
(13e partie)
Dès la première semaine du mois de janvier 2025, le Conseil Electoral Provisoire (CEP) avait commencé la mobilisation générale à travers tout le pays en vue de l’organisation du référendum constitutionnel préconisé par les autorités. C’est le lancement de l’opération Bureaux Référendaires Départementaux (BRD) et Bureaux Référendaires Communaux (BRC) .Ces structures, d’après le CEP, deviendront par la suite des BED et BEC – Bureaux Electoraux Départementaux et Bureaux Electoraux Communaux- comme au bon vieux temps des premiers scrutins des années 90. Une vaste campagne de recrutement était lancée à travers le territoire en vue de combler les différents postes à pourvoir pour les deux structures mentionnées plus haut. En effet, par une note de presse du CEP datée du 10 janvier 2025, on apprenait que : « Dans le cadre de l’organisation du référendum et des élections à venir, le Conseil Électoral Provisoire (CEP) invite les citoyennes et citoyens qualifiés (es) à soumettre leur candidature pour les postes de membres des Bureaux Référendaires Départementaux (BRD) et des Bureaux Référendaires Communaux (BRC).
Postes à pourvoir : – Membres des BRD : 2 par département, un (e) vice-Président (e) et un (e) Secrétaire-trésorier (ère). – Membres des BRC : 3 par commune, un (e) Président (e), un (e) vice-Présidente et un (e) Secrétaire-trésorier (ère). Qualifications requises : 1. Être de nationalité haïtienne et résider dans le département ou la commune concernée ; 2. Être âgé de 25 ans au moins pour le BRC et de 30 ans au moins pour le BRD ; 3. Jouir de ses droits civils et politiques ; 4. Être reconnu (e) pour son intégrité et sa moralité ; 5. Être titulaire d’un diplôme universitaire ; 6. Avoir une expérience dans les domaines administratif, légal, électoral, ou communautaire constitue un atout. Missions principales : – Superviser et coordonner les opérations référendaires au niveau départemental ou communal ; – Participer activement à l’organisation et à la mise en œuvre du référendum et des élections ; – Veiller au respect des procédures et des règlements électoraux en vigueur. Dossier de candidature : Les personnes intéressées doivent soumettre un dossier complet comprenant :
- Une lettre de motivation adressée au Conseil Électoral Provisoire ; 2. Un curriculum vitae (CV) détaillé ; 3. Une copie de la Carte d’identification nationale (CIN) ; 4. Une copie du numéro d’identification fiscale (NIF) ; 5. Un certificat de bonne vie et mœurs ; 6. Une copie des diplômes universitaires obtenus ; 7. Deux références professionnelles ou communautaires. Dépôt des candidatures : Les dossiers de candidature seront reçus au Bureau Départemental du CEP du 13 au 16 janvier 2025. Les candidatures féminines sont vivement encouragées. Concours : Le concours aura lieu le dimanche 19 janvier 2025 à l’adresse qui sera communiqué ultérieurement par le Président du Bureau Électoral Départemental (BED) ». Compte tenu de la situation sécuritaire dans le département l’Ouest et les difficultés pour les citoyens de se déplacer, les Conseillers électoraux avaient pris en compte cette problématique. Si pour tous les autres départements, les intéressés devaient s’inscrire au siège de la Délégation départementale, pour le département Ouest, notamment pour les habitants de la Région des Palmes (Gressier, Léogâne, Grand-Goâve, Petit-Goâve) il fallait s’y résoudre à se rendre à …Miragoâne, dans le département des Nippes pour déposer sa candidature au BED pour l’un des postes à pourvoir.
Le 20 janvier 2025, on apprend qu’une foultitude de candidats s’était déplacée dans les différents bureaux des Délégations départementales des dix départements pour y être inscrits. Selon le Président du CEP, monsieur Patrick Saint-Hilaire, qui visitait le dimanche 19 janvier un Centre d’évaluation domicilié au Lycée de Pétion-Ville, pas moins de 2000 postulants aux BRD et BRC avaient fait le déplacement. Le patron de l’institution électorale se réjouissait que parmi les milliers de candidats, on comptait beaucoup de jeunes.

Pour le département de l’Ouest divisé en deux sections, Ouest I et Ouest II, le CEP devait relever 190 candidatures pour le Bureau Référendaire Départemental (BRD) et 645 pour le BRC (Bureau Référendaire Communal). Le mardi 21 janvier, l’hôtel Montana a accueilli un Forum sur les élections en Haïti. À l’initiative de cette manifestation, l’Association des Volontaires de la Démocratie (AVD), un acteur social s’intéressant à la vie civique. Organisée sur le thème « Reprendre les élections en Haïti, une nécessité absolue pour la démocratie et la sécurité », cette activité entendait pousser les acteurs politiques à aller jusqu’au bout de leur démarche. Diverses personnalités avaient honoré par leur présence ce Forum dont le Ministre délégué Joseph André Gratien Jean, chargé des affaires électorales dans le gouvernement d’Alix Didier Fils-Aimé et celle de la jeunesse, du Sport et à l’Action Civique, Lynn Niola Sarah Delavis Octavius. D’après les organisateurs, l’objectif de cette rencontre sur cette thématique était de « proposer un espace de dialogue et de réflexion autour de la problématique électorale en Haïti. »
Entre-temps, au sein du Comité de pilotage de la Conférence Nationale, les choses n’allaient pas comme ses membres l’espéraient. Les moyens de fonctionnement tardaient à arriver sur les comptes dudit Comité. Ce que reconnaît son Président, Me Enex Jean-Charles, dans une interview dans Le Nouvelliste en date du 23 janvier ou 2025 ? Installé le 23 août 2024, le Comité de pilotage a dû attendre trois mois avant de pouvoir vraiment commencer ses activités faute d’argent. « Nous n’avons eu les premiers moyens pour fonctionner qu’au début du moins de novembre » se plaint son Coordonnateur. Un retard qui a fortement retardé le démarrage des opérations et des consultations. Dans cet entretien au Le Nouvelliste, l’ancien Premier ministre devait révéler le montant du budget de son Comité qui s’élève à plus de 600 millions de gourdes qui, d’après lui, s’étalerait sur la période d’août 2024 à janvier 2026.
« Du mois d’août 2024 à la fin de notre mandat fixé à l’arrivée du Parlement en janvier 2026, nous avons un budget évalué à plus de 600 millions de gourdes, je n’ai pas le chiffre exact » dit-il lors de l’entretien au journal de la rue du Centre. Des fonds qui lui permettraient d’organiser des activités relatives à sa mission un peu partout dans le pays et dans la diaspora, notamment aux Etats-Unis, en France et au Canada. En ce qui concerne les autres pays où il existe de forte concentration d’haïtiens, ce seront des rencontres virtuelles. En tout cas, le Coordonnateur du Comité de pilotage a expliqué ainsi ce qui devrait être la mission première du Comité pour les mois à venir et ce jusqu’aux élections. « À la fin du mois de février, nous aurons une proposition de révision de la Constitution à soumettre à l’Exécutif. Le Groupe de travail sur la Constitution a rencontré bon nombre de secteurs et de partis politiques qui se sont prononcés sur le contenu de la nouvelle Constitution.
Ce Groupe coordonné par l’ancien député Jerry Tardieu a fait un travail extraordinaire et nous a soumis l’ensemble des propositions qu’il a reçues. Pour compléter le travail de ce Groupe, il y aura des assises qui débuteront ce vendredi 24 janvier dans plusieurs zones dans le Grand-Nord, notamment au Cap-Haïtien, à Fort-Liberté, à Port-de-Paix, aux Gonaïves et à Hinche. Nous allons organiser les assises départementales avec les secteurs de la Société civile. Nous voulons savoir ce qu’ils aimeraient avoir ou pas dans la Constitution. Notre travail à nous consiste à rassembler au niveau du pays un consensus sur le contenu de la nouvelle Constitution. Le CEP a la responsabilité de la mise en place des structures devant permettre l’organisation du référendum.
Le gouvernement quant à lui doit assurer les conditions minimales de sécurité dans le pays pour garantir la participation de la population en toute sérénité au processus » avançait Enex Jean-Charles. Dans la foulée, celui-ci devait confirmer la nouvelle qui courait dans toutes les rédactions et auprès des observateurs politiques haïtiens. Celle concernant le limogeage du Secrétaire exécutif du Comité de pilotage de la Conférence Nationale, Dr Louis Naud Pierre. On savait depuis quelque temps qu’il existait de vraies divergences au sein du Comité.
Certains au sein du Groupe ne voyaient pas d’un bon œil un proche du feu Président Jovenel et surtout quelqu’un qui était déjà responsable de l’organisme présidentiel dénommé : Conférence Nationale souveraine, être chargé de faire des propositions sur la nouvelle Constitution contestée. Le feu couvait sous la braise et le professeur Louis Naud Pierre a payé de sa proximité passée avec Jovenel Moïse. Selon Enex Jean-Charles qui n’a pas voulu entrer dans les détails sur cette révocation politique : « Il a été nommé par les neuf membres du Comité. Les neuf membres ont pris la décision de changer de Secrétaire exécutif. Il est remplacé par Walta Clercius » dont acte. Fin janvier 2025, le Président du Conseil Présidentiel de Transition d’alors, Leslie Voltaire, est en visite à Paris, en France. Comme tout chef d’État en visite officielle dans la capitale française, il devait se soumettre à la traditionnelle interview d’avant ou de fin de visite.
Après sa rencontre avec le chef de l’Etat français, Emmanuel Macron, au Palais de L’Élysée, rencontre suscitant encore aujourd’hui beaucoup de débats et de commentaires en France, en Haïti et dans la diaspora après les déclarations du Président français sur la dette de l’indépendance, le mercredi 29 janvier 2025, Leslie Voltaire était l’invité simultanément de deux médias français du Service public : RFI (Radio France Internationale) et la chaîne d’information internationale en continue France 24. Sans entrer dans sa polémique avec le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, sur le scandale touchant la BNC et les groupes armés contrôlant la quasi-totalité du département de l’Ouest et une bonne partie de celui de l’Artibonite, nous retenons seulement sa réponse à propos du référendum populaire et des élections générales que le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) comptait organiser au mois de mai de cette année et les scrutins généraux pour la fin de 2025.
A la question de France 24 et de RFI, pensez-vous que le CPT pourrait réaliser ces élections au cours de cette année ? Leslie Voltaire répondit : « Je pense que oui. On peut tenir ce calendrier. On espère que vers la fin avril, mi-mai on aura un référendum sur la Constitution. Et à partir de ce référendum qui dira quelle sorte de Conseil électoral on aura dans la Constitution, qu’on pourra commencer avec les joutes électorales. On espère que les élections se feront vers la mi-novembre et que le second tour vers la mi-janvier pour qu’enfin le 7 février 2026 l’on ait un gouvernement légitime. La situation sécuritaire affecte la zone métropolitaine de Port-au-Prince et un quart de l’Artibonite, deux régions les plus peuplées du pays. On ne va pas oublier Port-au-Prince. Je pense qu’on aura des élections dans huit départements libres de gangs. On aura des élections dans l’Artibonite qui est à un quart contrôlé par les gangs. On aura des élections dans la moitié de Port-au-Prince.
Les gens qui vivent dans les zones contrôlées par les gangs pourront aller s’inscrire dans les zones qui sont libres et voter dans les zones qui sont libres. Je dois dire aussi que lors de la dernière élection, le Président Jovenel Moïse avait réussi avec 500 000 électeurs. Maintenant, on a à peu près 7 millions d’électeurs. Si les élections se font avec 5 millions d’électeurs, le gouvernement légitime, le Président ou la Présidente, les sénateurs, les députés ou les Maires seront beaucoup plus légitimes que le Conseil Présidentiel que je préside. Tous les Haïtiens ne pourront pas voter. L’on va essayer de faire voter les Haïtiens de la diaspora pour augmenter la participation ». Une déclaration hors de tout bon sens, puisque la réalité du terrain est à mille lieues de ce qu’a avancé le Président du CPT.
D’ailleurs, quelques jours auparavant, la région de Pétion-Ville, entre autres la commune de Kenscoff, avait été le théâtre d’un bain de sang provoqué justement par les forces de l’ordre et les groupes armés que Leslie Voltaire semblait minimiser ou minimiser leurs actions. En fait, c’est du pire déni ! Et pour cause. Lors de cette interview à la presse française, Leslie Voltaire ne s’était pas arrêté à ces veines paroles. Depuis Paris, le Coordonnateur du Conseil Présidentiel de Transition s’était lancé dans un éventaire à la Prévert en donnant toute une série de dates pour les différentes joutes électorales et ce, sans même consulter les membres du Conseil Electoral Provisoire, lesquels sont mieux placés pour faire un diagnostic de la situation et plus à même de proposer à l’Exécutif des dates plus au moins appropriées suivant la conjoncture politique. (À suivre)
C.C