Emiliano Zapata est né le 8 août 1879 dans l’est du Mexique, dans l’Etat de Morelos. Il est d’origine indienne, Fils ils d’un petit propriétaire terrien, il se rend pourtant compte de la souffrance des peones (les paysans et les ouvriers agricoles) de sa région qu’il côtoie tous les jours. Zapata connaît bien leur misère. Ils sont victimes des grands propriétaires terriens qui les exproprient avec l’aide du gouvernement.
En 1910, le Président dictateur Porfirio Díaz est au pouvoir depuis 35 ans. Sans doute le pays s’est peu à peu modernisé, les capitaux affluent d’Europe et le chemin de fer fait son apparition. Les terres sont peu à peu mises en culture selon le système des «haciendas», héritée du modèle espagnol. Mais le Mexique s’est peu à peu enfoncé dans un système féodal, quasi-esclavagiste pour la majorité des paysans, les «peones», et surtout les Indiens. La faim, la pauvreté, les maladies sont le lot des masses pauvres.
La révolte gronde et elle vient des paysans, des indiens et des femmes, qui n’ont plus grand chose à perdre face à ce qu’ils peuvent gagner. Ils ne demandent que la terre sur laquelle ils pourront travailler. Des rébellions sporadiques surgissent que le pouvoir réprime avec la dernière violence. Zapata débute ses activités militantes dans son propre village natal en intégrant le “Comité de défense”, dont l’objectif est de défendre les intérêts des villageois. Élu chef de son village en 1909, Zapata commence à recruter une armée d’insurgés avant même le début de la Révolution en 1910 qui renversera le dictateur Porfirio Díaz.
Au printemps de 1910, les habitants d’Anenecuilco, village où est né Zapata, sont éconduits par les autorités auprès desquelles ils réclament des terres dont la possession leur et contestée. Zapata déjà impliqué dans la lutte des villageois spoliés par de puissants investisseurs mexicains et étrangers se met à la tête de quelque 80 paysans pour occuper des parcelles contestées. Il supervise alors la restitution pacifique des terres de certaines haciendas à leurs légitimes propriétaires. À partir de ce moment, sa réputation commence à s’étendre.
En mai 1910, témoin des brutalités commises par le Cuerpo de Policía Rural, police fondée par l’ancien président Benito Juarez, il prend par la force des terres à Ciudad de Ayala, théâtre de nombreux conflits opposant les villageois entre eux et aux propriétaires souvent absents et aux gérants des haciendas, des plantations de canne à sucre. Porfirio Diaz finit par abandonner le pouvoir sous la pression d’une guérilla animée au Nord par Pancho Avilla et au sud par Zapata entre-temps nommé successivement “chef suprême du mouvement révolutionnaire du Sud”, puis général de l’armée de libération du Sud.
Les révolutionnaires finissent par prendre le pouvoir. L’un d’entre eux, Francisco Madero rentré d’exil aux États-Unis Etats-Unis, est un libéral, un “moderne”. Il a le soutien des Américains. Il accède à la présidence après l’élection enfin démocratique du 6 novembre 1911. Mais les réformes n’avancent pas vite. Madero se révèle décevant: trop idéaliste, il ne comprend pas trop bien le problème de la terre aux mains des grands propriétaires terriens dont il ne veut pas froisser les susceptibilités.
Zapata ne dépose pas les armes. Il attend les premières réformes promises par le nouveau pouvoir, dont la réforme agraire qui est pour lui la plus importante. Il exprime ses exigences dans le très célèbre « Plan d’Ayala » qui se ramène au slogan: « la terre à ceux qui la travaillent ». Ces exigences sont radicales: restitution des terres des grands propriétaires (les ejidos) aux paysans, expropriation d’un tiers des haciendas du pays (mais avec compensation), saisie des terres des opposants à la Révolution et des anciens responsables politiques…
Mais, pour Madero, un libéral qui visiblement croit encore aux valeurs de la bourgeoisie, ces revendications semblent trop excessives pour pouvoir être appliquées, d’autant que le “Plan d’Ayala” est bien clair: «La Junte Révolutionnaire de l’Etat du Morelos n’acceptera aucun accord ni aucun compromis tant que les éléments dictatoriaux de Porfirio Díaz et de Francisco I. Madero ne seront pas renversés, car la nation est fatiguée des hommes faux et traîtres qui firent des promesses en tant que libérateurs et qui, une fois arrivés au pouvoir, les oublient et deviennent des tyrans».
Zapata n’en peut plus d’attendre et il décide finalement de prendre les choses en main dans son Etat du Morelos. Il distribue alors les terres à ses soldats et ses fidèles. Les travaux des champs et ceux des coopératives paysannes sont répartis entre tous et des conseils de village sont mis en place et leurs responsables démocratiquement élus. Mais l’ardeur révolutionnaire des zapatistes irrite le pouvoir.
Des troupes sont envoyées, renforcées par celles d’un certain Victoriano Huerta, un ancien général de Díaz qui organise un coup d’État. Il s’empresse de faire assassiner Madero et son plus proche collaborateur. Mais Huerta finit par s’enfuir en Amérique du sud. L’opposition s’organise aussitôt autour de Zapata, de Pancho Villa, du général Obregón et de Venustiano Carranza, gouverneur de l’Etat de Coahuila et ancien proche de Madero. Carranza à la suite d’un coup d’État monopolise le pouvoir.
Carranza, lui aussi un bourgeois qui sait qu’on ne peut gouverner qu’à force de compromis. n’hésite pas à employer les grands moyens pour pacifier les zones qui lui échappent : incendies, pelotons d’exécution, destruction des outils et du bétail, et même l’aviation qui trouve ici sa première utilisation guerrière. Il pense réduire à néant ses anciens alliés mais sans grands résultats. Zapata reste toujours entouré d’une troupe de fidèles qui tiennent toujours à leur idéal. Ne pouvant arriver à bout de Zapata resté incontrôlable et toujours potentiellement dangereux, Carranza décide finalement de le faire assassiner.
En avril 1919, le colonel Jesús Guajardo de mèche avec son supérieur le général Pablo González Garza prépare une embuscade dans laquelle il attire Zapata après lui avoir “prouvé” qu’il était contre Carranza en attaquant ses propres hommes de l’armée fédérale et en en tuant 57. A Zapata, il promet des hommes et de l’armement. Ils prennent rendez-vous à l’hacienda de San Juan Chinameca. Zapata tombe dans le piège : des hommes armés l’y attendaient. Il fut abattu à bout portant, le 10 avril 1919. Le traître Guajardo reçut une récompense de 50 000 pesos en monnaies d’or et fut nommé général sur ordre personnel de Venustiano Carranza.
Gloire et honneur à Emiliano Zapata, digne fils de la révolution mexicaine, héros de la résistance aux grands propriétaires terriens dans toute l’Amérique latine. Il repose désormais en paix à l’ombre des peuples en lutte qui lui vouent une éternelle reconnaissance.
10 avril 2018