La guerre ne devrait être la voie à aucune sortie de crise !

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Faut-il prendre au sérieux les nombreuses déclarations, qu’elles émanent du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), de la Primature, voire de certains médias, alors qu’un budget de guerre a été décrété par le gouvernement et que l’idéologie dominante est « à la guerre comme à la guerre » ? Cela signifie que l’appareil d’État a clairement choisi la guerre, synonyme de barbarie, pour tenter de résoudre la crise structurelle que traverse actuellement le pays.

Les bellicistes n’ont rien à redire sur les excès et les conséquences incontrôlables, car tant qu’il y aura guerre, il y aura pertes humaines, destructions d’infrastructures et massacres. Tant qu’il y aura guerre, il y aura dommages collatéraux, et les résultats ne seront jamais agréables et satisfaisants pour tous. Il y aura des grincements de dents, et c’est précisément le cas avec la destruction par incendie de l’ancien hôtel Oloffson, probablement motivée par des mobiles. Depuis cet incendie, on entend toutes sortes de litanies et d’accusations infondées et sans preuves, car pour l’heure, aucune enquête n’a été diligentée par les autorités. Mais il faut bien le dire, rien d’étonnant lorsque la seule négociation demeure la guerre.

Si nous sommes en guerre, comme l’ont déclaré les Conseillers Présidentiels fauteurs de guerre,  Leslie Voltaire et Fritz Alphonse Jean, ne nous étonnons pas de certains abus, ni même de terribles dégâts. Nous devons avoir le courage d’accepter tout ce qui se passe ; sinon, demandez un cessez-le-feu pour y mettre fin, ce qui impliquerait une forme de dialogue ou de négociation de part et d’autre.

Si le pays est devenu une zone de guerre où des groupes armés nommés « brigadiers » soutenus par le gouvernement combattent ouvertement, par endroits, ceux identifiés comme des bandits, le CPT est tout bonnement responsable de ces méfaits. Par conséquent, les autorités sont comptables des conséquences incalculables  de  l’état sanitaire, physique et psychologique d’une population privée de tout. Les crimes commis par les brigadiers sont considérés comme presque normaux, selon des critères inconnus, mais ceux de leurs adversaires sont insupportables et toujours dénoncés. Alors que les deux protagonistes devraient être condamnés simultanément pour leurs actes inacceptables. En réalité, nous sommes véritablement au cœur d’une guerre civile entre deux entités différentes où chacun fait sa propre loi, recherche justice selon ses propres sentiments ou raisonnements. Et au milieu de tout cela, la population civile  abandonnée et affamée qui en paie le prix.

Un bilan qui devrait malheureusement s’alourdir dans les semaines à venir si, comme annoncé, le pays devait faire face à une nouvelle intervention militaire, cette fois de la part des pays membres de l’OEA. Le pire, c’est que les autorités actuelles ne s’en préoccupent nullement du sort de la population, tant que cela leur conviennent. Elles ont pris soin d’exacerber les contradictions en finançant, voire en équipant certains brigadiers afin qu’ils puissent contrecarrer l’arsenal militaire de leur ennemi, en l’occurrence les autres groupes armés désignés comme : bandits, gangs et terroristes.

Or, nous avons atteint en Haïti un stade de criminalité où il est impossible de distinguer les actions des gangs de celles des brigadiers et de la police, tant leurs actions criminelles sont similaires. Récemment, l’ancien général-président Prosper Avril a rendu, sans le savoir, service au pays en publiant un livre sur l’histoire des bandes armées. Même s’il met tous les groupes armés dans le même sac, on ne pouvait espérer mieux de sa part, compte tenu de sa position politique et de ses limites, profondément anti-progressiste, voire réactionnaire.

En réalité, cet ouvrage sur l’historicité des groupes armés, malgré ses lacunes idéologiques et scientifiques, constitue une contribution précieuse. Il éclaire l’histoire de notre pays dans son ensemble, y compris pendant la période coloniale précédant notre indépendance, sachant que les groupes armés ont toujours joué un rôle fondamental, quelle que soit leur origine et leurs méthodes. Ils expriment souvent une certaine revendication sociale, politique et économique contre l’ordre dominant établi. Ce phénomène trouve précisément ses racines dans les luttes internes du pays pour le changement, car ce n’est qu’après certains événements politiques majeurs que nous sommes toujours confrontés à cet imbroglio sociopolitique. Sa survie est due au fait qu’il n’a jamais été définitivement résolu. N’ayant pas été éradiqué, il réapparaît à certaine période de l’histoire puisque les conditions sociales des masses exploitées n’ont jamais véritablement changé.

Les classes possédantes se complaisent dans la dissimulation de la vérité, mais la lumière de la vérité, qu’on le veuille ou non, brillera toujours sur les ténèbres. Cela signifie que même si les actes des bandits déplaisent à chaque citoyen, le rôle de l’Etat serait aussi de rechercher les causes profondes qui les  provoquent.  Malheureusement, il refuse catégoriquement d’aller à la source du mal de peur que la trace de son implication tacite ne soit découverte dans les maux dont souffre le pays. Les vrais criminels ce sont les dirigeants de l’État qui ne prennent pas en compte les besoins des populations les plus démunies et refusent d’aider les plus pauvres !

Le gouvernement persiste dans sa dérive autoritaire, afin de maintenir davantage la population dans l’ignorance et d’empêcher que ce véritable problème soit définitivement résolu. Il préfère faire semblant de ne pas comprendre la nécessité d’avoir une paix durable et surtout ne l’a jamais prêché vraiment dans le pays. C’est une façon de ne pas résoudre cette crise multidimensionnelle. Ce que les dirigeants tentent de faire, en tant que criminels, c’est de dissimuler la vérité tout en élaborant un stratagème, comme si le pays souffrait d’une épidémie de banditisme criminel et qu’il était nécessaire d’éliminer toutes les personnes infectées, alors qu’en réalité, ils sont eux-mêmes à l’origine et porteurs du virus.

Ils savent pertinemment qu’éliminer ce qu’ils appellent les bandits ne résoudra pas le problème fondamental, ni ne nous rapprochera en rien de la paix. Mais le slogan que les mercenaires de la classe politique au service d’oligarques corrompus ne cessent de vendre, est : « il n’y aura aucune négociation avec les gangs ». Ces dirigeants déclarent haut et fort qu’ils ne négocieront pas, qu’ils ne dialogueront jamais avec les bandits. Pourtant, c’est ce qu’ils font en coulisses, à longueur de journée et de semaine pour leur compte personnel.

L’heure est grave. La barbarie en cours, déchaînée par le Conseil Présidentiel de Transition et le Premier ministre Didier Alix Fils-Aimé n’aurait pas eu lieu si elle n’était pas appuyée par l’impérialisme. Rien ne peut justifier la poursuive de cette guerre. D’une manière ou d’une autre, la guerre ne devrait être la voie à aucune sortie de crise. La vérité, ce n’est pas le dialogue qui effraie cette poignée de personnes qui exploite toutes les richesses du pays, mais plutôt leur obsession de nier l’existence même du peuple haïtien revendiquant ses droits légitimes auxquels il aspire.

 

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