Devoir d’humanité

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La tragédie de la pandémie causée par Covid-19 a donné lieu à divers comportements humains, les uns liés aux bouleversements infligés à nos habitudes de vie, les autres en rapport avec une méconnaissance sinon un rejet des apports scientifiques. D’autres encore sont la conséquence de l’irresponsabilité sinon de l’incurie des gouvernants à prendre toutes les dispositions nécessaires pour informer et encadrer systématiquement la population en général, les strates appauvries en particulier, de façon à ce que la lutte contre le virus soit le plus efficace possible, avec le moins de décès possibles.

Certains comportements peuvent échapper à l’entendement, mais ils sont le résultat de l’état d’abandon dans lequel les autorités concernées ont laissé la majorité de la population, particulièrement les citoyens qui vivent en dehors de la capitale, dans les endroits reculés de certaines villes de province ou carrément dans ce qu’il est convenu d’appeler l’arrière-pays. N’ayant pas d’accès véritable à une information claire, compréhensible, permanente, bien dirigée, beaucoup d’entre eux ont une méconnaissance du corona virus et manifestent des réactions inattendues et surprenantes. Deux observations illustrent le propos.

C’est d’abord le cas du professeur Nelson Bellamy qui, volontairement, s’était mis en quarantaine pour protéger sa famille et même la population, en annonçant publiquement qu’il avait des symptômes similaires à ceux du coronavirus. Les riverains mal informés de la maladie ont cru leur vie menacée et ont très mal réagi. Ils étaient à deux doigts d’incendier la maison du professeur à Caracol menaçant sa vie et celle de son épouse.

Nos dirigeants ont un devoir moral et d’humanité à assurer la protection de leurs concitoyens.

L’autre observation se rapporte à un comportement de violence marquée dont Jacmel a été témoin. Des individus apparemment non identifiés ont attaqué, vandalisé, incendié même, dans la soirée du dimanche 17 mai un établissement transformé pour la circonstance en Centre de quarantaine destiné à recevoir les personnes infectées par le Covid-19. C’est le même constat de manque d’informations adéquates, quand des gens, pour des raisons qu’ils ignorent eux-mêmes, refusent de porter le masque pour se protéger sinon pour empêcher la propagation du virus.

Les autorités responsables ne dévoilent même pas les centres où aller se prêter à des tests, parce que – ô ironie – elles craignent des représailles ou des agressions. Manifestement, de tels comportements reflètent l’ignorance d’un certain public, à cause de la faillite de l’État et, surtout, du pouvoir en place à gérer l’information et la rendre accessible à la population.

On dira certes que de tels comportements sont étonnants, voire même condamnables, mais ils sont le résultat des conditions d’abandon, de mépris, de rejet dans lesquelles la classe dirigeante au pouvoir et dans l’ombre a abandonné les masses qu’elle a laissées livrées à elles-mêmes. Ces habitants qui vivent en dehors de la capitale ou dans les endroits reculés de certaines villes de province ne sont pas considérés comme des citoyens à part entière, ni plus ni moins.

Ils vivent comme dans une sorte d’apartheid ; seul manque le mur qui nous sépare d’eux-mêmes, qui les mette hors de notre vue et de notre champ d’action; mais le mur est bien présent dans l’esprit de certains individus de la bourgeoisie et de la classe moyenne. Le sentiment dominant est de nous démarquer d’eux et de les laisser à leur sort. Ces masses pauvres sont laissées à l’abandon depuis l’assassinat du fondateur de la patrie, les classes dominantes semblant penser que peut-être Dieu y pourvoira, ce qui n’arrive pas depuis plus de deux cents ans d’indépendance.

Cela explique qu’il y a un grave problème à résoudre, d’autant que nous sommes à l’ère du développement  d’Internet et des technologies de l’information et de la communication (TIC) qui a totalement transformé le paysage des médias et notre rapport à l’information.

Présentement, toute information (texte, son, vidéo) peut désormais être numérisée et transmise (par courriel, par le cloud, sur les réseaux sociaux) au moyen de toutes sortes d’appareils : ordinateurs, tablettes, smartphones etc…Les exclus, les oubliés du système doivent pouvoir bénéficier de l’information transmise à bon escient pour que tout le monde se familiarise avec le Covid-19. Mais, il y a des gens qui n’ont jamais vu la lumière électrique, ni entendu la sonnerie d’un téléphone, ni écouté la radio, voire la télévision. Il y a des endroits qui n’ont jamais connu la lumière autre que celle du soleil et de la lune.

La responsabilité de l’information revient à la classe politique, aux dirigeants qui ont manqué à leur responsabilité, à leurs devoirs dans la mission d’éduquer la population, de mettre à sa portée, même dans les coins les plus reculés des moyens efficaces de modernité pouvant l’aider non seulement à comprendre la maladie mais encore à bénéficier d’avantages et de soins sanitaires.

Nos dirigeants ont un devoir moral et d’humanité à assurer la protection de leurs concitoyens. Ils ne sauraient s’y dérober. Le peuple prend note et il attend son jour.

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