A la suite des événements du 6 janvier et de l’attaque des manifestants pro-Trump contre le Parlement fédéral à Washington, entrant avec le drapeau des confédérés au Capitole, Initiative Communiste est heureux de pouvoir publier cette interview exclusive de John Catalinotto, journaliste du Workers World, journal du World Workers Party (USA) réalisée pour IC par la commission internationale du PRCF le 7 janvier 2020. L’occasion d’entendre une analyse selon le point de vue des travailleurs – un point de vu totalement censuré par les médias du Capital – sur l’évolution actuelle de la situation aux Etats-Unis
Initiative Communiste : Selon vous, M. Trump était-il fondé à remettre en question le résultat de l’élection ? La légitimité de Biden est-elle contestée par l’opinion publique ?
John Catalinotto (JC) : Plus encore que dans d’autres “démocraties” impérialistes, les élections aux États-Unis sont biaisées en faveur du grand Capital et dominées par l’idéologie de la classe dirigeante et le racisme. Lors d’une élection ici, la classe ouvrière choisit l’agent de la bourgeoisie qui la représentera et la réprimera, sans même une alternative réformiste. Cependant, il n’y a absolument aucune preuve qu’il y ait eu manipulation du vote au profit des candidats démocrates. Au contraire, il y a eu une tentative des Républicains d’éliminer le droit de vote pour les secteurs principalement afro-américains, latino-américains et indigènes, qui sont plus susceptibles de voter démocrate. Pour faire une réponse courte à la première question donc : non.
Une grande partie des personnes qui ont voté pour Trump croient à son Gros Mensonge, qu’il n’a cessé de répéter, à savoir qu’il y a eu une certaine manipulation électorale. À la base de cette fausse croyance, il y a le racisme systématique et la tentative de priver de leurs droits les personnes de couleur, les immigrants, les anciens prisonniers.
Derrière la volonté d’accepter les mensonges de Trump et les explications les plus farfelues se cachent la perte de la domination relative de l’impérialisme américain dans le monde, l’aggravation de la crise de la société capitaliste, l’appauvrissement de nombreux travailleurs et la ruine de larges secteurs de la classe moyenne, ce qui conduit à une inégalité extrême et croissante. Cette année, tout est exacerbé par la pandémie.
l’avant-garde des “Trumpites” utiliseront la publicité sur leurs actions audacieuses pour recruter.
JC : Il est difficile de répondre à la première question : je dirais simplement que les organisations fascistes qui étaient à l’avant-garde des “Trumpites” hier utiliseront la publicité sur leurs actions audacieuses pour recruter. Cette journée soulève également la question de la loyauté des différents éléments de l’appareil d’État envers le Congrès. Les événements ont montré qu’un coup d’État (pensez à la Bolivie, novembre 2019) est envisageable. Pour une guerre civile, il faut deux armées. Ou une scission de l’appareil d’État.
IC : Y a-t-il un risque de guerre civile latente ou ouverte aux États-Unis ? Quelles sont les véritables forces socio-politiques que représentent les camps “démocrate” et “trumpiste” ?
Trump et les démocrates représentent tous deux la classe dirigeante impérialiste américaine, par analogie avec Marine Le Pen et Macron qui représentent la classe dirigeante impérialiste française. En ce qui concerne les relations étrangères, Trump promeut la politique des États-Unis d’abord, mène des guerres commerciales avec la Chine, préconise de réduire la part de coût du pillage impérialiste qu’il partage avec ses alliés impérialistes de la Guerre froide (Allemagne, France, UE, Japon). Biden représente la poursuite de la stratégie de la guerre froide suivie par toutes les administrations républicaines et démocrates après la Seconde Guerre mondiale.
En interne, Trump promeut des attitudes ouvertement racistes et misogynes, promet des solutions “populistes” aux travailleurs mais a remis des milliers de milliards de dollars à la grande bourgeoisie. Les démocrates ont une composition diversifiée de militants et offrent plus de concessions à la classe ouvrière, mais bien moins que les partis sociaux-démocrates européens.
IC : Une force alternative progressiste peut-elle se développer aux États-Unis et les espoirs placés par certains dans Sanders sont-ils de pures illusions ?
JC : Nous espérons certainement qu’une force alternative pourra se développer ici. Le mouvement “Black Lives Matter”, qui a également reçu un grand soutien d’autres secteurs, notamment des jeunes travailleurs et étudiants blancs, en est un exemple. C’est aussi le début de l’organisation du travail dans certaines industries non syndiquées comme Amazon, Google, qui emploient de nombreux travailleurs. On pourrait s’attendre à la croissance d’un mouvement antifasciste ou antiraciste en réaction à ce qui s’est passé à Washington hier (6 janvier). Nous appelons à un tel mouvement.
Sanders est l’homme politique américain le plus proche d’un social-démocrate. Il a été un candidat crédible à la présidence. C’est ce qui lui a donné de l’attrait. S’il avait été nommé, presque toutes les forces progressistes des États-Unis l’auraient soutenu contre Trump. Une fois que la direction démocrate a forcé les autres candidats à s’unir derrière Biden, Sanders a abandonné. Il a fait de même en 2016 avec Hillary Clinton. En dehors de la lutte électorale, il n’est pas le leader d’un mouvement.
IC : Avec Biden au pouvoir, pourrait-il y avoir des changements positifs sur des questions internationales ?
Biden a soutenu toutes les guerres américaines, et il a même été plus hostile que Trump envers la Russie, tout aussi hostile envers la Chine.
JC : Il n’y a absolument aucune raison d’espérer des changements positifs. Il pourrait y avoir une tentative de rétablir les relations avec les alliés impérialistes des États-Unis en Europe et de cesser au moins d’insulter des continents entiers. Il pourrait y avoir des stratégies plus cohérentes. Son administration pourrait essayer de subvertir la Révolution cubaine en ouvrant des relations plutôt qu’en les fermant. Ses objectifs sont les mêmes. Biden vise lui aussi à maintenir l’hégémonie américaine, et il n’y a aucune raison de croire que sa politique sera plus efficace que celle de Trump. Biden a soutenu toutes les guerres américaines, et il a même été plus hostile que Trump envers la Russie, tout aussi hostile envers la Chine. Mais nous pensons que l’on ne peut compter ni sur le parti républicain ni sur le parti démocrate pour mener une politique étrangère pacifique.
Traduction de l’anglais JBC pour initiative-communiste.fr
8 janvier 2021