Hier, aujourd’hui et demain mêmes luttes, même espoir, même libération

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Les femmes sont “l'avenir de l'humanité”, et le 8 mars c'est toute l'année.

Une seule « Journée internationale » pour célébrer les femmes ne m’a pas satisfait. Non, pas du tout. Sans doute, c’est le 8 mars 1910, lors de la 2e Conférence internationale des femmes socialistes à Copenhague, que Clara Zetkin avait proposé la création de la journée internationale des femmes, journée de manifestation annuelle afin de militer pour le droit de vote, l’égalité entre les sexes, et le socialisme. Cette initiative est à l’origine de la Journée Internationale des Femmes, manifestation qui se déroule tous les ans le 8 mars.

J’ai toutefois le sentiment – et j’ai peut-être tort – que bien des gens ont pris une roue libre sur cette date devenue sacrée. En ce sens que, du côté masculin surtout, on s’est peut-être dit: voilà qu’elles ont un jour à elles, elles devraient en être fières, heureuses et satisfaites. Pourquoi doivent-elles en demander davantage? Elles n’ont qu’à rester dans leur coin, les filles, les “pépées”.

Au Moyen Age, on te disait “hystérique”, on te brûlait vive parce que l’Église catholique avait décidé que tu avais le diable caché au fond de ton utérus.

Non, je trouve que les femmes méritent bien mieux et bien plus que ça. Par-delà la glorieuse initiative de Clara Zetkin, il y a cette incontournable réalité que ce sont les femmes qui portent le monde sur leur dos, quelle que soit la sphère d’activité humaine. Aussi, c’est chaque jour que nous devrions leur être solidaires: hier, aujourd’hui et demain pour leurs mêmes luttes, leur même espoir, leur même libération. Aussi, par-delà ce 8 mars traditionnel, je viens leur dire la solidarité de tous les hommes et de toutes les femmes de progrès, leur renouvelant ainsi notre conviction qu’elles sont “l’avenir de l’humanité”, et que le 8 mars c’est toute l’année.

          Ave mulier! Je te salue, femme de toutes les saisons humaines, femmes de lunes déjà oubliées et de grand soleil à faire lever sur la nuit de tes trop longues épreuves, au midi de ton courage et de ta proverbiale longanimité.

Je te salue, femme de toutes les belles aventures humaines et viens verser au pied de ton autel les trois gouttes rituelles de l’honneur et du respect qui te sont dûs. Ave mulier! Femme, je te salue pour tout ce que tu as été, pour tout ce que tu es et pour tout ce que tu seras: la grande donneuse de vie, l’infatigable pourvoyeuse de ce fin rayon de joie au sein du foyer, celle qui connaît les secrets les plus intimes de la vie et sait comment y accéder.

Hier encore, au Moyen Âge – on s’en souvient bien – on te brûlait vive parce que sous le poids de trop lourdes angoisses tu te laissais aller à tes défoulements – thérapeutiques – et les bons prêtres et évêques, gardiens de l’ordre machiste et sexiste disaient que tu étais sous l’influence du démon caché dans ton utérus. Et les représentants de l’ordre chrétien, pour ne pas dire divin, venaient, eux sous l’influence du vin, t’asperger, te goupillonner, te baptiser, te désataniser, t’enlever le diable de l’utérus.

On te disait sorcière, on te disait aussi hystérique, atteinte d’une maladie diabolique. On te disait souffrir d’hystérie. Et l’Inquisition te condamnait à être brûlée vive. Or, on sait que  le mot hystérie vient bien du grec hustera, pour utérus. Oui, on te brûlait vive parce que tu avais le diable caché au fond de ton utérus. Et ces crimes contre l’humanité, contre les femmes ont eu cours entre le XIIIe et le XIXe siècle. Et c’était vivent les bûchers! Vive l’eau vive de l’aspersion moyenâgeuse! Vivent les tribunaux de l’Inquisition! Vive la chrétienté! Vive l’ordre masculin! Vive l’obscurantisme!

Aujourd’hui comme hier, je te salue, femme aux mille intuitions pour donner sens à la vie.

Il est vrai qu’une femme condamnée à mort ne finissait pas nécessairement sur le bûcher, mais pouvait voir sa peine commuée en peine carcérale ou en amende. N’empêche, des quelque 125 000 procès de l’Inquisition espagnole,  entre 1875 et 2500 personnes ont été condamnées. Dans le contexte de cette même Inquisition, 59 sorcières ont été brûlées en Espagne, 36 en Italie et 4 au Portugal. Au Liechtenstein, sur une population de 3 000 habitants, il y eut 300 femmes livrées au bûcher. On en recense 25 000 pour l’Allemagne. Ailleurs en Europe, surtout protestante c’était pareil.

Quand vint la révolution industrielle, avec les chambardements qu’elle a créés dans les idées et les mœurs, le capitalisme eut besoin de toi, femme. On eut besoin de ta force de travail pour faire marcher les usines, faire rouler les machines. Réputée plus docile que les hommes, tu as été, tout au long de l’évolution du système capitaliste, plus corvéable, plus facile à exploiter, jusqu’à ce glorieux 8 mars 1857 où ton cri percutant de refus de l’oppression ébranla les assises du monde textile à New York. On a dû t’accorder cette “Journée Internationale” gagnée de haute lutte.

Depuis, tu es aux premières loges d’une lutte sans merci contre toutes ces forces machistes, sexistes, obscurantistes, capitalistes œuvrant à découvert ou dans les ténèbres de leur malfaisance et égoïsme, dans l’obscurité opaque d’idées arriérées pour retarder l’éclosion de ta pleine libération.

Aujourd’hui comme hier, je te salue, femme aux mille intuitions pour donner sens à la vie. Aujourd’hui, tu as décidé et déclaré qu’il faut rebattre les cartes. Oui, fòk kat yo rebat. Aujourd’hui, en ce vingt-et-unième siècle de luttes tous azimuts, on te voit partout scandant tes slogans revendicateurs, libérateurs, forçant à se démasquer législateurs et politiciens matois, rusés, faux, démagogues, menteurs.

Nous nous rappelons: le 3 avril 1986, plus de 30.00 femmes défilaient à Port-au-Prince, aux Cayes, au Cap-Haïtien et ailleurs en Haïti réitérant leurs exigences qu’on mette fin à toutes les discriminations dont elles se savaient victimes. Aujourd’hui, les femmes montent au créneau non seulement pour lutter contre toutes les aliénations, contre toutes les oppressions qu’elles subissent de la part des hommes mais aussi pour dénoncer un système d’injustice généralisée contre les faibles, les démunis à l’intérieur duquel fleurit celui d’exploitation de la femme. Ainsi la guatémaltèque Rigoberta Menchu dont les incessantes campagnes contre la répression militaro-politique dans son pays lui ont valu d’être la récipiendaire du Prix Nobel de la paix en 1992.

Nous nous rappelons le formidable rassemblement de femmes à Beijing, en Chine, à l’automne de 1995. Au nombre de 40 000 environ, elles étaient venues faire entendre leurs voix, marteler leurs revendications pour une société plus juste où soit reconnue cette “autre moitié du développement”, leurs pleins droits pour un développement social et économique authentiquement humain.

Aujourd’hui, des femmes prennent tous les risques pour faire valoir leurs droits au respect de leur personne, leurs droits à un salaire équitable, leurs droits à être reconnues  à pat entière dans le processus de changer la vie pour qu’elle soit meilleure et  pleinement humaine. Telle cette jeune indonésienne de vingt-cinq ans, Marsinah, militante syndicaliste retrouvée morte, poignardée, après avoir menée une grève pour protester contre les bas salaire, les mauvaises conditions de travail et les mauvais traitements dans une fabrique de montres à Java.

L’égyptienne Shaimaa el-Sabbagh, trentenaire, mère d’un petit garçon de 5 ans et  militante de la première heure est du nombre de ces femmes qui prennent des risques en faveur de la liberté, de leur liberté, de leur dignité, de la dignité de tous les humains. Car se battre pour l’émancipation pleine de la femme, c’est aussi combattre pour le droit au respect et à la vie de tous. La lutte des femmes est aussi politique que salariale, sociale ou autre.                                                                                                                Shaimaa el-Sabbagh avait emmené une couronne de fleurs et devait rejoindre un cortège d’une trentaine de personnes sur Talaat Harb, place centrale du Caire. Les manifestants comptaient faire une marche jusqu’à Tahrir en hommage aux quelque 800 martyrs du 25 janvier 2011, suite à la série d’événements ayant abouti à la démission du président Hosni Moubarak et à une apparence de libéralisation du régime.  Mais face à des forces de police sous tension, Shaimaa n’en a pas eu le temps. En plein après-midi ensoleillé, la militante s’écroulait dans les bras d’un ami après avoir reçu plusieurs tirs de chevrotine dans la nuque, tirés par la police qui dispersa et arrêta rapidement le reste du groupe.

Demain pour sûr, il y aura encore davantage de femmes à joindre les rangs de celles déjà conscientisées pour continuer cette lutte de tous les instants contre l’oppression sous quelle que forme que ce soit, contre toutes les aliénations dont elles sont victimes jusqu’à ce que se fasse de façon équitable, autour de la table d’une humanité redéfinie, le partage du pain de l’égalité des sexes, de l’égalité de tous, pour l’honneur et le respect de tous.

Il prendra de très longues années pour combler ce fossé qui sépare la persistante incompréhension et l’égoïsme masculins du merveilleux féminin. Mais tu t’es déjà réveillée de ta résignation multiséculaire, femme-saison nouvelle. Et nul ne pourra te faire retourner aux temps maudits où une société lourdement machiste et sexiste te considérait pour moins que tes extraordinaires qualités et ton infini potentiel.  Du silex de ton courage a depuis quelque temps déjà jailli l’étincelle qui a allumé les feux de ta libération. Une vraie, pour une solidarité humaine nouvelle, pour une aube neuve, pour une célébration permanente du merveilleux féminin.

Hier, aujourd’hui et demain, mêmes luttes, même espoir, même libération pour toi, femme-rayon-de-soleil, dont la voix de plus en plus forte et juste est un éternel cantique des cantiques pour la célébration de la belle amour humaine.

11 mars 2018

 

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