La création de l’OCAG dans l’impasse et l’arrivée sans consensus d’un CSC

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Mirlande H. Manigat, figure politique et intellectuelle sur qui se repose ce fardeau de trouver les verbes et les moyens pour consolider le pouvoir du chef de la Transition, n’arrive pas à convaincre.

Comme une illusion, le Haut Conseil de la Transition (HCT) créé dans la foulée par un énième Accord politique entre le Premier ministre de facto, Ariel Henry et un certain nombre d’organisations politiques et des entités de la Société civile se dissout dans la masse comme certains l’avaient prévu lors de sa création le 21 décembre 2022.

Présenté par ses concepteurs comme l’Acte ultime d’un consensus politique de sortie de crise dans le cadre de la Transition, le HCT devrait rapidement prendre en main, selon les termes de l’Accord intitulé : « Consensus National pour une Transition Inclusive et des Élections Transparentes », plusieurs dossiers dont celui de la création d’un Conseil Electoral Provisoire (CEP) afin de lancer au plus vite le processus électoral devant aboutir à l’organisation des élections à la fin de cette année. Mais, voilà! Depuis sa création et son installation le 6 février 2023, le moins que l’on puisse dire, le HCT ne donne quasiment plus signe de vie.

A part quelques participations pour la galerie au Conseil des ministres, les trois membres du HCT, Mirlande H. Manigat et ses deux collègues Calixte Fleuridor et Laurent Saint-Cyr, se sont éclipsés du paysage politique depuis bientôt deux mois. Outre leur présence très symbolique et très médiatisée au Palais national et bien sûr les lamentations de Mme. Manigat se plaignant qu’ils sont abandonnés au 5e étage du Ministère du Commerce et des Industries, il n’y a plus rien. Aucun signe de ces trois Mousquetaires du « roi Henry » qui devraient, en quelque sorte, le sortir du pétrin de la Transition dans lequel il s’est enfariné. Or, le temps presse. Il n’y a que l’un des « facilitateurs » de la mise en place de l’Accord du Karibe, Charles Tardieu, qui, timidement, a dû revenir devant la presse pour reconnaître que les choses sont plus difficiles que prévu.

Selon le journal Le Nouvelliste qui cherchait à savoir où en était le HCT avec la mise en place de l’Organe de Contrôle de l’Action Gouvernementale (OCAG), l’organisme qui devrait jouer le rôle du « Parlement de la Transition » pour contrôler les faits et gestes de Ariel Henry et son gouvernement, sans chercher à se cacher, Charles Tardieu a été on ne peut plus honnête. Il avoue, volontiers, que deux mois après, les TDR (Termes de Références) ne sont pas encore définies et que même la méthodologie pour y arriver est encore à l’étude. Pourtant, c’est après, après seulement que tout soit prêt, que l’OCAG de 21 membres sera enfin désigné. Une éternité pour un pays qui est en train de se disloquer jour après jour !

« Nous sommes en train de finaliser le document qui établit les Termes de Référence. Ensuite, nous demanderons aux signataires de déléguer leurs représentants. Le HCT aura ensuite un rôle dans la sélection des membres. L’OCAG sera formée de 21 membres, avec une représentation des 3 secteurs qui composent l’Accord, des femmes et de la diaspora », a laissé entendre un Charles Tardieu pas très rassurant sur l’agenda.

L’ex-parlementaire Antoine Rodon Bien-Aimé

Il reconnaît presque que les signataires de l’Accord du 21 décembre tournent, en réalité, en rond. Il n’y a aucune évolution ! En clair, très peu d’avancée depuis l’espoir qu’avait fait naître ce cadeau de fin d’année qu’avaient offert au Premier ministre Ariel Henry, les Secteurs qui ont signé ce nouvel Opus, selon eux, devant ramener les autres antagonistes à la table des négociations. Il se trouve que Mme Mirlande H. Manigat, figure politique et intellectuelle sur qui repose ce fardeau de trouver les verbes et les moyens pour consolider le pouvoir du chef de la Transition, n’arrive pas à convaincre. Certains n’arrivant pas à digérer sa présence dans le « Groupe Ariel Henry ». En fait, elle passe mal. De plus en plus de personnalités et de Secteurs organisés se méfient d’un pouvoir qui ne semble pas enclin de tenir sa parole face à la gravité de la situation.

Ils préfèrent, de fait, garder leur distance non seulement avec l’équipe au pouvoir et ses encombrants alliés du SDP de Me André Michel que certains estiment avoir trahi leurs convictions et la population, mais également ces gens doutent de plus en plus de la capacité de l’ancienne Secrétaire générale du RNDP de pouvoir faire bouger les lignes dans un sens ou dans un autre. En effet, la Présidente du HCT paraît inapte à attirer d’autres entités à intégrer l’Accord du 21 décembre. Pire, elle ne parvient même pas à faciliter la mise en place de l’OCAG sans lequel, il serait difficile d’avancer sur d’autres dossiers en perspectives.

Comment donner de gage de confiance à des interlocuteurs qu’on cherche à ramener dans son camp quand dans votre propre organisation vous n’êtes pas capable de convaincre ? Difficile de parler d’élections aujourd’hui alors même que la deuxième instance prévue dans l’organigramme de l’Accord du « Consensus National pour une Transition Inclusive et des Élections Transparentes » peine à se mettre en place. Plus précisément, les initiateurs ont le plus grand mal à concrétiser leur objectif.

A en croire, en effet, Charles Tardieu, encore lui, former l’OCAG demeure très compliqué : « Ce n’est pas une opération facile. Nous travaillons avec très peu de ressources humaines et matérielles. A cela s’ajoutent les conditions sécuritaires. Cela a pris beaucoup plus de temps que prévu. Mais, comme le réclament beaucoup d’acteurs, l’OCAG doit être mis en place le plus rapidement possible, car c’est un élément fondamental dans l’amélioration de la gouvernance. Nous n’avons pas trop avancé malheureusement » disait-il, il y a quelques semaines.

En fait, il y a une question de confiance et de doute. Personne, honnêtement, ne veut s’engager dans une affaire qu’elle estime n’avoir aucun avenir et qui ne déboucherait sur rien. Du temps perdu, en somme, dans la mesure où il n’y a pas vraiment de consensus au sein du personnel politique haïtien depuis la mise en place de la Transition post-Jovenel Moïse, il y a bientôt deux ans. Et pour cause. Ariel Henry, pour des raisons qu’on ignore, croit qu’il peut sortir seul ou résoudre la crise uniquement avec ceux qui cautionnent sa présence à la fois à la Primature et au Palais national. L’Accord Karibe est la preuve évidente de cette idée fixe du locataire de la Villa d’Accueil.

Au lieu de profiter du rajeunissement de l’Accord de Musseau en invitant les protagonistes de Montana à venir pour trouver ensemble une version unique, définitive et consensuelle pour relancer une Transition qui est un échec évident, Ariel Henry s’est contenté de réunir autour de lui et de ses amis que des gens déjà acquis à ses causes et acceptant sa volonté de conduire seul la gouvernance de la Transition avec des rafistolages qui n’apporteraient rien comme nouvelles avancées dans la résolution de la crise. C’est un cercle vicieux. On reprend les mêmes et l’on recommence dans la même fourberie et du non sens politique. La tentative de passer outre le HCT pour former l’OCAG dans la précipitation et sans concertation ni consentement avec d’autres personnalités et des signataires de l’Accord du 21 décembre est l’exemple même de ce qu’il ne faut pas faire quand on cherche un consensus et surtout quand on veut arriver à un résultat qui soit acceptable pour tout le monde. Depuis quelques semaines, il y a une polémique au sein même des signataires dudit Accord due, justement, au retard dans la formation de ce fameux OCAG.

Charles Tardieu

Il semblerait que certains, impatients d’attendre ou plutôt remarquant que l’affaire était sur le point de prendre de l’eau, cherchaient à provoquer le destin en formant, carrément, une autre instance, sans l’aval ou l’accord de tous les membres. Alors qu’on attendait un grand communiqué venu de la direction de l’Accord de Karibe ou de la présidence du HCT annonçant la formation, comme convenu, de l’OCAG, finalement, c’est par hasard qu’on apprenait qu’un Comité de suivi du Consensus (CSC) a été mis sur pied. Ce Communiqué annonçant la naissance de ce CSC n’est en rien un document officiel de l’Accord du 21 décembre. Selon l’ancien député de Cerca-Cavajal, Antoine Rodon Bien-Aimé, qui fait office de porte-parole de ce CSC, il s’agit d’un geste pour faire pression sur le HCT et le gouvernement en vue de la mise en place des organes prévus par ledit Accord.

Dans le document officialisant le CSC, on peut lire : « Nous, les signataires de l’Accord du 21 décembre, avons pour obligation de veiller à sa mise en application, afin d’éviter de répéter l’échec de celui du 11 septembre. Ariel Henry n’a pratiquement aucun cadre légal lui permettant de diriger le pays. À travers le consensus, nous avons une opportunité d’avancer et de mettre fin à l’ensemble des crises qui rongent le pays. » Curieusement, même dans le texte rendu public, les membres du CSC reconnaissent que Ariel Henry tient le pouvoir illégalement en tout cas sans légitimité. Mais qu’importe, ils tiennent à le soutenir pour le contraindre, selon A. Bien-Aimé, à organiser les élections.

Les quatre récipiendaires du Comité de Suivi du Consensus (CSC), sorte d’équivalent du Comité de Suivi de l’Accord de Montana (CSA), sont l’ancien ministre des Affaire Etrangères, Pierrot Delienne, l’ancien lavalasien et chef OP, René Civil, l’ex-parlementaire Antoine Rodon Bien-Aimé et  Philomène Célestin. Selon certains leaders politiques qui sont opposés à l’Accord de Karibe, cette initiative des ces quatre personnalités est une tentative désespérée pour essayer de sauver ce qui peut l’être de l’Accord du « Consensus National pour une Transition inclusive et des élections transparentes ». Mais, ce CSC n’a aucune légitimité puisqu’il n’a pas été officiellement mis en place par l’ensemble des signataires de l’Accord du 21 décembre ni légitimé par le Haut Conseil de la Transition. Le « Comité de Suivi du Consensus » est une initiative de quelques individus n’ayant aucune qualité ni mandat officiel du HCT ni de la Direction de l’Accord du « Consensus National pour une Transition Inclusive et des Elections Transparentes » ni de la Primature pour s’engager dans de telle initiative bien qu’elle partait d’un bon sentiment.

Bref, c’est la peur de tomber dans l’oubli et l’immobilisme du HCT qui poussent certains à prendre unilatéralement des décisions afin de porter les trois membres du HCT à se réveiller de leur sommeil. Car, le temps joue contre eux et contre la formation de l’Organe de Contrôle de l’Action Gouvernementale (OCAG) qui, selon Mirlande H. Manigat, ne servirait à rien et contre le processus électoral ; puisque le Conseil Électoral Provisoire (CEP) qui est la mère de toutes les batailles politiques en Haïti n’a toujours pas vu le jour alors qu’il reste le baromètre sur lequel l’on pouvait déceler si les élections seraient inclusives et transparentes, voire même si elles pourraient être organisées.

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