La pendule idéologique est-elle à l’heure ?

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Le débat qui se fait actuellement au sujet de certains chefs de bandes dans les quartiers défavorisés qui ont déclaré qu’ils ne veulent plus se laisser utiliser par le pouvoir, la bourgeoisie et l’opposition traditionnelle est de bonne guerre.  Nous encourageons un tel débat, c’est une étape bénéfique qu’on le veuille ou non pour le futur de la lutte de libération nationale.  Il n’est pas inutile, au contraire, il devient alors indispensable d’analyser l’ensemble de la situation, sans merci pour les sentiments de quiconque ; car il permettra de clarifier certains points d’ombre sur la question idéologique.

Il faut noter en outre que pour gagner une bataille politique, on doit tout d’abord la gagner idéologiquement. Si l’idéologie dominante dans la société haïtienne reste telle quelle sous l’influence des classes dominantes, tout changement, même le plus révolutionnaire qu’il soit, n’aboutirait qu’à un échec. Voilà pourquoi, il nous faut préparer le terrain, remettre à l’heure les pendules de sorte que nous combattions coûte que coûte et avec efficacité toutes les propagandes des classes dominantes truffées de mensonges pour perpétuer l’exploitation sans limites des travailleurs que la faim et la misère sont en train de torturer.

Le banditisme qui sévit dans les quartiers populaires a été et est essentiellement dirigé contre les masses laborieuses en souffrance pour les empêcher de réfléchir sur leurs conditions de vie, voire un jour se soulever non seulement contre le régime qui les opprime mais aussi contre la plus fondamentale: l’élite dominante.

Le processus de banditisme dans le pays, si quelqu’un désire l’analyser, il faut le faire dans son mouvement, c’est-à-dire suivant la dialectique

Dans une société de classes, chaque personne occupe une position de classe déterminée et il n’existe aucune pensée qui ne porte une empreinte de classe. A ce compte, il n’est pas difficile de comprendre certains individus de droite comme de gauche épousant aisément et catégoriquement le sens de la philosophie métaphysique de Dr Yves Cadet, spécialiste en matière de sécurité qui, avec une certaine grandiloquence inouïe, déclare que tout bandit est inné, aucun bandit ne peut devenir gentilhomme. Cette espèce selon lui ne peut en aucune façon changer, ni se réhabiliter. Bref, c’est un cas perdu !

Quelqu’un qui arrive à accoucher une telle idée n’est autre qu’un individu qui parle de tout et de rien, à tort et à travers, sans aucune précision scientifique. Il ne fait qu’afficher une conception de la pensée qui considère le monde comme un ensemble de choses figées, sans aucun mouvement, sans le moindre changement ; alors que selon la dialectique rien n’est immobile, tout se transforme. Le processus de banditisme dans le pays, si quelqu’un désire l’analyser, il faut le faire dans son mouvement, dans son changement c’est-à-dire suivant la dialectique à commencer en amont et pas en aval.

N’y- a-t-il pas un désintérêt ou un oubli volontaire sur les rôles de la lumpen-bourgeoisie, puisque le silence complet est fait sur les vrais chefs de gangs, les auteurs intellectuels, ceux qui fournissent les munitions ? Tout cela indique comment les tentacules de cette classe sont multiples comme la pieuvre. Une façon classique de dédouaner la bourgeoisie patripoche,  c’est d’ignorer que certains individus issus des masses sont des instruments au service de cette oligarchie corrompue et criminelle. En fait, les avocats de la cause bourgeoise n’établissent aucun lien, aucune racine commune entre la bourgeoisie et des jeunes armés qui sont moins des criminels que des victimes de l’exploitation et de l’oppression d’une classe sur une autre.

L’ironie, un bandit ne pourrait être réformé. Mais les vrais criminels, dont ceux qui ont été accusés d’assassinat sur le père Vincent ; des trafiquants de drogues à Jacmel dénoncés par la clameur publique et tant d’autres ont été réhabilités jusqu’à devenir Sénateurs. Des bourgeois corrupteurs arrosant d’armes et d’argent des jeunes à Cité Soleil. Ils sont tous maintenant chefs de Parti politique et se préparent même à diriger le pays ; alors ce sont ceux issus des masses qui ne connaissent même tout l’alphabet du banditisme qui ne peuvent pas être réhabilités. Quelle aberration !

On a entendu également dire : les bandits vivants dans les quartiers populaires n’ont aucun rapport avec les masses populaires. Là encore, c’est une autre illustration de la pensée idéaliste, mécanique qui s’adonne à séparer les choses les unes des autres ; pourtant la réalité est toute autre dans le pays. Une telle conception révèle de la connaissance sensible qui ne voit que les côtés apparents des choses et des phénomènes, leurs aspects isolés et leur liaison externe. Or, la philosophie marxiste elle-même « met l’accent sur le fait que la théorie dépend de la pratique, que la théorie se fonde sur la pratique et, à son tour, sert la pratique. La vérité d’une connaissance ou d’une théorie est déterminée non par une appréciation subjective, mais par les résultats objectifs de la pratique sociale ».

Autre fait, un bandit ne pourrait pas devenir un révolutionnaire «le giraumon ne saurait produire de la calebasse » gargarise le Dr Yves Cadet. C’est l’analyse facile, simpliste d’un être qui ignore encore que rien n’échappe au processus de changement, aux transformations de l’histoire. Tout se transforme, devient et passe.

A cette question : Est-ce qu’un bandit armé pourra-t-il devenir un guérillero au service d’une cause révolutionnaire?  Certes, et l’histoire ne manque pas de ses exemples. Une grande figure de la révolution mexicaine : le général Pancho Villa, ancien voleur de bétail et chef de bandits recherché par la police. Il a décidé de soutenir les troupes de Madero au cours de la révolution. Le bandit Pancho de son vrai nom Jose Doroteo Arango Arambulat est devenu général de l’armée mexicaine.

Des brigands chinois ont suivi Mao Tsé-toung. En 1929 le gros de l’Armée rouge de Mao ait été composé des « éléments déclassés » de « bandits, voleurs, mendiants et prostituées ». « Ces gens se battent avec beaucoup de courage », avait observé Mao. (Voir le livre « les bandits » d’Eric J. Hobsbawn).

En somme, il faut remettre à l’heure la pendule idéologique puisque « le marxisme n’est pas un dogme, mais un guide pour l’action » Les conceptions erronées dogmatiques peuvent causer de grands maux tout en évitant de suivre les idéalistes. Sachons que rien ne reste ce qu’il était. Le présent a une histoire passée et aura une histoire d’avenir. Rien n’est définitif, ni éternel. La société haïtienne n’a pas été ce qu’elle est, le monde de même, ainsi que l’homme quelque soit sa culture et son niveau social évolue chaque jour parce que selon le matérialisme dialectique rien n’étant définitivement achevé, il y a et il y aura toujours un développement.

 

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