Haïti: Entre la Médiocratie et la Banditocratie

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La situation de dégénérescence des masses populaires du pays a presque atteint un niveau d’irréversibilité.

« Dans une société fondée sur le pouvoir de l’argent, dans une société où les masses laborieuses végètent dans la misère, tandis que quelques poignées de riches ne savent être que des parasites, il ne peut y avoir de “liberté ” réelle et véritable »

Jamais de toute son existence, que je sache, un peuple n’est descendu si bas. Avec le passage douloureux de cette « équipe de dévoyés » au sommet de l’État, les Haïtiens ont presque tout perdu. Il leur faudra plus d’un siècle pour réécrire les mots « souveraineté », « indépendance » et « honneur » sur la grande muraille des exploits épopéens  de Vertières. Plus d’un siècle, disons-nous, pour recommencer à fredonner les paroles sacrées de l’Hymne au drapeau d’Édouard A. Tardieu.

La lutte pour garantir et conserver la « Liberté » de nos compatriotes demeure à la fois un combat contre le néoesclavagisme et le compradorisme. Elle ne sera pas facile à gagner.

Dans le contexte de la politique internationale, c’est la capacité de nuisance militaire d’un État qui lui vaut le respect des puissances dominatrices. Les États-Unis, la France, la Grande Bretagne, l’Allemagne, l’Italie, etc., utilisent entre eux le langage de la « négociation ». Ces puissances évoquent souvent la nécessité de se réunir autour d’une « table de discussion ou de concertation » pour régler les différends qui les opposent. Par contre, ces belligérants occidentaux n’utilisent pas de « stratégie diplomatique » avec des pays qui ne détiennent aucun « savoir technoscientifique » dans le domaine des armes nucléaires tactiques. Si le mythomane politicien George W. Bush prit la décision le 20 mars 2003 de détruire la civilisation irakienne et de faire pendre Saddam Hussein sur la place publique, c’est parce que le « sadique » savait que Bagdad ne maîtrisait pas les techniques qui lui auraient permis d’enrichir l’uranium. Au moment où nous rédigeons cette réflexion, aucun pays de la planète, qu’il se nomme les États-Unis ou l’Allemagne, ne commettrait l’imprudence, ne courrait le risque fatal d’agresser la Corée du Nord qui progresse considérablement dans ses recherches sur les bombes à fission et à fusion. Kim Jong-un de la Corée du Nord, en Asie de l’Est, n’a-t-il pas compris que, – pour ne pas finir comme le colonel Mouammar Kadhafi ou le président Saddam Hussein –, il faut qu’il soit lui-même capable de représenter une menace imminente pour les « destructeurs d’Hiroshima  et de Nagasaki ». Le progrès nucléaire dans le cercle vicieux de la mondialisation devient une arme de dissuasion et de survie. Les pays occidentaux ont fait montre d’une patience indescriptible dans les « négociations » pour convaincre l’État iranien de renoncer à ses ambitions en matière de fabrication d’armes de destruction massive à partir de l’énergie nucléaire.

Les relations entre les États-Unis et la République d’Haïti ont été installées dès 1804 sur des rails de domination hégémonique. La révolte des esclaves qui a mené à la proclamation de l’indépendance est passée au large des rêves de grandeur des fondateurs de la patrie. Les héros voulaient ériger une Nation forte, capable de résister aux vagues de la servitude sociale et politique prônés et entretenues par le bonapartisme en Amérique. Mais l’occidentalisme esclavagiste et féodal, rusé comme le renard de la fable, a joué contre nous, leurs descendants, la carte de la périclitation financière et économique. Tout laisse supposer que le « Diable » remportera son pari. À moins d’un revirement spectaculaire. Ce qui n’est pas impossible. En 1915, le gouvernement de Woodrow Wilson a forcé les coffres qui contenaient les réserves d’or du pays. Le faucon du Nord a tout volé. Les États-Unis d’Amérique cherchent à maintenir la République d’Haïti dans un état permanent de dégradation sociale et de décadence économique, qui engendre une situation de pauvreté exponentielle. La situation de dégénérescence des masses populaires du pays a presque atteint un niveau d’irréversibilité.

Et pourtant, c’est grâce à l’esprit de solidarité et d’entraide du peuple haïtien que le Venezuela, la Bolivie et bien d’autres régions de l’univers sont arrivés à croiser le regard de leurs anciens « maîtres », sans baisser les yeux. Comme avait l’habitude de dire ma grand-mère Eliza, sur ces os jetés au bord du chemin, il y avait de la chair…!

Éric Jean-Baptiste, homme d’affaires, héritier du mouvement politique de Lesly François Manigat, le Rassemblement des démocrates nationaux progressistes (RDNP), se compte parmi les dernières victimes de l’insécurité.

Depuis quelques années, l’internationale néocoloniale se sert de la prolifération et de la présence des gangs armés à travers le pays pour miner la capacité de résistance des habitants des bidonvilles. Elle les a assujettis à une situation de précarité existentielle de plus en plus désespérante. Les couches de la société haïtienne touchées par la misère pensent non solum à se révolter, sed estiam à fuir. Et tout autant qu’il existera un « ailleurs » en opposition à  cet « ici » dégueulasse, les misérabilisés ne changeront pas d’avis. Pour eux, aujourd’hui encore, le salut passe par le Brésil, l’Argentine, le Chili, le Mexique, pour aboutir finalement aux portes inexpugnables des États-Unis.  Ceux-là qui choisissent l’option de s’en aller ne reviendront pas. D’ailleurs, ils savent qu’il existe dans chaque coin de rue un mystérieux «Izo », un sadique « Lanmò san jou » et un répugnant « Ti Makak » qui les attendent avec des fusils mitrailleurs M60 pour faire exploser leur cervelle. Tout ceci fait partie du complot des impérialistes contre la Nation haïtienne.

Il sera difficile pour la Minustah de Sandra Honoré, le Binuh de Helen La Lime de prouver qu’ils n’ont pas été effectivement en mesure d’aider la police nationale à élucider et à freiner  le phénomène de banditisme qui étrangle surtout les riverains de Port-au-Prince. Vous avez sans doute remarqué qu’aucun fonctionnaire de l’ambassade états-unienne n’est venu expliquer de façon plausible comment un sale tueur à gage qui portait le sobriquet de « Tèt kale » avait-t-il pu décrocher sans difficulté un visa pour se rendre aux États-Unis avec sa petite copine? Alors que de paisibles citoyens, des étudiants et même des politiques honnêtes échouent à ce niveau. Le consulat général des États-Unis enlève les visas des passeports des « militants engagés » qui défendent les intérêts des pauvres, pour les redistribuer aux voyous de la pègre de Grand Ravine, Village de Dieu, Savane Pistache, Martissant, Croix-des-Bouquets… financée par des Organisations non gouvernementales (ONG), des Groupuscules politiques corrompus (GPC), et un petit lot de « commerçants minables du bord de mer » (CMBM) qui se rangent derrière Ariel Henri, le médecin charlatan, la marionnette des États proesclavagistes, qui prépare le retour des premiers « charognards » au palais national.

Nous craignons que l’histoire, dans sa marche lente et précise, ne vienne demain établir une quelconque relation entre la Minustah, la Minujusth,  le Binuh et l’existence des gangs armés dans les milieux bidonvillisés et populeux. Ce ne serait pas souhaitable pour cette « organisation » de façade qui, de complicité avec la France, a laissé massacrer environ 1 million de Tutsis au Rwanda, du 7 avril 1994 à juillet de la même année. Il faut noter que les enquêteurs policiers refusent de rendre publiques les révélations faites par les bandits appréhendés. Les procès-verbaux dressés dans le cadre des interrogatoires menés par la police ne reflètent pas l’ « authenticité des témoignages confessionnels » recueillis de la bouche des individus impliqués dans les meurtres qui endeuillent les familles. Le contenu de ces documents douteux se place loin de la réalité.

Le banditisme s’est institutionnalisé durablement à Port-au-Prince. Des citoyens sont kidnappés ou assassinés tous les jours. Éric Jean-Baptiste, homme d’affaires, héritier du mouvement politique de Lesly François Manigat, le Rassemblement des démocrates nationaux progressistes (RDNP), se compte parmi les dernières victimes de l’insécurité. Les adolescents et les jeunes adultes exposés aux conséquences fâcheuses de l’inculture et du chômage chronique louent leurs bras criminels et leur esprit satanique aux mafiosi locaux et étrangers qui profitent largement de la faiblesse du système de sécurité politique, législative et judiciaire. L’armée ayant été dissoute par les États-Unis, les membres des gangs des quartiers de promiscuité sociale ont remplacé les militaires qui agissaient dans l’ombre sur le terrain de la criminalité institutionnelle, dont la plupart astiquaient les bottes du colonel Jean-Claude Paul affecté aux casernes Dessalines. L’équipe du Parti haïtien tèt kale (PHTK) était revenue au pouvoir avec Jovenel Moïse, dans le but aussi d’aider Washington, Ottawa, Paris à cacher les « squelettes des horreurs » qu’ils gardent dans les armoires de l’occupation militaire de 2004.

Du 30 septembre 1991 à aujourd’hui, les « États mafieux », qui ont concocté le putsch sanglant contre le pouvoir aristidien, ont commis en Haïti des atrocités hitlériennes et des abominations mussoliniennes. Ils ont humilié, souillé, maculé la pudeur et l’honneur des femmes, des filles et des garçons. La plupart des brutes qui sont repartis dans leur pays d’origine ont laissé derrière eux une multitude de bébés sans père, qui vivent et grandissent dans la privation quasi absolue. Et nous aurions pu remonter jusqu’au 7 février 1986. Les États-Unis, la France et le Canada font payer aux masses urbaines et rurales l’exploit monumental qu’elles ont réalisé en chassant l’équipe des Duvalier et des Bennett.

L’ex-président Prosper Avril n’est-il pas un produit corrompu d’une certaine « mafia politique » internationale? Nous avons déjà rappelé que c’est sous le gouvernement de facto de ce « général » délinquant  – aussi rusé que le renard de La Fontaine et plus féroce que le loup de Gubbio apprivoisé par Saint-François d’Assise –  que les « escrocs militaires » ont monté le vaste réseau de vol qualifié, de viol collectif et d’assassinat qui est solidement implanté dans  les régions départementales du pays. Plus particulièrement dans l’Ouest. Les gendarmes de Prosper Avril, de Daniel Narcisse et du sergent analphabète Hébreu volaient, pillaient, violaient, tuaient au vu et au su des missions diplomatiques et de la nonciature apostolique. Il avait fallu encore une fois la mobilisation des masses populaires pour stopper les élans terrorisants de cet « Attila, le fléau de Dieu ». Prosper Avril, sans nul doute, passera dans l’histoire comme étant le « père de l’État banditocratique » qui continue de détruire la Nation haïtienne.         En Haïti, nous constatons avec regret que le chômage et la misère poursuivent l’œuvre déshonorante d’atrophier le cerveau, d’enlaidir l’esprit et de ralentir l’intelligence des « universitaires déclassés ». Ces tristes individus ne se rendent même pas compte qu’ils se promènent dans la laideur de leur âme, dans la honte de leur orgueil et dans la nudité de leur conscience. Ils sont devenus, pour ainsi dire, des « sous-hommes » et des « sous-femmes » méconnaissables, au service du néocolonialisme et de la bourgeoisie compradore.

Il n’est aisé pour quiconque, disons-nous, de tracer une ligne de trajectoire prévisionnelle en rapport au devenir de l’être haïtien. L’espèce est menacée. Comme les animaux de la préhistoire. Comment cette Nation amputée de ses jambes, – d’abord par 29 ans de dictature politique, et ensuite par 36 années de transition politique chaotique et désordonnée –, arrivera-t-elle à se relever pour se remettre finalement à avancer droit devant elle, en direction du « Rêve » porté par ses ancêtres légendaires?

La République d’Haïti tourne comme une toupie dans le cercle des turbulences dissipatives. Elle est en train de couler dans un océan de cruauté, de corruption, de nullité, de médiocrité, d’incompétence, d’irresponsabilité, d’immobilisme des opportunistes de tous bords, de tous côtés, de tout poil, qui ont investi la scène politique. Il faut la remonter avant qu’elle perde le dernier souffle qui fait encore battre faiblement son pouls.

Robert Lodimus

 

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