La question en ce «Jour de la Terre » reste : est-ce que l’humanité survivra?

Haïti est l’illustration la plus parfaite, la plus concrète de pays où le capitalisme a ravagé son environnement naturel.

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Voilà que tout ce qui conditionne le maintien de la vie sur la planète terre tombe en crise. Le climat se réchauffe. Les océans sont en hausse. Les déserts s’agrandissent ; alors que déjà, s’alimentent des guerres pour accaparer les réserves de pétrole et d’eau du reste en diminution. Selon certaines estimations d’experts, environ 10.000 espèces de plantes et d’animaux sont en voie de disparition chaque année, en une moyenne de 27 par jour.

En se basant sur Haïti seulement, il y a lieu de relever un énorme assaut sur la biodiversité quand il est révélé que nous perdons de nombreuses espèces de grenouilles, d’abeilles, de poissons, de fleurs et d’arbres chaque année. Par exemple, des 50 espèces de grenouilles sur notre île, les deux tiers, soit 30 espèces vivent seulement en Haïti et ne se trouvent pas en République dominicaine voisine, selon Dr. Blair Hedges, un professeur de biologie à l’Université Penn State et chef de file des « missions de sauvetage d’espèces » en Haïti et d’autres pays des Caraïbes. « Haïti est déjà bien loin dans l’extinction massive semblable à l’époque où les dinosaures et de nombreuses autres espèces ont soudainement disparu de la Terre », écrit Barbara Kennedy sur le site Web du département de la science de Penn State en 2010 à propos du travail du Dr. Hedges.

Ce tableau sombre n’empêche pourtant qu’on célèbre, aujourd’hui, dans le monde entier, le Jour international de la Terre, depuis déjà le 22 Avril 1970. « Joyeux Jour de la Terre! »… « Aujourd’hui, nous célébrons des villes plus vertes et une énergie plus propre » a tweeté ce 22 avril l’ambassade américaine en Haïti, en anglais et en créole.

L’ironie de cette Tweet, qui traite de la journée comme une célébration plutôt qu’une alarme, ne peut pas être plus grande. Cette même ambassade travaillant main dans la main avec le régime Martelly-Lamothe, encourageant à son profit, les priorités et les politiques d’investissement qui dévastent l’environnement naturel d’Haïti, et promettent de le dévaster davantage tout en se drapant eux-mêmes dans des mots et des images louant le «vert» et le «pro-environnement».

Haïti est l’illustration la plus parfaite, la plus concrète de pays où le capitalisme a ravagé son environnement naturel. Lorsque Christophe Colomb débarqua sur notre île en 1492, il avait vu des montagnes couvertes de belles forêts de pins, de chênes, et d’acajou ; verdures, qui lui rappelaient l’Espagne. Voilà pourquoi il avait baptisé l’île Hispaniola, en l’honneur de la reine Isabelle et du roi Ferdinand, les sponsors espagnols de son voyage. Cependant, les colons européens n’avaient pas tardé à violer et piller immédiatement et systématiquement, jusqu’à ruiner ce paradis. Après avoir exterminé, en seulement 15 années, plus de trois millions d’Arawaks, à travers massacres, maladie et travaux forcés dans les mines d’or, les Européens, notamment les Français, avaient commencé la coupe à blanc des forêts pour alimenter la première grande entreprise capitaliste sur l’île: les sucreries.

Deux siècles plus tard, le capitalisme continue à alimenter cette déforestation en punissant les descendants des esclaves qui travaillaient dans ces usines de sucre. La paysannerie d’Haïti a été chassée de sa terre par les politiques néolibérales capitalistes imposées – du dumping agricole à l’abaissement des barrières douanières – contraignant les autochtones paysans à fuir vers les villes. Les classes dominantes ne fournissent aucune infrastructure d’accueil pour cet afflux – logement, systèmes d’eau potable, assainissement, routes – pas même l’électricité ou du gaz. Ainsi, des millions de paysans déracinés qui ont fui vers les villes d’Haïti doivent compter sur du charbon, qui nécessite deux fois plus de bois par unité de production d’énergie que les bois frais utilisés dans la campagne.

La déforestation causée par cette urbanisation dictée par le FMI, qui est également en train de tuer nos grenouilles, est ensuite mise sur le compte des paysans. Environ 98% des forêts que Colomb avait vues sont maintenant disparues.

Que fait actuellement le régime de Martelly-Lamothe ? si ce n’est qu’accélérer ce viol de la terre ! Sur l’Île à Vache, par exemple, le gouvernement a unilatéralement fait couper les arbres de la seule forêt de l’île, qui fournissait à la population des moyens de subsistance grâce à la collecte des crabes et la production de miel, pour la remplacer par un aéroport. Ils essayent maintenant de déraciner les paysans de terres productrices d’aliments en récidivant l’agression commise par Christophe Colomb en faisant construire des hôtels, des terrains de golf, et des casinos, le tout sans l’opinion ou la participation de la population ; rien que pour la recolonisation du peuple haïtien.

Dans le Nord d’Haïti, nous assistons à un crime similaire à travers le parc industriel de Caracol, pour lequel les autorités ont rasé au bulldozer certaines des terres agricoles les plus fertiles d’Haïti, détruit une forêt de mangrove vierge, et des récifs de coraux précieux. Une étude de 2009 de l’Organisation des États américains et du Réseau d’information interaméricain sur la biodiversité (IABIN) avait estimé la «valeur des services écosystémiques » des mangroves et des récifs coralliens dans la baie de Caracol à 109 millions de dollars US par an.

Maintenant, par la faute des patrons du parc Caracol qui paient ses travailleurs quelques centimes par heure, on est sûr de créer une autre Cité Soleil, avec des canaux couverts d’eaux usées, des montagnes d’ordures fumantes, de l’huile sale et de la fumée provenant des centrales électriques à proximité, polluant le bidonville voisin.

Enfin, il y a l’extraction de l’or, que Martelly et Laurent Lamothe encouragent avec enthousiasme (et compensés par leurs investissements personnels?) ; malgré les tentatives du Sénat pour bloquer leur initiative. L’Espagne avait épuisé la plupart des grands filons d’or il y a cinq siècles. Ce qui en reste la plupart du temps n’est que de la poussière d’or, dont l’extraction nécessite un processus extrêmement destructeur et toxique. Les sommets des montagnes, déjà dénudées, sont dynamités, des millions de tonnes de roches sont «lavées» au cyanure, un agent mortel qui, déversé ensuite dans des rivières et des eaux souterraines, rend impossibles l’agriculture et même la vie à leur proximité.

Comme nous l’avons détaillé dans les numéros précédents d’Haïti Liberté, les multinationales comme Newmont Mining, après avoir causé des dommages écologiques énormes dans des pays comme le Pérou et le Ghana, ont été pratiquement chassées de ces pays pour ensuite débarquer en Haïti. Avec le prix de l’or estimé à environ $1600 l’once, ils estiment qu’Haïti recèle quelque 20 milliards de dollars en poussière d’or dans ses montagnes ; prétendant, comme ailleurs, que leurs mines génèrent des revenus et des emplois pour Haïti. Mais, en réalité, après avoir pris les minéraux précieux, ils ne laisseront qu’une terre souillée et polluée, et la population plus pauvre qu’avant, parce qu’elle ne sera même pas capable de pratiquer l’agriculture à cause des poisons laissés derrière. Seule une poignée de copains locaux, comme Martelly et Lamothe, obtiendront quelques miettes de la richesse extraite.

Donc, en ce Jour de la Terre, rappelons-nous que nous, les masses populaires haïtiennes, nous ne luttons pas seulement contre l’exploitation, l’oppression et l’injustice ; mais pour l’autodétermination, l’égalité et la dignité humaine. Nous luttons aussi et surtout pour la survie de l’espèce humaine sur cette planète, à partir d’Haïti.

« L’ordre économique imposé au monde après la Seconde Guerre mondiale a conduit l’humanité à une situation insoutenable », a déclaré Fidel Castro dans un discours le 21 septembre 2009 intitulé «L’humanité est une espèce menacée». L’humanité est confrontée à « un danger imminent et vraiment ses effets sont déjà visibles ». Fidel nous donne à peine 60 à 80 ans pour éviter l’extinction de masse.

Donc, qu’on ne se laisse pas tromper par le «visage heureux» qu’affichent l’ambassade des États-Unis et le régime Martelly-Lamothe quoique misant sur la destruction de l’environnement en Haïti et de sa faune. Joignons-nous tous dans la lutte contre les forces du capitalisme débridé et destructeur en Haïti aujourd’hui – principalement Martelly et la MINUSTAH – pour construire dans ce petit coin du monde que nos ancêtres nous ont légué un nouvel avenir durable, où nos enfants auront une terre, de l’eau et l’air non contaminés par les chercheurs d’or, véritables pollueurs de notre espace vital.

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