La politique de la peur : le nouveau champ d’exploration du pouvoir en place

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1980
Les dirigeants actuels répondent parfaitement bien aux aspirations du régime tisimoniste qui l'incarnent. Hérité d’une tradition politique macouto-bourgeoise de nature aristocratique et anarchique, ce pouvoir se trouve bien dans sa peau.

Après plus de trois ans, ce pouvoir en place ne nous étonne plus. Il reste fidèle à lui-même. Si on va à la base, soit à l’origine de sa formation ou à la compréhension de l’esprit qui gouverne ses membres, on finit par comprendre que les dirigeants répondent parfaitement bien aux aspirations du régime tisimoniste qui l’incarnent.  Hérité d’une tradition politique macouto-bourgeoise de nature aristocratique et anarchique, ce pouvoir se trouve bien dans sa peau. Il nous affiche aujourd’hui son visage et sa vraie identité. Et ce n’est pas un hasard si aujourd’hui le peuple végète dans la misère. Pour rappel, ces endurcis   de l’idéologie d’extrême-droite ont toujours manifesté leur totale indifférence à l’égard des déshérités et des plus pauvres. On ne trouvera pas des gênes d’empathie dans leurs ADN. Historiquement, les résultats sont, sans vouloir rappeler leurs pères, tous déjà connus.

On se rappelle bien quelques jours de cela, bien avant que la peur de l’insécurité et celle de l’épidémie hantaient nos quotidiens, ces dirigeants ne savaient à quel saint se vouer. Ce gouvernement était comme un oiseau sur la branche. Il était indécis et, à deux doigts, de plier bagage. Dieu seul sait ce qui serait arrivé s’il n’était pas un serviteur assidu et un protecteur infatigable des intérêts internationaux notamment ceux des Etats-Unis d’Amérique. Et de ce chaos politique où on était tous plongé, personne ne croyait qu’il s’en sortirait. Mais c’était tout simplement ignoré depuis des décennies que ce bout de terre de Dessalines a été vendu. Il ne nous appartient plus. Et dans un pays où la souveraineté se réduit comme une peau de chagrin, les grandes décisions politiques, dans bien des cas et surtout quand le peuple se trouve à cette phase totale d’épuisement et d’amnésie, viennent d’en haut. Et comme c’était le cas, le pouvoir piaffait.

Un gouvernement de facto se substituait à un autre.

En politique, comme en toutes autres choses dans la vie, le temps compte. Dans ce domaine particulier, il s’avère stratégique. En moins de rien, on peut perdre le momentum. Et quand cela arrive c’est l’adversaire qui, logiquement, le récupère. La récente évolution de la réalité politique l’illustre parfaitement.  Elle est marquée par un bouleversement du contexte politique. D’un côté, alors que l’insécurité faisait rage, le kidnapping est monté d’un cran. Pas un jour sans qu’une personne ne soit frappée par le spectre du kidnapping.   La population qui, par peur d’être kidnappée, se recoquille sur elle-même. Et le mouvement revendicatif populaire, par conséquent, en fait les frais.

De l’autre côté, c’est l’euphorie. Le pouvoir en place retrouvait son vrai sourire. Un gouvernement de facto se substituait à un autre. Et sans un parlement qui n’existait que pour défendre les intérêts mesquins de ses protégés et le peuple plongé depuis le nouvel an dans une psychose de peur, il s’avance sans l’ombre de doutes vers ce qui l’obsède le plus : la réalisation de son quinquennat.

Tout ce que l’on observe c’est qu’en peu de temps, tout se combine pour faire le jeu du pouvoir en place.  A la peur de l’insécurité qui a déjà mis un frein à l’élan revendicatif s’ajoute celle de l’épidémie qui exige, et pour dire définitivement   adieu au vœu populaire, le confinement. Et si cette double peur est de nature différente en ce qu’elle émane de deux causes différentes, elle sert, toutefois, à l’unique cause salvatrice de garantir le mandat du président.  On se demande si le gouvernement n’est-il pas en train de capitaliser sur une politique de la peur pour atteindre ses objectifs quinquennaux ? Cette stratégie politique ne pose-t-elle pas, dans un contexte de crise humanitaire où la population est privée de moyen pour faire face à cette épidémie, un problème d’éthique ?

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En fait, s’il y a un fait notoire que l’on puisse souligner, avant d’entrer en profondeur dans les analyses, lors des derniers événements politiques qui ont bouleversé le pays c’est bien celui de ’’pays lock’’. Cette protestation a mis le pouvoir devant la réalité des faits. Elle est révélatrice du déficit total de légitimité et d’impopularité criante dont souffre le pouvoir depuis son installation. Un fait qu’il cherche toujours à ignorer. Au fond, chose qui s’avère quasi-impossible. Car, personne ne peut maquiller la réalité quand elle est incontournable.   Le désenchantement populaire est à son point de non-retour. Le peuple a déjà tourné, mentalement, cette honteuse et triste page d’histoire.

Il faut admettre que la pire chose qui puisse arriver à un gouvernement est de perdre sa crédibilité devant ses propres citoyens. Dès lors, l’autorité du président est mise en doute et ses paroles deviennent sans effets. C’est ce à quoi nous assistons aujourd’hui. On ne prend plus au mot le président quand il parle, car quand il ne ment pas il se dément lui-même. Il nous promet tout. Mais personne ne savait qu’une politique de la peur était emballée dans ses lots de promesses.    Si pour certains il n’y a rien à voir avec l’insécurité qui traumatise la population haïtienne, on doit toutefois admettre qu’il l’avait bien entretenue soit par son laxisme, ou tout bonnement son refus de sévir contre les fauteurs de troubles.  Car, tout gouvernement responsable qui se respecte devrait assurer la protection de son peuple, ses biens et ses propriétés privées.  Il ne devrait en aucun travailler à son détriment.

la pire chose qui puisse arriver à un gouvernement est de perdre sa crédibilité devant ses propres citoyens.

S’il faut préciser, les bandits qui sèment la terreur sont des jeunes qui se trouvent coincés dans les quartiers défavorisés.  Les bandits légaux ou à costume sont leurs chefs.   À entendre leurs discours, qui sont dénués de tout sens ou contenu idéologique, ils croient dur comme fer être en guerre de position ou d’autorité avec d’autres jeunes des quartiers avoisinants. Pourtant, ils ont servi, sans qu’ils le sachent la cause d’une politique gouvernementale suicidaire dont son fondement se tient dans l’anarchie et le chaos. Car, en temps normal, ce pouvoir aura du mal à diriger. Il lui faut, pour fonctionner et entreprendre ses activités mafieuses et douteuses, cet environnement écœuré et terrifiant qui est conditionné par cette peur généralisée et d’insécurité permanente. Et avec l’arrivée de l’épidémie en Haïti, le gouvernement a trouvé tous les moyens de sa politique de la peur pour terminer son quinquennat, qui est, comme on le sait tous, sa seule préoccupation.

Sachant ce dont ce gouvernement est capable, son obsession quinquennale, ses passions cyniques et destructrices de la nation, le doute est permis. Et le peuple a raison de se méfier du président.  Car, comme disait Antoine Lyonel Trouillet, « si le président le dit, c’est faux. » Et ce n’est pas la campagne du gouvernement contre la Covid-19 qui va séduire le peuple. Au contraire, avec le confinement qui constitue jusqu’à date le seul moyen de lutter contre la propagation du virus en Haïti, le rend encore plus méfiant.  Dans son dégoût et son indignation grandissante, il défie au risque de sa vie, toutes les mesures préventives. Car, durant ces trois ans du pouvoir en place, rien n’a été fait pour soulager sa misère. Au contraire, elle ne cesse d’augmenter chaque jour. Le peuple souffre et meurt. Où était le président ?  Depuis quand pense-t-il au peuple ? Comment peut-il le protéger du virus mortel alors qu’il (le pouvoir) n’a rien fait pour venir au secours des gens de quartiers défavorisés qui meurent chaque jour de la faim et de l’insécurité ? Quelle politique a-t-il mis en œuvre pour relancer la production nationale qui était au centre de sa campagne électorale ?

Il faut dire que toutes les interrogations posées ci-dessus méritent d’être considérées même si la pandémie reste réelle. Dans la recherche d’une possible réponse à ces questions, elles nous permettent de dégager certaines subtilités qui entourent cette politique de la peur. Car, son fondement même repose sur la diversion qui, en politique, s’inscrit dans une dynamique de détournement de l’attention du public sur ses vrais problèmes. C’est pourquoi, une analyse au premier degré ne suffirait pas pour sortir cette politique dans l’ombre de cette forme de manipulation d’esprit et de faits.

A la lumière de ces faits, nous rappelons que la politique de la politique qu’est mise en place par ce pouvoir reste un cas d’autoritarisme classique dans l’histoire de violation des droits humains. Elle est marquée par un double processus de transfert de la violence légitime et de la normalisation du banditisme.  Les bandits sont officieusement le bras répressif du pouvoir. Chaque jour, ils s’occupent de leurs fonctions terrorisantes qui consistent en la production de la peur.  Et les médias s’en occupent de la diffusion et de l’intériorisation.  Majoritairement pro-gouvernementaux, ils participent à la légitimation des bandits. Ils les font passer pour des acteurs-vedettes en les recevant comme des invités de marque. Chaque jour on ne consomme que la peur. Et la vie devient quasiment inexistante dans ce pays.

Le président actuel en est l’exemple vivant, un cas classique de rabaissement humain qui ne soulève que dégoût et d’indignation.

En fait, tout ce qui compte pour ce pouvoir c’est son quinquennat. Un objectif auquel un climat de tension ne peut le garantir. La spontanéité de ce mouvement baptisé pays lock et le choc qu’il a provoqué le démontrent. Une répétition de ce mouvement doit être, à tout prix, évitée. Cette politique de la peur s’inscrit dans cette perspective répressive. Et pour bien la comprendre, il faut se placer dans le contexte pré- covid-19 ou ”pays post-lock”. En faisant   cet exercice de mémoire, on comprendra rapidement les raisons d’être d’une telle politique. Parmi ces raisons, on retiendra celle que j’appellerai ‘’l’auteur invisible’’.  Il ne veut pas apparaître comme bourreau qui réduit le peuple en silence en le privant de son droit à s’exprimer et à se réunir qui sont reconnus par les lois en vigueur et les prescrits internationaux. Avec cette politique qui lui confère ce statut « d’auteur invisible » le gouvernement sera épargné de ces crimes politiques qu’il a commis.  Car, ils seront tous traités comme des faits isolés liés à l’insécurité générale qui règne dans le pays et qu’il il a créée lui-même en mettant les jeunes des quartiers populaires au-devant de la scène.  C’est la perception qu’il veut, tout au moins, laisser pour la consommation de l’opinion nationale et l’internationale. Donc, on se demande si la politique de la peur ne pose-t-elle pas un problème d’éthique ?

 La Politique de la peur et le problème d’éthique

La politique et l’éthique ne font pas toujours bon ménage. Dans les pays où l’Etat est pris en otage par des politiciens, ce fait apparaît indéniable. En Haïti, ce constat n’est pas trop différent. L’Etat est devenu depuis quelques temps l’héritage privé des Chefs d’état.  Une fois au pouvoir, ils veulent y rester indéfiniment.  S‘il faut le rappeler que la durée d’un mandat présidentiel est de cinq ans. Mais il faut, toutefois, admettre qu’aucun d’entre eux n’a réussi à s’échapper à cette maudite tentation de rester au pouvoir au-delà du temps constitutionnel et des exigences démocratiques. Et cette obsession atteint aujourd’hui une phase pathologique.  Au pouvoir, ils ne pensent qu’à cela. Et comme la démocratie a ses règles et que ses exigences sont incontournables, ils ont, pour satisfaire leurs pulsions de pouvoir, violé ce qui se trouve au fondement mêmes de notre démocratie : l’alternance politique.

la covid-19 apparaît, pour le président, comme une cerise sur le gâteau.

En fait, depuis 86, s’il y a  une constante dans notre  histoire récente c’est bien celui de la continuité de l’état qui s’assure non dans la poursuite des idéaux et de grands projets de société établis par des gouvernants éclairés mais plutôt dans cette politique de doublure malsaine qui consiste à passer le pouvoir à une marionnette dans l’objectif de continuer à jouir dans la tranquillité les privilèges d’État et de rester , en même temps, à l’abri de toutes possibilités de demandes de comptes formulées par la nation. Le président actuel en est l’exemple vivant, un cas classique de rabaissement humain qui ne soulève que dégoût et d’indignation.

En fait, pour ce qui concerne de l’éthique, ces politiciens n’en ont pas. Cette notion, ils ne la connaissent même pas. D’ailleurs, ils n’ont pas été préparés à ce noble dessein : diriger une si fière nation. Ils n’ont pas été, pour la grande majorité, à l’université. Logiquement, on ne peut offrir ce qu’on n’a pas. Pour ces aigrefins, les adeptes du machiavel, la politique reste tout simplement un jeu d’opportunité. Ce qui compte ce n’est pas les moyens mais plutôt la fin. Le contexte actuel prouve malheureusement que cette formule machiavélique est encore de mise dans ce pays. Si la peur (politique) est l’œuvre machiavélique du pouvoir en place, transformant les bandits qui sont des victimes en bourreaux de la population, la peur créée par l’épidémie ne l’est pas. Mais il l’instrumentalise et la politise. Et cela soulève un problème d’éthique.

La question de savoir si l’épidémie est bien dans ce pays c’est, pour certains, ignorer ce pouvoir et son instinct de vol.  Car si elle n’y était pas encore on l’aurait déjà soit imaginée ou la fait entrer. A cela, la covid-19 apparaît, pour le président, comme une cerise sur le gâteau. Il n’offre pas non seulement l’assurance de son mandat mais aussi tout ce dont il a besoin pour le terminer en toute beauté : l’argent. Quelle aubaine !

Si avec le confinement dont impose logiquement l’épidémie la fin du mandat du président n’est pas sur la table de négociations, il faut reconnaître aussi que cette pandémie lui offre aussi une occasion en or pour ajouter dans sa vitrine déjà garnie de faits graves de corruption de nouvelles distinctions. Il en a besoin pour monter plus haut la barre de la corruption. Avec déjà quelques morts et plusieurs personnes atteintes par cette maladie, le décor est déjà bien planté pour ce record. Et ce n’est plus un secret pour personne que les crises humanitaires en Haïti demeurent un pactole pour les gouvernements, des sources d’enrichissement facile. Mais un fait demeure certain qu’elles ne marchent pas sans ses lots de scandales de corruptions. Donc, qui vivra verra.

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