La politique iranienne de Biden est déjà dans une impasse

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Sous les cris « Mort à l’Amérique » et « Vengeance pour les martyrs», des milliers de personnes se sont rassemblées, mardi 29 juin, à Bagdad, pour des funérailles symboliques en hommage aux combattants du Hachd populaire tombés en martyrs à la suite d’un raid américain

Dimanche, les États-Unis ont bombardé trois positions de la Force de mobilisation populaire (FMP) irakienne à la frontière syro-irakienne.

Les États-Unis n’avaient aucun droit de le faire. Le raisonnement juridique fourni par l’administration Biden pour justifier cette attaque est absurde. Tout comme le prétendu raisonnement consistant à établir une « dissuasion » contre d’autres attaques contre les troupes américaines par tel ou tel groupe de miliciens irakiens. La dernière frappe dans cette zone en février était censée remplir le même objectif, mais il est évident qu’elle n’a pas eu d’effet dissuasif. La frappe de dimanche a été immédiatement suivie de tirs de missiles contre une position américaine en Syrie. D’autres incidents de ce type suivront.

 

 L’attaque a mis dans l’embarras le Premier ministre irakien Mustafa al-Kadhimi. L’aspect le plus déroutant de cette frappe aérienne est toutefois son timing, puisqu’elle a eu lieu un jour seulement après que le Premier ministre irakien Moustafa al-Kadhimi a assisté à la célébration du septième anniversaire de la création de la FMP (Forces de mobilisation populaire), au camp Ashraf, l’ancien quartier général du groupe terroriste anti-iranien Mujahedeen-e-Khalq, situé à environ 100 kilomètres (62 miles) au nord-est de Bagdad. La FMP a fait défiler des milliers de ses combattants, ainsi que des chars, des lance-roquettes et des drones, devant une tribune où se trouvaient, outre Kadhimi, le ministre de la Défense Juma Inad, le ministre de l’Intérieur Othman Ghanmi, le chef d’état-major de l’armée irakienne, le lieutenant-général Abdul Amir Yarallah, et le chef d’état-major du FMP, Abdul Aziz al-Mohammadawi.

Plus important que la liste des participants, cependant, est ce que Kadhimi a dit à propos de la FMP. Dans un tweet publié pendant le défilé, le Premier ministre a noté que « nous avons assisté au défilé de notre armée héroïque le 6 décembre (2020), ainsi qu’au défilé de la courageuse police, et aujourd’hui nous assistons au défilé de nos fils dans la Force de mobilisation populaire. Nous affirmons que notre travail est sous la bannière de l’Irak, et que protéger sa terre et son peuple est notre devoir. Oui à l’Irak ! Oui à l’Irak, le pays fort et capable ». M. Kadhimi a ensuite souligné le fait que la FMP étaient un service d’État et a fait l’éloge de son rôle dans la lutte actuelle contre l’État islamique.

Pour rappel, un jour après que le Premier ministre irakien, en compagnie de son équipe militaire et de sécurité nationale, a déclaré que les FMP étaient un élément essentiel de la sécurité de l’État de son pays, les États-Unis bombardaient ces mêmes forces sur des sites en Syrie et en Irak, sites à partir desquelles la FMP mènent les opérations de lutte contre l’État islamique tant vantées par le Premier ministre irakien, et ce sans en informer le gouvernement irakien au préalable ni lui demander son autorisation. En réponse, M. Kadhimi a convoqué une réunion d’urgence de son état-major de sécurité nationale et a condamné avec force les frappes américaines, les qualifiant de violation manifeste de la souveraineté irakienne, ce qui incitera son gouvernement à étudier toutes les options légales en réponse.

Le secrétaire d’État Anthony Blinken et le président Joe Biden

L’attaque a affaibli la position des États-Unis en Irak et a renforcé celle de l’Iran.

Certains analystes affirment que l’attaque était un message adressé à l’Iran dans le contexte des discussions en cours sur l’accord nucléaire. Mais que dit ce message ? Que les États-Unis peuvent bombarder des cibles mineures ? Qu’est-ce que cela apporte de nouveau ?

Le secrétaire d’État Anthony « Pompeo le deuxième » Blinken a l’illusion qu’il peut ramener l’Iran dans le cadre de l’accord nucléaire et maintenir des sanctions importantes.

Revenons à la situation dans son ensemble. Un objectif primordial de l’administration Biden est de concentrer toutes ses forces dans la compétition avec la Chine. À cette fin, elle a prévu d’abandonner en grande partie le Moyen-Orient – l’endroit où les États-Unis ont gaspillé leurs ressources pendant plus de deux décennies.

Pour quitter le Moyen-Orient, les États-Unis doivent trouver une forme de paix avec l’Iran. L’administration Biden a donc entrepris de réintégrer l’accord nucléaire. Pour y parvenir, elle doit lever les sanctions que Trump a imposées à l’Iran. Mais la dérive de la mission s’est installée. Au lieu de simplement lever les sanctions en échange de l’adhésion de l’Iran aux limites de l’accord nucléaire, l’administration Biden a cherché à obtenir davantage de concessions de la part de l’Iran tout en offrant moins d’allègement des sanctions.

Le secrétaire d’État Anthony « Pompeo le deuxième » Blinken a l’illusion qu’il peut ramener l’Iran dans le cadre de l’accord nucléaire et maintenir des sanctions importantes. Il veut les utiliser pour faire pression sur l’Iran afin que ce pays limite sa puissance en missiles et qu’il cesse de soutenir ses alliés au Moyen-Orient : Les hauts responsables de l’administration Biden, de M. Blinken jusqu’au plus bas, ont admis qu’il y avait des défauts dans l’ancien accord nucléaire, il fallait qu’il soit « plus long et plus fort » et qu’il traite du programme de développement de missiles et du soutien au terrorisme de l’Iran.L’Iran a clairement exprimé sa position. Si les États-Unis lèvent TOUTES les sanctions imposées par Trump, ils soumettront à nouveau leur programme nucléaire aux limites de l’accord. Si les États-Unis ne lèvent pas TOUTES les sanctions, l’Iran continuera à dépasser ces limites avec des marges petit à petit plus importantes.

Aujourd’hui, l’exigence semble s’élargir encore davantage : Il est de plus en plus évident que tout accord global qui répond aux nombreuses plaintes de l’Amérique concernant le comportement de l’Iran doit également couvrir un large éventail de nouvelles armes que les forces iraniennes ne faisaient que bricoler il y a six ans.

L’Iran ne se désarmera pas. Ces objectifs sont impossibles à atteindre : Blinken a déjà déclaré que certaines sanctions américaines seraient maintenues et qu’elles seraient levées lorsque – et seulement lorsque – Téhéran « changera de comportement ». Notez le discret changement. Blinken ne parle pas ici de cadre nucléaire réglementaire, il devient « manichéen ». Ainsi, selon cette mesure (corriger un comportement malveillant), la question n’est pas de savoir combien de sanctions individuelles restent en place, mais la nature de celles qui restent. De toute évidence, la nature de celles qui restent doit impliquer une grande douleur, si elles doivent vraiment contraindre un Iran irrémédiablement « malfaisant » à changer de cap stratégique. (C’est un autre exemple de la façon dont le paradigme bien/mal fige la politique).

Notez le discret changement. Blinken ne parle pas ici de cadre nucléaire réglementaire, il devient « manichéen ».

L’équipe Biden sait, et admet librement, que les pressions maximales de Trump n’ont pas modifié le comportement iranien. Pourtant, Blinken préconise que les États-Unis répètent ce qui vient d’échouer. En fait, ce que Trump a fait, c’est persuader l’Iran de développer sa dissuasion par missiles de précisions et drones, ce qui a rendu les « armes MAGA » non pertinentes et donné à l’Iran un avantage stratégique.

Pourtant, Blinken flirte désormais avec l’idée de ne pas revenir à l’accord nucléaire : « Si cela continue, s’ils continuent à faire tourner des centrifugeuses plus sophistiquées à des niveaux de plus en plus élevés, nous arriverons à un point où il sera très difficile, d’un point de vue pratique » de revenir aux paramètres de l’accord nucléaire initial, a-t-il déclaré. « Je ne peux pas donner de date », a déclaré M. Blinken à propos du jour où l’administration Biden pourrait se retirer des négociations nucléaires, mais « cela se rapproche ».

Et puis quoi ? Si les États-Unis ne reviennent pas bientôt sur l’accord nucléaire, l’Iran le quittera complètement. A mon avis, d’ici la fin de l’année. Il sera alors libre de faire tout ce qu’il veut en matière de nucléaire. L’Iran augmentera également son soutien aux forces mandataires capables de nuire aux forces américaines et aux alliés des États-Unis au Moyen-Orient. Un certain nombre de piqûres d’aiguilles qui ne cessent de s’intensifier – incendies de pétroliers saoudiens, explosions de raffineries, attaques de drones contre des bases américaines – obligeront les États-Unis à rester engagés.

Le Premier ministre irakien, Mustafa al-Kazimi

Les États-Unis ne peuvent pas entrer en guerre contre l’Iran. Le pays ne peut pas être occupé et tout bombardement serait suivi d’attaques de missiles et de drones contre toutes les bases américaines et tous les alliés dans la région, y compris Israël.

Un statu quo ou un conflit de faible intensité pourrait donc se poursuivre pendant longtemps. Il consommerait davantage de ressources américaines et de temps de gestion. Du temps que la Chine peut utiliser, sans être dérangée, pour continuer à développer ses capacités. En ajoutant de plus en plus de demandes de levée des sanctions contre l’Iran, l’administration Biden sabote son objectif stratégique global de concurrence contre la Chine.

C’est une politique à très courte vue. L’Iran ne fléchira pas. Les tentatives de faire pression sur lui en tuant quelques miliciens irakiens sont tout simplement ridicules. Le fait que l’administration Biden tente de le faire montre qu’elle s’est engagée dans une impasse et qu’elle ne veut pas faire marche arrière.

Quelle sera donc son prochain acte ?

 

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone

Afrique Asie 3 juillet 2021

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