Désillusion sud-africaine !

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Mais faut-il pour autant fonder de véritables espoirs en Cyril Ramaphosa?

Par Gustavo Kuhn

L’Afrique du Sud a enfin tourné la page Jacob Zuma. Après sa démission mercredi soir, c’est le vice-président et chef de l’ANC, Cyril Ramaphosa, qui a assumé jeudi la présidence de la première puissance africaine. Sans surprise, le nouveau chef de l’Etat a annoncé que la lutte contre la corruption serait sa priorité. Son prédécesseur l’avait en effet érigée en système de pouvoir, au point qu’il se disait qu’elle avait été «légalisée».

Sous Jacob Zuma, arrivé à la tête de l’Afrique du Sud en 2009, ce pays au potentiel immense et qui promettait depuis la fin de l’apartheid, en 1994, «une vie meilleure pour tous», n’a cessé de s’enfoncer dans la crise. Inégalités persistantes, taux de chômage de près de 30% – et frappant encore principalement la majorité noire –, criminalité endémique et vagues de violences xénophobes sont venues à bout de la patience de la population. D’autant plus que près de vingt-cinq ans après l’avènement de la démocratie, la réforme agraire se fait toujours attendre.

Au marasme économique s’est ajoutée une crise politique. L’historique ANC, qui avait fait chuter l’ignoble système de l’apartheid et dominait sans partage le pays depuis, s’est profondément divisé. Sa gestion du pays a été sanctionnée dans les urnes en 2016. Le parti a alors perdu le contrôle de trois des plus grandes agglomérations sud-africaines: Johannesburg, Pretoria et Nelson Mandela Bay (ex-Port-Elizabeth). Voyant venir avec crainte les élections de 2019, le parti a décidé de renouveler son image pour tenter de conserver le pouvoir en poussant Zuma dehors.

Médias, analystes et milieux économiques applaudissent ce départ. C’est justifié. Mais faut-il pour autant fonder de véritables espoirs en Cyril Ramaphosa? Leader syndical des mineurs dans les années 1980, il a été l’un des principaux négociateurs de la transition démocratique. Mais, vexé de n’avoir pas succédé à Nelson Mandela, il s’est tourné vers les affaires. Télécommunications, matières premières et franchises McDonald’s l’ont converti en premier milliardaire noir du pays, et emblème du nouveau capitalisme sud-africain. Sa pire «trahison» interviendra lors de la grève minière de Marikana en 2012. Il avait alors encouragé la répression policière qui fit trente-quatre morts.

Habile politicien, Ramaphosa a cependant su reconquérir l’ANC, le soutien du Parti communiste et celui de la confédération syndicale Cosatu. Mais son incarnation de la collusion entre la classe dirigeante et le monde des affaires ne suscite pas l’optimisme quant à sa volonté d’entreprendre les réformes sociales dont la majorité de la population a urgemment besoin.

 

Le Courrier 15 février 2018

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