégradantes”.

Interrogée sur le rôle de son organisation partenaire dans la persécution de Neptune, l’ASFC a évité de commenter, affirmant que « la décision Neptune de la Cour interaméricaine des droits de l’homme a été utilisée dans le guide, car il s’agit d’une décision rendue par un tribunal » instance régionale sur la détention provisoire abusive.

Quand les groupes solidaires enquêtaient sur le RNDDH et Pierre Espérance

Plusieurs délégations de groupes de défense juridique et de solidarité haïtiennes se sont rendues en Haïti après le coup d’État de 2004 pour enquêter sur des violations présumées des droits de l’homme dans ce pays. Leurs rapports concordent avec les accusations portées par l’IJDH et le BAI concernant la collaboration de Pierre Espérance et du NCHR-Haïti avec le gouvernement putschiste pour persécuter les dirigeants et partisans de FL.

Le Centre Quichotte a envoyé une délégation en Haïti dirigée par le professeur à la retraite d’études caribéennes Tom Reeves. À son retour d’Haïti, Reeves a écrit un article expliquant les conclusions de la délégation dans lequel il décrit le NCHR-Haïti comme « complètement partisan : anti-Lavalas, anti-Aristide. Ce n’est tout simplement pas approprié pour un groupe qui se présente comme une organisation de « défense des droits d’Haïti ».

En avril 2004, la Guilde nationale des avocats a envoyé sa deuxième délégation en Haïti. L’une des huit « Déclarations et recommandations unanimes » du rapport était une condamnation sans équivoque du groupe : « Nous condamnons la Coalition nationale pour les droits des Haïtiens (NCHR) en Haïti pour ne pas avoir maintenu son impartialité en tant qu’organisation de défense des droits de l’homme. »

Le Projet d’accompagnement d’Haïti (HAP) s’est rendu en Haïti en juin 2004. Les délégués du HAP faisaient également partie du Comité d’action pour Haïti, basé en Californie.

Le rapport de la HAP note qu’en 2004, la NCHR-Haïti « a contribué à développer le soutien au coup d’État en faisant état de violations exagérées des droits de l’homme par les partisans du gouvernement élu. Dans le même temps, ils ont minimisé ou nié les violations bien plus massives du régime de facto et de ses alliés paramilitaires.»

Le rapport explique également comment le NCHR-Haïti a dénoncé les partisans du gouvernement d’Aristide. Selon la HAP, le NCHR-Haïti n’a fourni aucune preuve pour étayer les accusations portées contre les partisans de FL, entraînant « des arrestations illégales, l’incarcération et parfois la disparition des accusés ».

La délégation du HAP a rencontré un groupe local de défense des droits des victimes qui a déclaré qu’il était « consterné que le monde extérieur considère toujours le NCHR comme une voix indépendante et crédible ». Ils ont déclaré aux délégués que « le NCHR travaillait désormais main dans la main avec le ministre de la Justice après le coup d’État pour procéder à des arrestations et à des détentions illégales ».

La délégation du HAP a conclu sans ambages qu’« ils ne sont pas [un] groupe indépendant de défense des droits de l’homme ».

De gauche à droite : l’Ambassadeur américain Lawrence A. Pezzullo, l’Ambassadeur Ernest H. Preeg, et l’agent informateur de l’ambassade américaine Pierre Espérance.

Les ONG et syndicats canadiens ont repris la propagande du RNDDH financée par le gouvernement canadien

Malgré les efforts des groupes de solidarité et de défense des droits d’Haïti, la campagne de propagande financée par le Canada et les États-Unis visant à présenter le gouvernement populaire et démocratiquement élu d’Aristide comme tyrannique a été couronnée de succès.

Plusieurs ONG, syndicats et organisations de la société civile canadiennes sont devenus résolument anti-Lavalas à la suite de cette propagande.

Dans un article de 2005, Yves Engler souligne que « plusieurs syndicats québécois qui ont reçu des centaines de milliers de dollars de l’ACDI pour travailler en Haïti par l’intermédiaire du Centre International de Solidarité Ouvrière (CISO) ont adopté des résolutions condamnant les prétendues activités antisyndicales d’Aristide ». Engler a expliqué que les fédérations syndicales FTQ et CSQ ainsi qu’une demi-douzaine d’ONG, faisant partie d’un groupe informel connu sous le nom de Concertation Pour Haïti (CPH), « ont qualifié Aristide de « tyran » et son gouvernement de « dictature » avant le coup d’État de 2004.

Le gouvernement canadien a également financé des médias anti-Lavalas comme Alterpresse qui ont répété à plusieurs reprises la propagande du NCHR-Haïti/RNDDH.

Dans son rapport sur La Scierie, Skeritt a expliqué qu’au cours des mois qui ont précédé le coup d’État de 2004, l’Association Québécoise des Organismes de Coopération Internationale (AQOCI), un réseau de 53 groupes d’aide internationale, « a été tellement emportée dans l’hystérie anti-Aristide et anti-gouvernementale générée par des groupes tels que NCHR-Haïti » qu’ils ont publié un communiqué de presse exhortant le gouvernement canadien à retirer tout soutien au « régime du parti Lavalas » et à dénoncer le gouvernement Aristide pour ses prétendus abus des droits de l’homme.

Le rapport de Skeritt affirme que Droits et Démocratie (R&D), une organisation financée par le gouvernement fédéral, « a accepté sans réserve les allégations du NCHR-Haïti ».

​ Dans un article de 2014, Yves Engler expliquait qu’« en octobre 2005, R&D a lancé un projet de 415 000 $ financé par l’ACDI pour « favoriser une plus grande participation de la société civile au processus politique national d’Haïti ».

La coordinatrice du projet et future directrice du bureau R&D d’Haïti était Danielle Magloire. Magloire était membre du « Conseil des Sages » aux côtés de six autres personnalités de l’élite haïtienne, dont le Dr Ariel Henry, l’actuel dictateur d’Haïti soutenu par Washington et le Canada.

Henry a été choisi pour diriger Haïti par le gouvernement américain et le CORE Group via un tweet contenant une courte déclaration de soutien. Le CORE Group  composé de représentants des Nations Unies, du Brésil, du Canada, de la France, de l’Allemagne, de l’Espagne, de l’Union européenne, des États-Unis et de l’Organisation des États américains.

Le Conseil des Sages a nommé Gérard Latortue au poste de Premier ministre par intérim après que le coup d’État ait renversé le président démocratiquement élu, Aristide.

Selon Engler, « à la mi-juillet 2005, Magloire a publié une déclaration au nom du « Conseil des sages » disant que tout média qui donne la parole aux « bandits » (code pour les partisans de Lavalas) devrait être fermé. Elle a également affirmé que Lavalas devrait être exclu des prochaines élections ».

La montée en puissance de Magloire est due au financement du gouvernement canadien. Dans leur livre Le Canada en Haïti, les auteurs Yves Engler et Anthony Fenton ont souligné que l’ascension de Magloire au Conseil des Sages « est venue en grande partie de ses positions à l’ENFOFANM et au CONAP ». Les auteurs affirment que ces « organisations féministes financées par l’ACDI n’auraient pas acquis une certaine notoriété sans le financement international ».

​ Plus récemment, Magloire est créditée en tant qu’éditeur d’une publication de l’ASFC du 2 mars 2018 intitulée « Mémoire portant sur la lutte contre l’impunité en Haïti » dans le cadre du projet AJULIH.

Magloire est également vice-présidente du conseil d’administration de FOKAL, un autre partenaire d’ASFC en Haïti. FOKAL a été fondée par George Soros et l’Open Society Foundation. Selon Kim Ives, FOKAL « a joué un rôle modeste mais visible fin 2003 et début 2004 » en qualifiant le gouvernement élu d’Aristide d’« hostile » aux droits de l’homme. À l’époque, FOKAL recevait 4 millions de dollars américains chaque année de la Open Society Foundation.

Pierre Espérance et le RNDDH ont fabriqué un « massacre » pour accuser le Premier ministre haïtien Yvon Neptune

Nouvelles accusations de corruption contre le directeur du RNDDH Pierre Espérance

Il est clair que Pierre Espérance et le RNDDH sont prêts à accepter des financements de gouvernements étrangers afin de persécuter leurs rivaux politiques en Haïti. Au moment du coup d’État de 2004, la cible était le parti politique Fanmi Lavalas et son chef Jean-Bertrand Aristide – très populaire parmi les Haïtiens en général et opposé aux politiques néolibérales que Washington et le Canada voulaient imposer à Haïti.

Comme l’a soutenu le militant et écrivain haïtien André Charlier, « le RNDDH est une organisation politique qui se cache derrière la façade d’une organisation de défense des droits de l’homme ». Une façade entretenue grâce au financement du NED, de l’Open Society Foundation et du gouvernement canadien.

Au cours de la période 2009-2010, Washington a commencé à abandonner son soutien au secteur de la bourgeoisie et de l’élite économique qui avait facilité le coup d’État de 2004, au profit des néo-duvaliéristes qui s’étaient récemment regroupés sous la bannière du «Parti  haitien Tèt Kale », le PHTK, dirigé par Michel Martelly.

Martelly a immédiatement pris pour cible les groupes de défense des droits humains en Haïti. Le PHTK ne tolérait pas les critiques. Le PHTK n’a fait aucune discrimination entre les médias soutenus par l’Occident comme le RNDDH ou les organisations légitimes de défense des droits de l’homme et du droit comme le BAI. Les défenseurs des droits humains critiques à l’égard du gouvernement ont commencé à recevoir des menaces de mort, des actes de harcèlement et d’intimidation, notamment des menaces d’arrestation sur ordre ministériel.

Sherlson Sanon juste après sa libération

Cela a provoqué un réalignement du secteur des droits de l’homme en Haïti, qui sera exploré dans un prochain article. Bref, ils étaient tous devenus des opposants au gouvernement PHTK.

Bien qu’elle ait été la cible du régime soutenu par les États-Unis et qu’elle ait trouvé le soutien d’anciens opposants dans le secteur des droits humains, l’Espérance a continué à utiliser le RNDDH comme plate-forme pour persécuter ses opposants politiques.

Après avoir passé près de dix ans en détention illégale dans une cellule de prison, principalement au Pénitencier National, Sherlson Sanon s’est exprimé devant les médias le 2 février 2023, décrivant comment Pierre Espérance et le RNDDH l’ont manipulé pour piéger les opposants politiques.

Lorsque Sanon a été arrêté pour la première fois en 2013, il était actif au sein du parti Platfòm Pitit Desalin de Moise Jean-Charles. Sanon a été arrêté pour avoir distribué des tracts en faveur du parti dans un quartier où le sénateur du PHTK Joseph Lambert avait remporté les élections précédentes.

Pierre Espérance est apparu peu après, apparemment pour sauver Sanon d’une quelconque machination d’assassinat.

Sanon affirme qu’Espérance lui a proposé une représentation juridique. On lui a remis une série de documents à signer. Pensant qu’il s’agissait de documents de voyage destinés à l’aider à fuir les persécutions, il a signé sans les lire. À l’insu de Sanon, il signait en réalité des aveux fabriqués de toutes pièces et rédigés par le RNDDH.

Ces faux aveux comprenaient des allégations impliquant deux de ses ennemis politiques – les sénateurs du PHTK Joseph Lambert et Edwin Zenny – de collaboration avec un gang local. Lambert et Zenny étaient tous deux fidèles à Michel Martelly.

Sanon a ensuite été placé en « garde à vue » – une détention illégale au sein du Pénitencier National – pendant près de dix ans. Selon Sanon, il n’a été autorisé à contacter le RNDDH et l’ambassade américaine que pendant les trois premières années de son emprisonnement.

Sanon n’a jamais été jugé pour aucun crime ! Le RNDDH a publié les faux aveux de Sanon le 12 mars 2013. Ce rapport du RNDDH « révélait » que Sanon avait été embauché en 1999 par le sénateur Joseph Lambert pour devenir membre d’un puissant gang appelé « Base Kakos ». Selon le rapport du RNDDH, « cette bande aurait opéré dans le Sud-Est sous la houlette des anciens sénateurs Joseph Lambert, Edo Zenny, alors commissaire du gouvernement de la Croix-des-Bouquets Leny Thelisma, et des frères Joël et Jacky Khawly, spécialisés dans le trafic de drogue, les enlèvements contre rançon et les assassinats. »

Dans un entretien à Radio Kiskeya, Zenny a dénoncé le RNDDH et d’autres adversaires comme des « machinations politiques ». Lambert, apparemment au courant de ces faux aveux, a déclaré aux médias « qu’il [le RNDDH] a écrit le texte et l’a fait signer ».

Les accusations de corruption contre Espérance et le RNDDH émanent également d’anciens personnels.

Marie Yolène Gilles a quitté le RNDDH en 2017. Dans sa lettre de démission, Gilles affirmait que sa crédibilité serait « ternie » si elle restait au poste de directrice des programmes au RNDDH parce qu’Espérance avait violé la règle de l’organisation interdisant de prendre de l’argent à l’État.

Elle a accusé Espérance d’avoir pris 1,5 million de Gourdes (la monnaie d’Haïti) au Bureau de monétisation des programmes d’aide au développement (BMPAD) du gouvernement. Lorsque Pierre Espérance a été confronté à l’accusation, il a d’abord nié avoir reçu les fonds. Gilles affirme qu’Espérance a également menti à d’autres membres du RNDDH lorsqu’on lui a demandé s’il avait accepté les fonds. Puis une photo du chèque a commencé à circuler sur les réseaux sociaux, obligeant Espérance à admettre qu’il avait pris l’argent.

Au moment du départ de Gilles, le nouveau directeur des programmes du RNDDH, Vilès Alizar, a déclaré à la presse que cet incident était l’occasion de « réaffirmer notre vision » d’organisation et a promis un « rapport détaillé » sur la manière dont les différents fonds avaient été utilisés.

Seize mois plus tard, en août 2018, Alizar quitte le RNDDH. Il a dénoncé les « mauvaises pratiques » des « dirigeants de l’organisation », affirmant que malgré les tentatives de réforme du RNDDH, il « s’est rendu compte que ces dispositions se sont révélées insuffisantes en raison de la résistance » des dirigeants qui ont « refusé d’entreprendre des réformes ». .»

L’entente entre ASFC et Affaires mondiales Canada a été officiellement signée les 28 et 29 mars 2017, soit moins d’une semaine avant le départ de Gilles du RNDDH. Cet accord de financement a lancé le programme « Accès aux services judiciaires » et une collaboration de six ans avec 25 organisations partenaires en Haïti.

Le RNDDH a continué à fonctionner comme une organisation politique de 2017 à aujourd’hui. L’aversion d’Espérance pour les mouvements populaires persiste alors qu’il continue d’utiliser le RNDDH comme plateforme d’influence politique. Les partisans de Fanmi Lavalas ont déclaré à la délégation du HAP en 2004 qu’ils étaient « consternés que le monde extérieur considère encore le NCHR [-Haïti] comme une voix indépendante et crédible ». Les faits montrent que les observateurs devraient être tout aussi consternés que le RNDDH continue d’être considéré comme une voix crédible et indépendante en faveur des droits de l’homme.

Dans une réponse écrite, Affaires mondiales Canada a confirmé qu’il savait qu’un financement était fourni au RNDDH par le biais du projet AJULIH de l’ASFC. Le gouvernement canadien continue de soutenir la plateforme de machinations politiques de Pierre Espérance.

 

Remarque : Les documents d’AIPRP référencés seront révélés dans le prochain article d’enquête de Travis Ross pour The Canada Files, à paraître demain.

Note de l’éditeur : The Canada Files est le seul média d’information au pays axé sur la politique étrangère canadienne. Nous avons réalisé des enquêtes critiques et des analyses percutantes sur la politique étrangère canadienne depuis 2019 et avons besoin de votre soutien.

*Travis Ross est un enseignant basé à Montréal, Québec. Il est également co-éditeur du Projet d’information Canada-Haïti sur Canada-haiti.ca. Travis a écrit pour Haïti Liberté, Black Agenda Report, The Canada Files, TruthOut et rabble.ca. Il peut être contacté sur Twitter.

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