Fabrice Rouzier (Port-au-Prince, 1967)
« Un musicien entreprenant »
Ce musicien entreprenant a émergé à l’avant-scène musicale des décades exploratrices des années 1980, 90; ayant débouché sur la mouvance dite: Nouvelle Génération. Keyboardiste au jeu orchestral et impromptu imprégné de flair, né d’une famille d’oligarques qui ont fait leur marque que ce soit en politique, sport et musique. Son grand-père fut un carriériste de la politicaillerie haïtienne qui eut à déclarer sous Borno : ‘’ Mwen tèlman gen pouvwa mwen wont…’’. Alors qu’un autre fameux consanguin s’est acquitté avec son « Jazz Rouzier », dans des approches influencées par les paramètres d’outre-mer. Tandisque son père Gérard Rouzier fut tour à tour, président de la Fédération Haïtienne de Football, vice-président de la Concacaf, ministre de la jeunesse et sports sous la dictature de ‘’babydoc’’. Quant à son frère ainé Daniel un réactionnaire endurci, il a occupé le poste de consul honorifique de la Jamaïque, avant d’être désigné premier ministre pressenti du gouvernement ‘’Grenn nan bounda’’ de Sweet-Micky, pour être rejeté par d’autres rivaux sanguinaires de la même trempe; trop effrayés de sa tyrannie.
C’est sans doute à cause de tant de connections que “Ti-Fabrice” s’est toujours fait discret et même humble. Et cela dès son ascension dans la deuxième moitié des années 1980. Donc pas question de sport ou de politique pour quelqu’un qui fut initié à la musique dès l’âge de quatre ans par sa grand-mère Marguerite Borno qui lui inculqua des premières notions du piano. C’est ainsi que chemin faisant, il continue à apurer ses héritages d’enfant rassasié. Tout en côtoyant des ainés comme: Régi Policard, Mushi Widmaier, Tira Denis; apprenant son métier sur le tas. Jusqu’à faire son apparition à travers le projet collectif:’’Shap # 2’’, au sein d’un quator composé de Kéké Bélizaire, Richard Barbot et Arius Joseph dans un drôle de « Djakout Mizik », qui expérimentait d’autres genres musicaux et n’avait pas encore goûté à l’hameçon du konpa. Entre d’autres chevauchées, il a collaboré au lancement de Emelyne, a donné la réplique aux: « Caribean Sextet », « Boukman », « Sakaj », « Djanm ».. Et surtout a donné le coup d’envoi à la carrière musicale de ‘’Mr. Merde’’ alias’’ sweet micky’’(il s’était auto-proclamé papa kaka), alors peu fréquentable et dont il a bien pistoné les débuts pour les raisons de la cause. Avant qu’il prenne d’assaut sous la bénédiction des Clinton les ruines du palais national.
A l’étape successive, il est appelé à rallier le « Tabou Combo », alors en état de grâce, pour venir remplacer le keyboardiste Ernst Marcelin qui vient d’être assassiné. Une transition qui a bien pesé dans la balance pour Fabrice qui s’est bien aguerri au contact des ‘’Super stars’’; parallèlement à ses études administratives à Washington. La phase-Tabou Combo ayant subitement pris fin, il retourne au bercail pour s’adonner aux affaires familiales, un peu de sport, de la politique et beaucoup de musique. Il en profite pour rassembler le groupe « Mizik Mizik », flanqué de son inséparable Kéké et de Emmanuel Obas entre autres. Tout en s’en allant ‘’De ger’’ (le titre de leur album}, dans une époque correspondant au coup d’état de 1991. Laquelle va devenir le slogan favori des militaires et paramilitaires qui mettaient le pays sens dessus dessous. C’est ainsi que Fabrice et Co. ont régné en fanfare dans un temps où le « Mizik Mizik » a bénéficié des multiples retombées. Bien qu’en fait la musique restait sans repères.
Dans l’intervalle, c’est le retour à la démocratie et le groupe obtient son premier succès dans le morceau: ‘’Black-out’’ qui a constitué l’entrain ambiant de l’ère débauchée de René Préval 1, qui leur fut bien favorable. En effet, sur un air de anbatonèl (Twoubadou), qu’avait propagé dans les années 1980 les: Althierry Dorival, Les frères Dodo, les 7 vedettes, Konpa Kreyol de Mariani ou Kod, Mario de Volcy qui ont trimé pour revaloriser ce genre rustique bien de chez nous dit aussi graje. Mais, qu’un groupe de citadins avec toutes les possibilités et avantages disponibles ont tiré leur marron du feu. Et dont Fabrice s’est situé à la tête d’un renouveau urbain, pour remettre sur les rails jusqu’au début de ce millénaire le mouvement “Haiti Twoubadou”, sponsorisé par toutes les multinationales. Et qui a fait effet boule de neige au pays et toute la diaspora. En fait, les ressources de Fabrice ne tarissent pas, tout en se taillant une renommée enviable dans le milieu du spectacle et mondain en général; moyennant un talent multiple de: Pianiste, claviériste, accordéoniste, arrangeur, producteur, chef d’orchestre, ingénieur de sons (possédant son propre studio d’enregistrement au Bois- Morquette).
Et aussi de ses connections assurées au sommet de la minable société d’Haiti (l’élite la plus répugnante du monde), au sein de laquelle, il s’efforce de faire son va-tout. Produisant des artistes tels: Jude Jean, Tifane, Belo etc. En 2006, on l’impose comme directeur musical pour le “Concert pour la paix’’, organisé par l’O.E.A. Avec entre temps, bien du pain sur la planche comme fonctionnaire de la Sun Auto S.A, qui est le distributeur exclusif en Haïti des voitures de : General Motors, Honda, Hyaunday. Toujours bien lotis, Fabrice continue partiellement sa randonnée musicale, car par le temps qui court, il n’y a pas urgence en la demeure. De plus, les affaires restent les affaires. Bien qu’il continue à être l’objet de sollicitations de ses pairs artistes qui continuent à réclamer son expertise. Tout comme récemment comme directeur musical des girls de Yole Dérose pour la présentation de:’’Haiti, Coeur de femme’’. Car, ce musicien à fleur de peau, et claviériste au phrasé pluriel, impulse bien sa marque, fort d’un style qui s’adapte à tous les coups. Et s’active sur tous les fronts: en musique, en affaires et en politique. Ce qui ne l’empêche pas d’être l’un des divulgateurs modernes des cordes frappées et pincées qui l’ont imposé en accommodateur épanoui du milieu ambiant.
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Jean Brutus Dérissaint (Fonds Parisien, 1958)
“Un leadership prouvé’’
Jean Brutus Dérissaint pour sa part demeure l’un des contributeurs des sonorités des mid-80’s, au moment où le pays a constitué un vaste champ d’exploration en proie aux sonomètres fortificateurs. L’aventure a débuté comme sur un coup de dés. Lorsque deux copains épris de musique; en l’occurrence Gary Didier Pérez (vocal) et Brutus Dérissaint (guitare-vocal), s’allient à Patrick Martineau (synthé-guitare) pour la formation d’un petit groupe de quartier. Ensemble, ils commencent par expérimenter diverses résonnances environnantes, principalement le zouk qui faisait rififi dans les remparts. De passion en vocation, dès l’année 1989, c’est le tour des studios et le projet finit par prendre corps auréolé du nom de « Zenglen ». A ce palier, ils sont rejoints par Jean Edwin St.Vil au synthé et Enock Dugué à la basse. Evidemment, leur premier opus:’’An nou alèz’’ est rompu de hits incontournables tels: Michaela, Ou te mèt ale, Tanbou nou, Trahison, Souvenir, Kite m et Fidel, qui furent autant des stances de la nouvelle génération,
Voilá comment le groupe cher à Brutus s’est emmené avec une musique imprégnée de fraicheur, au gré d’un lyrisme florissant et dynamique:’’ Se konsa lavi a ye, /Lè ou vle met chanjman/Rezistans tèt chaje’’. Prenant d’emblée la scène musicale alors chasse gardée des: Sakaj, Papash, Skandal, situés dans la même filiation et, approvisionnés en synthés-electro. Cependant, l’ensemble brûla vite les étapes et connut bien des bouleversements. En plus de l’atmosphère puante du coup d’état de 1991 qui n’arrangea pas les choses en empoisonnant le milieu des divertissements. Après la débandade au pays, J.B.D a ramassé les morceaux et s’en est allé en Floride afin de colmater les brèches. C’est ainsi qu’au ‘’Sunshine state’’, le bâtisseur Jean Brutus a remis sur pied un « Zenglen » rénové en ‘’full-band’’; ralliant avec lui des bolides comme: Tipolis, Ernst Benjamin, Eddy Germain, James Nozile, Ralph Ménélas, Gracia Delva et surtout les pilliers Nicky Prud’homme et Richie Hérard. Sans oublier une section cuivrée constituée de Nicolena (Sax-flute), Diaz (Trompette), Zabala (Trombone). Tout en gratifiant de quelques productions en solo, titrées:’’X-tra by Brutus’’.
Et c’est dans un konpa fleuri de ressources inventives et vachement modernes, gratifié par un ensemble devenu irresistible; pondant des productions à succès: Easy konpa, Let it groove (Ah bon d’accord), Do it right (Nou pèdi fren). Cependant, le « Zenglen » continue à naviguer entre remous et péripéties avec le désistement de certains, et l’expulsion du chanteur Delva ne fut pas pour arranger les choses. Malgré tout, Brutus retroussa les manches puisque supporté par Richie, lequel entre temps est devenu la pièce tournante du groupe; de même que Nicky. Malgré tout, le « Zenglen » prit de la bouteille avec les intégrations du guitariste ”Elpozo’’ et d’un duo impeccable de chanteurs composé par R. Cangé et Fréro Jn. Baptiste. A ce Carrefour, leur production s’est majorée dans l’œuvre:’’Nou ka jere tisa a’’. Pourtant, le groupe n’était pas au bout de ses peines avec le désistement de ses chanteurs et la perte de son harmoniciste Nicky qui allèrent muter ailleurs. Il est vrai que l’opus:’’5eme vitesse’’ fut moins attrayant par rapport aux précédents.
Toujours rompu aux avatars, le « Zenglen » fit ensuite face à la crise la plus aiguë de son existence avec le départ de sa vedette emblématique et de son compositeur-arrangeur fétiche, Jean Richard Hérard. Mais, comme le phoenix retentissant et renaissant, Brutus s’est replié pour mieux rebondir dans deux œuvres qualitatives. Dans la mesure qu’elles tendent ? perpétuer une marque musicale qui s’est bien installée dans le cœur des mordus du bon konpa. Laquelle JBD a su imposer avec révérence à travers alizés et marées. A l’aurore d’une trentaine d’années, ayant vu une succession de désistements, d’aller-retours, d’une kyrielle de talents divers et, de refondations qui ont consolidé les bases orchestrales de la bande à Brutus laquelle bien qu’ayant fait des mues, il s’est affermi.
Tout cela, à la faveur et perspicacité du maestro Brutus; toujours au poste ‘’Toujou anlè bato a’’, pour conjurer la tétanisation de « Zenglen ». Continuant à silloner les multiples allées d’hier à aujourd’hui, bien flanqué des fidèles: James Nozile, Eddy Germain, Nicolena; de l’intégration de Yves Abel, Keney Cénat , Bato, du retour du vocaliste Fréro fort de son timbre achevé et la venue du talentueux chanteur Wid Octavius tout imprégné de ses tics félins. Pendant que Brutus Dérissaint veille aux grains pour tenir au chaud un patrimoine musical qui n’en finit pas de faire des vagues.
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Nickenson Prud’Homme (Port-au-Prince, 1976)
“La touche céleste’’
A chacun son temps et sa marque. C’est ce dont Nicky a su faire sien en dominant l’arène des claviers parmi les groupes ambiants qui partagent les espaces des sonorités périphériques. En effet, claviériste au doigt agile et intelligent Nicky s’est évertué sur la scène musicale, fort d’une harmonie, unique infuse de tournures schématiques et de paraphrases; pour s’installer en étalon superbe de sa génération. Ayant pris naissance dans une famille de musiciens, particulièrement entichés de la guitare. C’est pourtant les claviers qui vont l’attirer, lorsqu’il s’est attelé en autodidacte à sillonner les détours du keyboard d’un ami d’enfance. En 1991, il rallie un petit groupe de quartier du nom de « Explosif » dont il devient le maestro hatif. Et trois années plus tard, il intègre le « Djakout Mizik », au sein duquel il commence à se faire des muscles.
En 1996, il émigre en Floride où entre multiples boulots il se peaufine au Miami Dade College, pour prendre part au regroupement du groupe « Zenglen » au “sunshine state’’. A cette intersection, son art va atteindre un palier supplémentaire au sein d’un groupe gorgé de talents et de perspectives. A travers lequel il a su s’imposer comme pièce maitresse au gré d’une résonnance qui le campe en pourvoyeur de mélodies accomplies et des combinaisons techniques moyennant une touche colorée qui l’affublent d’un style tout à lui-même. Une habilité qui lui vaut le pseudo de “doigt céleste” de la part de ses pairs musiciens. Pour être convié dans tous les projets collectifs de la Floride et au pays. Avec le « Zengen », il a su mettre sa polyvalence en évidence; notamment comme chanteur malgré lui, arrangeur et compositeur épanoui. Octoyant des tubes tels: Our love is for ever, Se verite, et le sublime: ‘’Yon tibo ‘’ (une merveille musicale), entre autres. Et le campent en expert patenté du konpa et autres paramètres environnants.
En 2005, alors au sommet avec « Zenglen », il sort une production en solo: ‘’Première danse…’’, qui devient un succès spontané, nanti de hits comme: Zanmi, Deception, Si yon jou, bel melodi, Fèt etc. Fort de l’apport de l’incontournable Dener Céide, de l’inévitable Shedley Abraham, de Yves Abel, du grandiloquent Richie. Lequel va lui ouvrir très grande la porte des Antilles françaises. Cela lui valut d’être sollicité par des artistes du zouk dont il est aussi un spécialiste comme: Leila Chicot, Warren, Princess lover, Milca, Ali Angel. Subséquemment, il finit par laisser le « Zenglen » pour aller former son propre groupe. C’est ainsi qu’à la fin de la première décade de ce millénaire, apparut l’étonnant « Harmonik », lequel a pris au dépourvu les irréductibles du konpa moderne de part sa musique hip et balancée, comme une bouffée d’air frais.
Avec « Harmonik », c’est un son tout à fait contagieux qui nous est offert. S’alliant au guitariste-vocaliste Sanders Solon lequel possède la clef des cordes dans un style épatant, et du fabuleux chanteur Mc D avec ses exentricités vocales au gré d’un falsetto feutré, d’un registre élastique et une musicalité imperméable. Pendant que Nicky s’adonne à tous les manèges symétriques. Autant que le premier cd: ‘’Jere’m’’, avec ses hits fantastiques, ses gammes multi-colorées à la manière d’une splendide mosaïque de sonorités jeta le pavé dans la mare. Tandis que l’œuvre #2: “Let’s go’’, tout à fait up-tempo, avec des morceaux bien adaptés et des démarches en cross-over fut autant acclamée. Alors que la 3eme:’’Diferan’’ claudiquée tout en turn-over ne fit pas l’unanimité. Cependant, la toute récente: ‘’Degaje’’ leur a permis de retrouver leurs références.
Spécialement dans des tournures de front: dramatique, excitante et modérée. Sous l’entrain de claviers élaborés, dans des envolées tout en glissando. Des guitares expressives, propulsant des cordes tout en arpèges. Une voix exprimant des sensations plurielles, injectée d’incessants chorus exaltés. Un rythmique florissant, orné de cuivres pittoresques. Tout ça imbibé de tendances hip-hop aux explorations ardues. Sur fond d’arrangements et de modulations sur mesure. Tout compte fait, c’est la marque ‘’Nicky’’ qui nous est servie, au comble du jeu le plus dominant en plus inédit de keyboardistes de groupes modernes. Une technique parée d’aplomb et de virtuosité, tout en se permettant des envolées impromptues et attrayantes, que sont les contours d’un maestro confirmé.