Hanin Zoabi : « Israël est le seul pays à ne pas être choqué ou effrayé par Trump »

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Zoabi, 47 ans, première femme palestinienne élue sur une liste arabe à la Knesset en 2009. Photo David Levene pour le Guardian

Hanin  Zoabi, l’une des quatorze Palestiniens d’Israël, membres de la Knesset, sur 120 au total, s’est fait cracher dessus, malmener et même suspendre du Parlement. « Je m’y suis habituée [à cette violence] », dit-elle. « C’est en partie parce que je suis une femme, ne l’oubliez pas. Pour certaines personnes, il est normal de se fâcher contre une femme, quand elle ne répond pas à leurs attentes à propos du comportement d’une femme. »

Zoabi a été longtemps confrontée à un risque d’expulsion. En fonction d’une loi adoptée l’été dernier, un membre de la Knesset peut être expulsé pour « incitation au racisme » ou pour « soutien à la lutte armée », si 90 des 120 députés soutiennent une telle démarche. Les associations des droits civils ont déclaré que la loi ciblait les membres palestiniens du Parlement, dans une tentative de les réduire au silence. Isaac Herzog, le dirigeant du Parti travailliste, a décrit cette législation comme une « tache noire dans le visage d’Israël ». Zoabi l’a qualifiée de tentative d’« assassinat politique ».

« Nous sommes des membres du Parlement. Nous ne jetons pas des pierres, nous ne sommes d’aucune résistance armée. Nous parlons. Et c’est ce qu’Israël a criminalisé », dit-elle. Zoabi, 47 ans, était la première femme palestinienne d’Israël à être élue sur la liste d’un parti arabe au Parlement lorsqu’elle a remporté un siège en 2009. Environ 20 % des citoyens israéliens sont palestiniens. Nominalement, ils ont des droits égaux, mais sont confrontés à une discrimination institutionnalisée – par exemple, dans le financement des écoles (qui sont séparées pour les Juifs et pour les Palestiniens) et dans le secteur des emplois publics. Elle a grandi à Nazareth, où elle occupe toujours un appartement dans la maison de ses parents, et elle a étudié la philosophie à l’Université de Haïfa – l’une des rares villes mixtes d’Israël.

Sa notoriété s’est brusquement accrue lors de sa participation à une flottille de navires qui tentaient de rompre le blocus de Gaza, en mai 2010 et qui avaient été interceptés par les forces israéliennes. Neuf militants propalestiniens avaient été tués. Zoabi, qui était à bord du navire principal, le Mavi Marmara, avait été le témoin de cette violence.

Le scandale provoqué en Israël par cette participation n’allait pas diminuer son engagement militant. Au début de ce mois, elle et d’autres personnalités politiques palestiniennes d’Israël sont allées protester dans un village bédouin du Néguev, Umm al-Hiran, quand les forces israéliennes ont participé à une opération de démolition destinée à faire de la place pour la construction d’une nouvelle ville juive. Un Bédouin y a perdu la vie, de même qu’un policier, qui a été tué par une voiture qui l’a heurté. Zoabi et ses collègues députés sont désormais confrontés à des demandes d’enquête pour incitation. « Ce qui se passe à Umm al-Hiran, c’est une expulsion, c’est de l’apartheid, c’est du colonialisme », dit-elle. « Les Palestiniens doivent faire face à une expulsion politique de la Knesset et à des expulsions physiques dans le Néguev. »

Israël, dit-elle, veut « refermer le dossier » de demande d’un État par les Palestiniens. Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, « déplace le paradigme : de la gestion de la crise, il passe à la résolution de la crise – mais sa solution est une solution unilatérale au seul profit des intérêts d’Israël. Quelque chose a changé, dans les esprits des Israéliens : les Palestiniens ont cessé d’exister. Les murs ne sont pas que physiques, ils sont également psychologiques. »

Cette disposition d’esprit est renforcée par le nouveau président US, dit-elle. « Donald Trump peut sembler bizarre et unique pour une grande partie du monde, mais pas pour Israël. Son genre de populisme et son style de discours violent constituent le modèle dominant, en Israël. Israël est le seul pays à ne pas être choqué ou effrayé par Trump. Au contraire, Netanyahou et Trump représentent le même modèle. »

Si Trump suit sa promesse électorale d’aller installer l’ambassade US à Jérusalem, ce qui signifiera son soutien à la prétention israélienne de considérer la ville comme sa « capitale éternelle et sans partage », il devrait y avoir de « fortes réactions », explique Zoabi.

Zoabi a déclaré que l’interdiction pour les ressortissants de certains pays musulmans d’entrer aux USA  était une formalisation dangereuse de l’islamophobie. « Cette haine n’a rien de nouveau, elle fait partie de la culture mais, aujourd’hui, elle se transforme en politique. Elle devient une partie de la norme qui tolère que l’on parle avec haine des musulmans sans en éprouver la moindre honte », a-t-elle ajouté.

Elle aimerait voir un mouvement populaire pour les droits civils, avec des Palestiniens descendant dans les rues, des commerces fermés en guise de protestation et l’Autorité palestinienne se dissolvant afin de forcer Israël à prendre ses responsabilités « en tant que force d’occupation ». Mais la communauté internationale – l’Europe, et la Grande-Bretagne en particulier – doit également agir, ajoute-t-elle. Israël ne devrait pas être en mesure d’étendre en toute impunité ses colonies à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. « Si vous violez les lois internationales, vous devez en payer le prix. » Zoabi aimerait voir des sanctions gouvernementales et un boycott – « Pouvez-vous imaginer une protestation moins violente qu’un boycott ? »

Au sein de sa communauté, dit-elle, il n’était plus « à l’encontre de la norme [pour les femmes] d’être actives dans la direction de luttes politiques. Cela n’a rien d’inhabituel. Dans la société palestinienne, il y a plus de femmes que d’hommes avec des diplômes universitaires. Les femmes sur les lieux de travail ne sont pas inhabituelles. Des femmes indépendantes, choisissant de poursuivre une carrière, retardant le mariage ou ne se mariant pas, ayant moins d’enfants – voilà une chose que l’on voit de plus en plus. Ce n’est pas une société conservatrice de façon stéréotypée. » Elle a fait campagne contre des problèmes comme la polygamie, la violence domestique et ce qu’on appelle les crimes «d’honneur ». « Nous avons eu quatre manifestations, l’an dernier, qui ont été largement soutenues. Je ne me situe pas dans la marge, dans cette question – je suis dans le consensus. »

Zoabi espère être un exemple pour les femmes palestiniennes plus jeunes : « Vous devez vous engager pour les choses en lesquelles vous croyez. Si vous n’obtenez pas de résultats directs dans l’immédiat, cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas d’aboutissement. Peut-être pas pour vous, mais bien pour une autre génération. »

Le mois dernier, Zoabi a participé à une manifestation de parlementaires et de fonctionnaires féminines à la Knesset après que deux assistantes s’étaient vu interdire l’entrée pour avoir porté des vêtements qui n’étaient pas assez « modestes ». Du coup, le code vestimentaire a été assoupli. « C’était si stupide – mais, parfois, vous vous sentez vraiment puissante », dit-elle. « Je souhaiterais précisément que la Knesset se soucie autant de la liberté qu’elle se soucie des tenues vestimentaires des femmes. »

 

The Guardian 30 Janvier 2017

Traduit par  Jean-Marie Flémal

Tlaxcala 7 Février 2017

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