D’un processus électoral à l’autre, la saga continue !

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Le Conseiller Présidentiel Frinel Joseph

(15e partie)

 

Le dimanche 9 mars 2025, soit deux mois après la première rencontre avec les autorités électorales du Mexique et de l’OEA, le Conseiller Présidentiel Frinel Joseph devait quitter Port-au-Prince, cette fois pour se rendre à Lima au Pérou et à Mexico dans le cadre d’un voyage officiel toujours pour affirmer la volonté du gouvernement haïtien de poursuivre le processus électoral mais aussi pour rencontrer les autorités électorales de ces deux pays latino-américains. Au programme des discussions avec les deux pays : « Organisation des élections en temps de crise ; – Participation de la diaspora péruvienne ( Échange de bonnes pratiques, d’expériences et de connaissances avec le Ministère péruvien des Affaires étrangères) ; – Vote électronique, le support logistique, scientifique et technique ; – Inscription des personnes déplacées sur la liste électorale (session de travail avec le Registre National d’Identification et d’État civil) ; – Éducation civique, la formation, la communication et l’information, la technologie et les élections ;- Matériels sensibles et non sensibles ; – Système de scrutin et centre de tabulation. »

Cette mission qui a duré du 10 au 14 mars 2025 a permis à la délégation haïtienne de s’entretenir avec les dirigeants de l’Office Nationale des Processus Électoraux (ONPE) du Pérou et ceux de l’Institut National Électoral (INE) du Mexique en vue de renforcer la coopération entre le Conseil Électoral Provisoire haïtien et ses deux homologues de l’Amérique latine. Composée  de Frinel Joseph, chef de la délégation, de Jaccéus Joseph et de Jacques Desrosiers, membres du CEP, de Reynold Guerrier, Directeur général de l’ONI (Office National d’Identification), ainsi que du Dr Joram Vixamar, membre du Comité de pilotage de la Conférence Nationale. Lors des réunions bilatérales avec les deux organismes électoraux, la délégation a profité pour prendre connaissance des pratiques électorales de ces deux pays et renforcer les liens de travail avec ces institutions qui ont de l’expérience en matière d’organisation électorale.

Ce sont des diplomates haïtiens auprès de l’OEA, en collaboration avec les responsables du PNUD (Programme des Nations-Unies pour le Développement) qui ont pu arranger cette tournée au Pérou et au Mexique avec le soutien du Département de Coopération et d’Observation Électorale de l’Organisation des Etats Américains, les mêmes qui étaient à l’origine de la première rencontre du mois de janvier 2025. Pendant ce temps, en Haïti, des voix continuent de se faire entendre et s’opposent à la tenue du référendum et des élections tant que le gouvernement ne contrôle pas la situation sécuritaire au moins dans la région métropolitaine de Port-au-Prince et celle de la Petite-Rivière de l’Artibonite. C’est la position de l’organisation politique dénommée Debloke Ayiti qui, à travers son Coordonnateur général, Néruis Nélus, se disait fort pessimiste quant à la poursuite du processus électoral entamé par les autorités de la Transition et du CEP.

Dans un entretien accordé au journal Le National le vendredi 14 mars 2025, il avance que : « Le Conseil Présidentiel de Transition a deux missions fondamentales : réduire l’insécurité qui gangrène le pays et organiser des élections. Pourtant, le pouvoir en place ne semble ni en mesure ni disposé à résoudre le phénomène de l’insécurité, rendant ainsi impossible toute perspective électorale dans ce contexte de crise profonde. L’État est incapable de sécuriser même les zones encore épargnées par les gangs armés. Certains acteurs influents du secteur privé, de la Communauté internationale et du monde politique tirent profit de l’insécurité et du banditisme. Des élections transparentes et légitimes ne peuvent avoir lieu sans une réforme constitutionnelle préalable. Or, l’État n’est pas en mesure d’organiser un référendum. Nous ne participerons ni aux élections ni à un référendum sous ce pouvoir, tant que les déplacés ne pourront pas regagner leurs foyers. »

Après le cri d’alarme de certains acteurs sociopolitiques sur la situation délicate du point de vue sécuritaire, le 17 mars 2025, dans une longue interview accordée en exclusivité au quotidien Le Nouvelliste, l’un des principaux acteurs du processus a fait retentir la sonnette d’alarme allant même à mettre en doute la réalisation du référendum à la date prévue, c’est-à-dire, au mois de mai 2025. Et cet acteur, ce n’est pas n’importe qui. Il s’agit de monsieur Patrick Saint-Hilaire, le Président du Conseil Électoral Provisoire lui-même. Un dignitaire dont personne, tout au moins les autorités, ne peut mettre en doute les paroles relatives à la démarche de l’organisme électoral. Dans cette entrevue tout ou presque a été dit.

7 membres du Conseil Electoral Provisoire

Selon le dirigeant du CEP, il est fort probable que la date annoncée pour le référendum ne soit plus d’actualité dans la mesure où la réforme de la Constitution ne dépend pas de l’institution électorale. De ce fait, le retard constaté dans la livraison du texte constitutionnel n’est pas l’affaire du CEP, mais bien du pouvoir Exécutif, en clair cela ne le concerne pas. Or, on est à la mi-mars 2025, le pouvoir ne semble pas être en mesure de publier l’arrêté appelant le peuple dans ses comices à la date convenue. D’après Patrick Saint-Hilaire, le CEP a déjà tout prévu et tout rendu à l’Exécutif. Sur le plan d’infrastructures et logistiques, RAS à en croire le Président du CEP puisque tout ou presque est déjà en place dans les dix départements du pays et ce, même dans la région de Port-au-Prince où l’inquiétude persiste. Des moyens de substitution, selon lui, sont prévus afin de remédier à toute éventualité.

Bref, pour Patrick Saint-Hilaire, s’il y a du retard dans l’allumage du moteur, la faute ne vient pas du CEP. S’il faut trouver un responsable, c’est du côté du pouvoir qu’il faudra orienter les recherches. Et pour cause. Le constat est là ! Lisons un long extrait de cette interview exclusive du Président du CEP publiée le lundi 17 mars 2025 dans le journal Le Nouvelliste. « Nous avons déjà soumis à l’Exécutif quatre documents pour l’organisation du référendum : projet de décret référendaire, une approche de vote, un budget et un calendrier. Le CEP met en marche la machine mais n’a rien à voir avec la réforme de la Constitution. Le CEP entrera en jeu quand on lui soumettra un texte constitutionnel. Au départ, nous avons fait savoir à l’Exécutif que techniquement nous pouvions organiser le référendum à partir du mois de mai. Maintenant on constate qu’il n’est plus possible au mois de mai.

La semaine prochaine nous allons rencontrer les acteurs de la Société civile, les partis politiques. Nous allons les informer des réalisations du CEP. Nous avons dit au gouvernement qu’il nous faut un cadre légal pour avancer et qu’il faudra aussi un temps pour que la population puisse prendre connaissance de ce document afin de rendre le référendum crédible. Le CEP a déjà recruté et installé partout dans les régions le personnel pour les Bureaux communaux et départementaux. Dans le département l’Ouest, les communes contrôlées par les groupes criminels sont en attente. Après le référendum, le CEP sera techniquement en mesure d’organiser les élections dans cinq à six mois. C’est possible puisque ce sont les mêmes structures qui vont être utilisées pour les élections. Mais, l’Exécutif doit faire sa part dans le processus. Il y a déjà au pays, des matériels commandés en 2021 pour le référendum que comptait organiser le CEP mis en place par le Président Jovenel Moïse. Si les matériels sensibles (bulletins et procès-verbaux) ne sont plus utilisables, tous les matériels non sensibles sont encore utilisables.

Les containers sont prêts pour être envoyés dans les départements. Mais cela prend du temps pour ces opérations et d’autres matériels commandés à l’étranger devront arriver bientôt au pays. Il peut arriver un moment où les élections ne seront plus possibles techniquement cette année. Ça c’est du ressort de la politique. Nous avons fait tout ce qui dépend de nous, mais il y a d’autres aspects qui dépendent de l’Exécutif, des partis politiques et de la Société civile. » Au moment même où Patrick Sait-Hilaire jouait au lanceur d’alertes dans la presse, la ministre des Haïtiens Vivant à l’Étranger, Mme Kathia Verdier, organisait avec d’autres membres du gouvernement et des institutions concernées une rencontre sur l’intégration des Haïtiens de l’extérieur dans le processus électoral, notamment dans le référendum populaire.

Autour de la ministre, on trouvait son collègue Gratien Jean, Chargé des questions électorales et constitutionnelles au sein du gouvernement, aussi bien que Patrick Saint-Hilaire, Président du CEP, Reynold Guerrier, Directeur de l’Office National d’Identification (ONI), Franck Lauture, membre du Comité de pilotage de la Conférence Nationale, plus quelques cadres du cabinet du Premier ministre. Cette rencontre construite sous le thème : « Ensemble, nous bâtirons un État plus fort, plus juste et plus inclusif » a été réalisée sous le leadership du Premier ministre Didier Alix Fils-Aimé, selon le communiqué émis à l’issue de la rencontre. En effet, selon cette note du Ministère datée du 17 mars 2025, la ministre a déclaré : « Sous le leadership du Premier Ministre Alix Didier Fils Aimé, nous avons placé l’implication de nos compatriotes vivant à l’étranger au cœur des priorités gouvernementales. Nous sommes déterminés à concrétiser cette vision en mettant en œuvre des stratégies inclusives qui garantiront à la diaspora un rôle actif dans la gouvernance d’Haïti.

Nous réaffirmons notre engagement indéfectible à raffermir les liens entre Haïti et les compatriotes de l’étranger. » Par ailleurs, le lundi 24 mars, les organisations sociopolitiques et de la Société civile étaient conviées à l’hôtel Karibe par les membres du Conseil Électoral Provisoire pour leur présenter quelques réalisations et surtout discuter avec elles du processus référendaire qui approchait, d’après le CEP. Les Conseillers électoraux voulaient les informer de l’avancement des travaux, des enjeux du référendum et des élections mais aussi recueillir leurs recommandations. Plusieurs parmi ces organisations avaient refusé d’y prendre part en rejetant l’invitation, notamment, le Centre d’Analyse et de Recherche en Droit de l’Homme (CARDH), Sant Karl Lévêque (SKL) et l’Ordre des Défenseurs des Droits Humains (ORDEDH) tout en dénonçant encore le rejet de leur candidat au CEP par le CPT.

Ces organisations, pour justifier leur refus et leur rancœur à l’égard des autorités, estiment, dans un courrier envoyé au Président du CEP Patrick Saint-Hilaire, que « Le Conseil Électoral émane d’un coup de force exécuté par le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) contre le Secteur des droits humains, ce qui annonce déjà des élections au plus offrant ». Donc, elles ne veulent pas cautionner par leur présence ce coup d’État. En revanche, d’autres organisations et associations connues du pays, entre autres, Fondation Je Klere (FJK), le Secteur paysan, Association des Madan Sara, entités religieuses, etc. avaient répondu à l’invitation du CEP. Mais leur présence n’était pas vraiment pour soutenir le CEP dans ses démarches. Bien au contraire ! Toutes ces organisations étaient venues dire aux membres du CEP et à son Président Patrick Saint-Hilaire qu’ils ne sont pas qualifiés pour organiser un référendum constitutionnel.

A l’unanimité, elles refusent catégoriquement de soutenir le CEP dans ses démarches. Cette position commune des organisations présentes avait obligé le Président du CEP  à donner quelques explications sur le rôle de son institution. Déçu et un peu contrarié, Patrick Saint-Hilaire a dû s’expliquer en déclarant : « Le CEP n’a pas pour mandat de réaliser la réforme constitutionnelle. Cette décision appartient aux autorités politiques et au peuple Haïtien qui approuvent ou non les changements proposés. Le CEP est tout simplement attentif à la légitimité démocratique du processus de modification de la Constitution. Le CEP peut fournir une assistance technique en créant les conditions pour l’organisation du référendum si celui-ci doit avoir lieu ». Une explication qui, le moins que l’on puisse dire, n’a pas vraiment convaincu une assistance dont les convictions étaient faites à l’avance.

Néanmoins, en dépit de l’hostilité de toutes ces organisations à propos du référendum et des élections à venir sous le CPT, cette rencontre n’a pas été vaine. En effet, les dirigeants du CEP avaient décidé de jouer la transparence en livrant certaines informations peu connues du grand public et même de la presse. Ce jour-là, on a appris, par le bais du Directeur exécutif du CEP, monsieur Philippe Augustin, beaucoup de choses. Il a dressé un bilan des activités menées par l’organisme électoral depuis le début du processus, c’est-à-dire depuis l’installation de la nouvelle équipe, il y a six mois. (A suivre)

C.C

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