En hommage à Norman Bethune révolutionnaire, médecin du peuple méconnu

4 Mars 1890 – 12 Novembre 1939

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Le jeune Bethune en 1916 : diplômé médecin.

« Vous ne pouvez pas parler de l’humanité sans parler de la lutte des classes.
Je la prône, et le plus tôt le peuple la fera, le mieux ce sera »
Norman Bethune

Combien de lecteurs et lectrices de cette rubrique ont déjà entendu parler de Norman Bethune, savent qui il est et ce qu’a été sa vie exemplaire de médecin au service du peuple et de la révolution? Bethune, c’était le désintéressement, le don de soi, le symbole des valeurs humaines les plus élevées, une force morale indestructible à l’image de Che Guevara. Bethune et Che, deux «hommes nouveaux» qui n’ont jamais défendu d’autres causes que celle des exploités et des opprimés, des pauvres et des plus humbles de la Terre, et qui ont donné leur vie pour leurs idées.

Henry Norman Bethune est né le 3 mars 1890 dans la ville de Gravenhurst en Ontario, au Canada. Il est élevé dans une famille traditionnelle et très religieuse: sa mère une missionnaire presbytérienne, son père un ministre venant d’une famille canadienne bien établie. Reprenant la tradition grand-paternelle, il s’inscrit à l’école de médecine de l’Université de Toronto. Au bout de deux ans, il interrompt ses études pour s’inscrire, en 1911, au Frontier College, qui recrute de jeunes collégiens pour travailler le jour avec des bûcherons à la construction de chemins de fer et dans les mines, et le soir pour leur enseigner les rudiments de la lecture, de l’écriture et de l’arithmétique.

C’est son premier contact avec les conditions et mode de vie des travailleurs exploités, et il est déterminé à faire un succès de cette nouvelle expérience. En 1912, il termine deux autres années d’études médicales. Survient la première guerre mondiale; il se porte volontaire dans le corps médical des forces armées. Démobilisé en 1915, il retourne à Toronto compléter ses études  de médecine. Il est reçu chirurgien en 1923. Il se marie et déménage à Detroit, aux Etats-Unis. Une vie confortable et une carrière médicale réussie semblent  lui sourire.  Sa clientèle était en train de se consolider quand il est atteint de tuberculose.  Heureusement, il en réchappe grâce à un pneumothorax artificiel (technique introduisant de l’air dans la cavité pleurale, autour du poumon, avec pour effet son affaissement et sa mise au repos).

Norman Bethune était aussi un artiste. Il écrit sur la relation entre l’art et les réalités sociales ambiantes et sur le rôle de l’artiste en tant qu’agent de changement social: « L’artiste a pour fonction de déranger. Son devoir est d’éveiller les assoupis, d’ébranler les piliers de suffisance du monde. Dans un monde terrorisé par le changement, il prêche la révolution, principe de vie. Il est un agitateur, un trouble-fête, rapide, impatient, positif, turbulent et inquiétant. Il est l’esprit créateur de la vie travaillant dans l’âme des hommes.»

Norman Bethune, en Chine, en 1938, en compagnie de Nie Rongzhen, important dirigeant militaire communiste chinois (au centre) et d’un interprète. Rongzhen fut le dernier officier survivant de l’Armée populaire de libération avec le grade de maréchal. Décédé en 1992.

Développer uniquement ses talents d’artiste et exprimer ses idées ne lui suffit pas. Il aide aussi à promouvoir la créativité et l’expression personnelle chez les enfants en mettant sur pied une école expérimentale à ses frais et devient un activiste dans la lutte contre la tuberculose. Il avait été témoin, à Detroit, des disparités entre les services de santé disponibles pour les riches et ceux des pauvres. Au Canada (où il était retourné en 1928), il se rend compte du fossé entre les services disponibles aux Canadiens anglais et ceux offerts aux Canadiens français. En effet, entre 1930 et 1939, le taux de mortalité due à la tuberculose est, en moyenne, trois fois plus élevé au Québec (français) qu’en Ontario (anglais). Dès lors, il se bat pour enrayer la tuberculose et fait campagne pour une médecine socialisée qui fournisse des soins médicaux aux travailleurs pauvres et aux chômeurs.

En 1935, il participe en Union soviétique à un congrès international de physiologie. Il en profite pour visiter les hôpitaux, les cliniques et les sanatoriums. Il y découvre un système complet de médecine socialiste où les services de santé ne sont pas le privilège de nantis mais un droit de tout le peuple. La Grande dépression des années 30 amène au Canada pauvreté et un accroissement de maladies à un rythme sans précédent. Ce qui va porter Bethune à s’impliquer davantage dans les luttes menées par les masses populaires. Il intensifie les débats sur la question de la réforme et de la révolution, et élargit ses rapports avec des militants politiques de la gauche intellectuelle et du monde des chômeurs. Attiré de plus en plus par le communisme, Bethune entre dans les rangs du PC canadien en décembre 1935.

En juillet 1936, à la suite d’une révolte militaire, Franco instaure le fascisme en Espagne. Les Brigades internationales se portent au secours des forces républicaines espagnoles, dont 1200 Canadiens. Bethune est du nombre. Sur le champ de bataille il constate que plusieurs soldats meurent avant de pouvoir être évacués pour être opérés. L’urgence de transfusions sur le terrain même saute aux yeux. Le médecin organise alors une unité mobile de transfusion extrêmement fonctionnelle et efficace célébrée du reste dans le film Cœur d’Espagne. A la suite de la victoire des républicains à la bataille de Guadalajara (mars 1937), on lui demande de retourner au Canada pour annoncer la bonne nouvelle et mener une campagne de financement de  la cause.

Alors que le docteur Bethune termine sa série de conférences pour sensibiliser l’opinion canadienne à la nécessité de venir en aide à l’Espagne républicaine, les nouvelles abondent qui annoncent les nouvelles agressions fascistes japonaises, massives en Chine. Bethune décide alors de rejoindre Mao Zedong et la résistance chinoise autour de la ville de Yenan, au centre-nord du pays. Il explique à Mao comment des unités mobiles de transfusion sanguine et des opérations pratiquées directement sur le champ de bataille peuvent sauver jusqu’à 75% des soldats blessés. Mao approuve  le projet d’unités médicales mobiles dans les zones de guérilla.

Trois semaines plus tard, Bethune rejoint une autre base de résistance couvrant les provinces frontalières du Shansi-Chahar-Hopei où l’aide médicale est encore plus urgente. Il y arrive en juin 1938, accompagné d’une infirmière canadienne. De concert avec le chef militaire guérillero de la zone, il mobilise le corps médical et la population afin d’établir un hôpital modèle pour la région, à compléter au bout de cinq semaines. Un défi relevé dans le temps prévu. Mais Bethune ne demeure pas à l’hôpital, il se déplace avec les forces de la guérilla afin de soigner les blessés. Lorsque les combats sont durs et les blessés nombreux, Bethune doit opérer 18, 24, 36 heures d’affilée. Il refuse son salaire mensuel de 100 yuans et demande qu’on le garde pour un fonds d’aide aux soldats et paysans blessés durant leur convalescence.

A cause d’une conduite héroïque dans des conditions très difficiles, la santé de Bethune va se détériorer. Lors d’une opération chirurgicale, il se coupe un doigt. La plaie va s’infecter. Les médicaments qui pourraient le guérir ne pourront arriver à temps à la base de Shansi-Chahar-Hopei à cause du blocus ennemi. L’infection provoquera une septicémie (infection du système circulatoire et de tous les organes) dont Bethune mourra le 12 novembre 1939, à l’âge de 49 ans.

De Bethune, Mao Zedong a écrit :«Voilà donc un étranger, qui sans être poussé par aucun intérêt personnel, a fait sienne la cause de la libération du peuple chinois; quel est l’esprit qui l’a inspiré? C’est l’esprit de l’internationalisme…l’esprit du camarade Bethune, oubli total de soi et entier dévouement aux autres apparaissait dans son affection sans bornes pour les camarades, pour le peuple».

Norman Bethune était la synthèse et le modèle de tout ce qu’il y a de meilleur en chacun de nous, et qu’il avait porté au plus haut degré du dépassement de soi, à l’incandescence même de la générosité humaine la plus pure.

Salut, camarade, frère et confrère Bethune!

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