En hommage à l’héroïque et révolutionnaire Commune de Paris

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Le Mur des Fédérés, symbole de la lutte pour la liberté. est une partie de l'enceinte du cimetière du Père-Lachaise, à Paris, devant laquelle, le 28 mai 1871, 147 Fédérés, combattants de la Commune, ont été fusillés et jetés dans une fosse ouverte au pied du mur par les Versaillais de l'armée régulière.

« Nous sommes ouvriers, Sire! Nous sommes
Pour les grands temps nouveaux où l’on voudra savoir
Où l’Homme forgera du matin jusqu’au soir
Chasseur de grands effets, chasseurs de grandes causes »
Arthur Rimbaud (Le Forgeron)

C‘est le18 mars 1871 que débute cette grande révolution ouvrière et populaire mieux connue sous le nom de Commune de Paris. Pour la première fois dans l’histoire un pouvoir prolétarien semblait pouvoir prendre pied. Mais la haine des classes dirigeantes aidées de l’étranger prussien allait noyer dans le sang cette glorieuse et héroïque période insurrectionnelle de l’histoire de Paris qui dura un peu plus de deux mois, du 18 mars 1871 à la «Semaine sanglante» du 21 au 28 mai 1871. Depuis, les vainqueurs, ceux-là qui écrivent l’histoire, ont gardé la Commune ensevelie sous une chape de silence, parce qu’elle était porteuse de valeurs, valeurs battues en brèche par les héritiers de ceux qui massacrèrent les Communards.

Cette insurrection contre le gouvernement d’Adolphe Thiers [1], issu de l’Assemblée nationale, qui venait d’être élue au suffrage universel masculin, établit pour la ville de Paris une organisation de type auto-gestionnaire. L’insurrection communarde est née d’un sursaut patriotique contre la faillite, pour ne pas dire la trahison, des franges dirigeantes durant la guerre franco-prussienne de 1870-1871, et d’un puissant réflexe républicain contre les périls d’une restauration monarchique.

Le Journal officiel du 21 mars 1871 proclamait en effet: «Les prolétaires de la capitale, au milieu des défaillances et des trahisons des classes gouvernantes, ont compris que l’heure était arrivée pour eux de sauver la situation en prenant en main la direction des affaires publiques.»

Ouvrière par la masse de ses combattants (84% des Communards arrêtés sont des travailleurs manuels), par le fort pourcentage d’ouvriers (environ 30%) au sein du Conseil général de la Commune, par la constante pression exercée du dehors, enfin par sa législation sociale, la Commune affichait pourtant une impressionnante diversité: néo-jacobins, proudhoniens, néo-proudhoniens, blanquistes, bakounistes, marxistes, francs-maçons… Cette hétérogénéité, jointe à sa naissance spontanée du 18 mars, explique largement l’inexpérience, l’isolement, les rivalités qui ont paralysé la Commune.

Une expérience novatrice

Bien que limitée dans le temps et absorbée par les impératifs militaires, la Commune a fait preuve de réalisations et perspectives de société de témoignant d’une œuvre novatrice .

La Commune entend réaliser l’aspiration du mouvement ouvrier français du XIXe siècle. Elle vise avant tout à: «l’émancipation des travailleurs par les travailleurs eux-mêmes». Répondant aux aspirations populaires, elle abolit le travail de nuit, interdit les amendes et retenues sur les salaires, combat le chômage, interdit l’expulsion des locataires , exerce un droit de réquisition sur les logements vacants.

L’armée est remplacée par la Garde nationale, c’est-à-dire que dans l’esprit des Communards c’est le peuple en armes qui élit ses officiers et sous-officiers.

La Commune établit la gratuité de la justice, la liberté de la défense, supprime le serment politique des fonctionnaires et magistrats, eux aussi élus et révocables.

La séparation de l’Église et de l’Etat représente une avancée importante. Parallèlement, la Commune instaure l’école laïque, gratuite et obligatoire, crée un enseignement professionnel, y compris pour les filles, et entame une réforme de l’enseignement. Dans un esprit de débat démocratique et dans un souci de rénover l’enseignement, instituteurs, parents d’élèves et membres de la Société pour l’Education nouvelle se réunissent dans plusieurs écoles.

La Commune est aussi une pionnière de l’éducation populaire. Elle instaure des cours publics, que l’égérie de la Commune Louise Michel évoquera avec enthousiasme : «Partout les cours étaient ouverts, répondant à l’ardeur de la jeunesse. On y voulait tout à la fois, arts, sciences, littérature, découvertes, la vie flamboyait. On avait hâte de s’échapper du vieux monde

La Commune rouvre bibliothèques, musées, théâtres. Les concerts donnés aux Tuileries sont très prisés. Dans cet épanouissement de la culture populaire, auquel participent avidement Courbet, Daumier, Manet, Dalou, Pottier, un rôle important est dévolu à la Fédération des Artistes qui place en tête de son programme «la libre expansion de l’art, dégagé de toute tutelle gouvernementale et de tous privilèges».

Remises en cause

Au nom de la souveraineté populaire et dans le droit fil de la Constitution de 1793, la Commune engendre une vraie démocratie. Le Comité central de la Garde nationale, installé à l’Hôtel de Ville depuis la soirée du 18 mars, précise, dans son appel du 24 mars : «Quand nous pourrons avoir les yeux partout où se traitent nos affaires, partout où se préparent nos destinées, alors, mais alors seulement, on ne pourra plus étrangler la République. “

Chambres syndicales, clubs, comités de femmes, presse formant une sorte de «ministère des masses» maintiennent une forte pression sur les élus de la Commune qui sont révocables. Le club Nicolas-des-Champs les y invite: «Peuple, gouverne-toi toi-même par tes réunions publiques, par ta presse ; pèse sur ceux qui te représentent ; ils n’iront jamais trop loin dans la voie révolutionnaire. » Lorsque les ouvriers boulangers, obtenant la suppression du travail de nuit, se rendent à l’Hôtel de Ville remercier la Commune, le journal Le prolétaire leur fait savoir que: «Le peuple n’a pas à remercier ses mandataires d’avoir fait leur devoir[…] Car les délégués du peuple accomplissent un devoir et ne rendent pas de services. »

La Commune entend donc instaurer une démocratie au sens étymologique du terme: le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple. En ce sens, elle a été la démocratie la plus authentique qui ait jamais existé à travers l’histoire, une démocratie directe reposant sur une citoyenneté active, même si ce fut à l’échelle d’une ville et durant une soixantaine de jours. Mais quelle remise en cause de la délégation du pouvoir et de la bureaucratie ! Souveraineté populaire, pleinement assumée, dans la filiation de la Constitution de 1793, qui proclamait «le droit à l’insurrection» comme «le plus sacré des droits et le plus imprescriptible des devoirs».

Émancipation féminine

Louise Michel, fille d’une servante, institutrice, militante révolutionnaire, une des figures majeures de la Commune de Paris.

Les femmes jouent un rôle considérable au sein de cette démocratie directe,. Elles sont sur le devant de la scène depuis le 18 mars, telle Louise Michel à Montmartre. Jules Vallès, dans Le Vengeur du 12 avril 1871, décrit avec enthousiasme : «J’ai vu trois révolutions, et, pour la première fois j’ai vu les femmes s’en mêler avec résolution, les femmes et les enfants. Il semble que cette révolution est précisément la leur et qu’en la défendant, ils défendent leur propre avenir. “

L’Union des Femmes, le premier mouvement féminin de masse est alors créé. Elle est animée par Elisabeth Dmitrieff, aristocrate russe de 20 ans passée à la révolution, et Nathalie Le Mel, une bretonne de 45 ans, ouvrière relieuse.

Après des siècles de phallocratie, balayant son dernier avatar en date, le proudhonisme (adepte de la femme au foyer), la Commune ouvre une brèche vers la libération des femmes. Les projets d’instruction pour les filles visent à affranchir les femmes des superstitions et de l’emprise de l’Eglise, considérée comme l’âme de la contre-révolution. Les femmes obtiennent à travail égal, salaire égal , et créent de nombreux ateliers autogérés.

Dans quelques quartiers les élus appartenant à l’Internationale associent des femmes à la gestion municipale. En cette époque où règne, étouffant, ” l’ordre moral “, la Commune officialise l’union libre, conférant à la famille constituée hors mariage (concubins, enfants naturels) sa première reconnaissance légale. Enfin, la Commune bannit la prostitution considérée comme une forme de «l’exploitation commerciale de créatures humaines par d’autres créatures humaines. »

Durant l’infâme «Semaine sanglante», les femmes combattent sur les barricades, à l’image de Jeanne-Marie que glorifia Arthur Rimbaud dans son poème Les mains de Jeanne-Marie, et de Louise Michel, l’infirmière de la Fontaine-au-Roi, à qui J. B. Clément dédia Le Temps des Cerises.

Prémisses de l’autogestion

Un vent de démocratie a soufflé sur l’entreprise. L’atelier de réparation d’armes du Louvre se dote d’un règlement autogestionnaire : chaque atelier élit, pour quinze jours, au conseil de direction, un ouvrier chargé de transmettre les réclamations et d’informer ses camarades des décisions prises. Dans l’orbite des chambres syndicales ou de comités de l’Union des Femmes surgissent de nombreux ateliers coopératifs. Cette pratique inspire le décret du 16 avril, prévoyant la remise en marche par les ouvriers associés des ateliers que leurs patrons ont désertés. À défaut d’union des prolétaires de tous pays, les prolétaires des entreprises eurent à cœur de s’unir..

L’extermination de la rébellion communarde

La réaction affolée et apeurée par cette montée en force des prolétaires mena l’offensive avec les troupes régulières obéissant au gouvernement du pays dirigé par Thiers et dénommées les « versaillais » par les insurgés. Ces derniers furent attaqués avec force. La Semaine sanglante, du 22 au 28 mai 1871 fut l’épisode final de la Commune de Paris, où celle-ci fut écrasée et ses membres exécutés en masse. La Commune fut finalement vaincue durant la Semaine sanglante qui débuta avec l’entrée des troupes versaillaises dans Paris le 21 mai pour s’achever par les derniers combats au cimetière du Père-Lachaise le 28 mai.

La répression contre les communards fut impitoyable : nombreuses exécutions sommaires commises par les troupes versaillaises; 17 000 à 20 000 le nombre des fusillés, selon l’ancien communard Prosper-Olivier Lissagaray; 30 000 selon Camille Pelletan, journaliste, membre du Parti radical-socialiste; 4 586 communards déportés, en particulier en Nouvelle-Calédonie. Les trois principaux charniers à l’intérieur de Paris étaient au Luxembourg, à la caserne Lobau et au cimetière du Père Lachaise.

Selon Karl Marx, la Commune de Paris est la seule période de l’histoire française durant laquelle fut – brièvement – réalisée une dictature du prolétariat. Elle s’est construite sur un soutien fort de la classe ouvrière et, plus largement, d’une partie conséquente de la population parisienne, qui y a versé son sang. Cette lutte d’importance et la terrible répression qui s’ensuivit laissèrent un souvenir vivace cristallisé autour du mur des Fédérés, emblème d’une époque d’autant plus insaisissable qu’elle fut brève et laissa peu de monuments.

Dans un monde inégalitaire, inhumain, dominé par le pouvoir de l’argent, obsédé par le culte de la réussite individuelle, et où le ventre de la «bête immonde» capitaliste engendre toujours racisme, xénophobie, fanatisme, saluons la mémoire, le courage l’esprit auto-gestionnaire de la Commune. Elle restera une source inépuisable pour nos combats d’aujourd’hui et demain.

Gloire et honneur à l’héroïque et révolutionnaire Commune de Paris!

[1] Adolphe Thiers, avocat, journaliste, historien, homme d’État français. Il fut le président de la République française du 31 août 1871 au 24 mai 1873. Un homme de la caste riche dominante, ambitieux qu’ Honoré de Balzac dépeint magnifiquement dans ses romans sous le nom de Rastignac.

28 mars 2018

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