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Le discours prononcé le 26 septembre devant l’Assemblée générale de l’ONU par Edgard Leblanc Fils, président du Conseil de transition présidentielle d’Haïti (CPT), ne reflétait pas une orientation politique visant à reconquérir notre souveraineté nationale, notre dignité et notre indépendance.
Bien sûr, Leblanc a dénoncé la campagne raciste contre les ressortissants haïtiens aux États-Unis, en particulier les propos racistes du candidat républicain à la présidence Donald J. Trump et de son colistier JD Vance contre les immigrants haïtiens à Springfield, dans l’Ohio, en prononçant : « Les passions qui surgissent naturellement lors d’une campagne électorale ne doivent en aucun cas servir de prétexte à la xénophobie ou au racisme dans un pays comme les États-Unis, une nation forgée par des immigrants de toutes origines et qui s’est imposée comme un modèle de démocratie à l’échelle mondiale. » Bien sûr, la plupart des progressistes du monde entier se demanderaient : « De quel genre de modèle s’agit-il ? »
a également salué la « solidarité internationale » envers Haïti, malgré la duplicité dont font preuve les États-Unis et les autres pays du « Core Group » qui n’ont fait que maintenir l’occupation militaire du pays au cours des 30 dernières années par des missions onusiennes ratées que le même Edgard Leblanc a également dénoncées dans son discours magistral.
Cependant, l’ambiguïté de ce discours a révélé le jeu d’équilibriste de Leblanc. Il a fait des critiques prudentes sans dépasser ses limites. Un dirigeant qui invoque le nom de notre père fondateur, le révolutionnaire, Jean-Jacques Dessalines, ne peut pas en même temps louer les forces militaires étrangères qui occupent actuellement Haïti. Leblanc ne faisait que suivre à la lettre les diktats américains. C’est le secrétaire d’État américain Anthony Blinken qui, lors de sa visite du 5 septembre en Haïti, a suggéré que les États-Unis proposent au Conseil de sécurité des Nations-unies que la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MSS), censée aider la Police nationale haïtienne (PNH) à lutter contre les « gangs » armés, soit transformée en une mission officielle de « maintien de la paix » de l’ONU, contrôlée par le Conseil de sécurité et financée par le budget de maintien de la paix de l’ONU. Leblanc n’a fait que répéter la recette impériale de Blinken dans son discours tout en rappelant les mésaventures des précédentes missions de l’ONU en Haïti, notamment celles de la MINUSTAH (Mission de stabilisation de l’ONU en Haïti de 2004 à 2017).
Bien entendu, il réclamait la restitution de la « dette d’indépendance » à la veille du deuxième centenaire de la rançon de 1825 en ces termes : « En 1825, à peine 21 ans après avoir conquis sa liberté au prix d’une lutte héroïque, Haïti fut contrainte de payer une dette colossale à la France, pays colonisateur, en échange de la reconnaissance de son indépendance » et de réparations pour les 179 années pendant lesquelles la France a pratiqué l’esclavage et la colonisation en Haïti. (Pour rappel, en 2004, l’OPL, le parti de Leblanc, avait sapé l’appel à la restitution d’Aristide en se joignant au coup d’État de 2004 contre lui et le Premier ministre de facto du régime putschiste, Gérard Latortue, avait annulé presque immédiatement la demande de restitution d’Aristide.)
« Ma démarche est résolument engagée, structurée et bien documentée », a déclaré Leblanc à propos de sa volonté d’obtenir restitution de la part de la France. « Le Comité national pour la restitution et la réparation, en collaboration avec la Commission des réparations de la CARICOM, a déjà entrepris un travail exhaustif sur ce sujet. » Si cela est vrai, nous espérons que sa démarche sera transparente et ouverte à la participation citoyenne pour un suivi rapproché. Il ne doit pas s’agir d’une restitution symbolique, car il ne s’agit pas d’une dette morale. Il doit s’agir d’une restitution financière de près de 100 milliards de dollars. C’est cela qui est en jeu.
N’était-ce pas aussi le moment idéal pour Leblanc de faire d’une pierre deux coups, en demandant aux États-Unis de nous restituer les 500 000 dollars en or que les Marines américains ont volés à la Banque Nationale de la République d’Haïti (BNRH) le 17 décembre 1914, en prélude à leur invasion et occupation militaire du 28 juillet 1915 ?
Leblanc n’a pas rappelé aux Nations Unies que l’ancien président américain Bill Clinton s’était excusé publiquement en 2010 pour avoir détruit la riziculture haïtienne, un coup sérieux porté à la capacité d’Haïti à être autosuffisant. Cela aurait démontré comment les puissances impérialistes ont conduit Haïti à cet état de délabrement et comme l’a si bien dit récemment le président du Burkina Faso Ibrahim Traoré : un pays qui ne se développe pas, qui ne peut pas fournir de la nourriture et du travail à son peuple, est condamné précisément à la violence et au banditisme.
Leblanc n’a pas dénoncé l’ingérence étrangère dans nos affaires politiques ni la domination impériale des États-Unis sur Haïti. Il n’a pas dénoncé l’ambassadeur des États-Unis en Haïti, Dennis Hankins, qui s’est outrageusement immiscé dans nos affaires intérieures en rendant visite au directeur de l’Unité Anti-Corruption d’Haïti (ULCC) pour s’enquérir de l’état d’avancement de son enquête sur le scandale entourant la Banque Nationale de Crédit (BNC) qui menace de discréditer trois membres du CPT, ce CPT que les États-Unis ont imposé à Haïti de concert avec leurs vassaux de la CARICOM.
D’accord, Leblanc a exigé le respect des droits des immigrés haïtiens dans le monde. Mais étant donné sa position de classe et son rôle d’indigène au service des classes dirigeantes, il ne peut pas profiter de la tribune de l’Assemblée Générale des Nations Unies pour dénoncer les manœuvres de l’impérialisme américain et aussi les pratiques racistes du président de la République Dominicaine, Luis Abinader. Il n’a pas osé dire toute la vérité pour ne pas scier la branche sur laquelle il est assis, un pouvoir illégal, illégitime, imposé par ses patrons occidentaux.
Leblanc n’a rien dit de l’embargo américain sur les armes contre Haïti, en vertu duquel le gouvernement de notre pays est étroitement contrôlé par Washington dans l’achat d’armes et de munitions. Leblanc n’a pas non plus demandé à ses patrons de fermer la vanne des armes illégales en provenance des États-Unis via la République dominicaine voisine. Mettre fin à cette pratique serait mille fois plus efficace que d’envahir Haïti avec des policiers étrangers sous prétexte d’apporter la sécurité. Toutes les sources d’insécurité qui détruisent Haïti viennent des États-Unis d’Amérique.
L’engagement et la participation des masses populaires seront nécessaires pour neutraliser les manœuvres sournoises de l’impérialisme de concert avec le CPT qu’Edgar Leblanc dirige et le gouvernement du Premier ministre de facto Garry Conille, l’homme fort le plus dangereux et le plus puissant d’Haïti.
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