Des câbles des É.-U. divulgués par WikiLeaks dépeignent une force de l’ONU brutale, inefficace et polluante

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Les critiques de la MINUSTAH insistent sur le fait que l’occupation viole le chapitre 7 de la Charte de l’ONU.

(English)

D’après des câbles diplomatiques secrets des É.-U., les forces des Nations unies qui occupent Haïti ont été mal entraînées, ont espionné les groupes étudiants, entravé les élections, et tiré de façon insensée sur des centaines de civils, faisant des morts et des blessés.

Dans un cas « incroyable », d’après les câbles, les troupes de l’ONU ont tiré près de 28 000 projectiles en seulement un mois dans un quartier de Port-au-Prince connu pour sa résistance contre l’occupation de l’ONU et le coup d’État de février 2004 qui a renversé le président démocratiquement élu, Jean-Bertrand Aristide.

« Les victimes civiles [des incursions de l’ONU] à Cité Soleil [sont passées] de 100 blessés en octobre [2005] à entre 170 et 205 en décembre [2005] », écrit le chargé d’Affaires à l’époque, Timothy M. Carney, dans un câble secret du 19 janvier 2006. « La moitié d’entre elles étaient des femmes et des enfants. Les assertions à l’effet qu’elles aient toutes été utilisées comme boucliers humains défient la logique. »

1,400 troupes de l’ONU ont encerclé le bidonville pro-Aristide, tirant 22 000 projectiles et faisant des dizaines de victimes en un seul raid de six heures

À peine six mois auparavant, agissant sous la pression intense des É.-U. et de l’élite haïtienne,  1,400 troupes de l’ONU ont encerclé le bidonville pro-Aristide, tirant 22 000 projectiles et faisant des dizaines de victimes en un seul raid de six heures le 6 juillet. Les troupes de l’ONU ont poursuivi leurs attaques durant toute l’année, allant jusqu’à tirer 2 000 projectiles par jour en moyenne, a affirmé un représentant de l’ONU à un journaliste.

La controversée Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), forte de 12 000 soldats, est intervenue dans le pays des Caraïbes peu après le coup d’État sanglant de févier 2004 qui a renversé Aristide.

Mais la mission, dont le coût annuel dépasse les 850 millions de dollars, doit être renouvelée devant le Conseil de sécurité des Nations unies le mois prochain, et l’opposition en Haïti et à l’International est très répandue et ne cesse de croître.

Plusieurs études scientifiques ont établi que les troupes népalaises de l’ONU ont apporté une épidémie de choléra mortelle en Haïti. Les têtes dirigeantes de l’ONU ont tenté de nier cette accusation qui a fait surface presqu’au même moment où s’est manifestée la maladie, au mois d’octobre dernier. Le choléra a déjà causé la mort de 6 000 haïtiens et infecté des centaines de milliers d’autres.

Ces dernières semaines, le sentiment anti-ONU a été exacerbé par un enregistrement vidéo sur lequel on discerne des soldats uruguayens en train de violer un jeune homme à Port Salut, dans le sud du pays. Ce viol survient suite à l’expulsion en novembre 2007 de 111 soldats du Sri Lanka qui ont contraint des mineurs à des relations sexuelles. Un câble secret de 2006 révèle que « parmi ceux qui ont été rapatriés se trouvent le commandant en second du bataillon et deux commandants de compagnie détenant le grade de major ».

De plus, de nouveaux renseignements ont vu le jour concernant le cas d’un adolescent trouvé pendu dans une base de l’ONU dans la ville du Cap-Haïtien, dans le nord du pays (voir l’article connexe d’Ansel Herz).

Les événements de ce genre ont attisé une colère profonde contre la MINUSTAH qui, depuis son déploiement le 1er juin 2004, a constamment été confrontée au nationalisme farouche qui imprègne la première République indépendante de l’Amérique latine.

D’après un câble du 15 septembre 2006, l’ONU s’est dotée de son propre appareil de renseignement pour venir à bout de cette opposition nationale : la Cellule conjointe d’analyse de la mission [Joint Mission Analysis Cell (JMAC)], avec un réseau de « délateurs payés » pour espionner les groupes qu’elle considérait comme une menace. Un câble transmis trois mois plus tard explique que « la MINUSTAH s’est affairée, au cours des dernières semaines, à tenter d’identifier les éléments parmi [un groupe étudiant] qui constituait une menace pour son mandat ».

Le nouveau président de droite, Michel Martelly et le secrétaire
général de l’ONU Ban Ki Moon.

Ces câbles secrets font état de confrontations entre Haïtiens et forces de l’ONU, nombre desquelles se sont soldées par des morts. Un câble du 26 décembre 2006 décrit une incursion de triste mémoire de l’ONU dans Cité Soleil quatre jours auparavant, à l’occasion de laquelle, d’après Haïti Action Committee (HAC), 400 soldats de l’ONU ont pris d’assaut le bidonville à bord de blindés vers 3 heures du matin dans le cadre d’une attaque qui a duré tout le reste de la journée. « La presse a initialement signalé au moins 40 blessés, tous des civils » selon HAC. « D’après les témoignages de la communauté, les forces de l’ONU à bord d’hélicoptères tiraient dans les habitations pendant que des troupes au sol attaquaient à bord de véhicules de transport de troupes blindés. Des gens ont été tués dans des maisons. Des soldats de l’ONU originaires du Brésil, du Chili, de l’Uruguay et de la Bolivie ont pris part au siège ce jour là, appuyés par la police haïtienne. »

L’Agence haïtienne de presse a rapporté que « des résidents de l’endroit disent des victimes qu’il s’agissait de citoyens ordinaires dont le seul crime était de vivre dans le quartier visé » et que « des résidents étaient insultés que des soldats [de l’ONU] refusaient de permettre que les personnes qu’ils avaient blessées reçoivent des soins médicaux » en interdisant le passage aux véhicules de la Croix-Rouge venus au secours des blessés.

« Le frère » dudit chef de gang « Belony et huit autres loyalistes de Belony ont été tués durant l’opération [de l’ONU], et un autre membre du gang a été blessé », a rapporté le câble du 26 décembre, ajoutant que, « selon Radio Métropole [conservateur], 30 résidents ont été blessés durant la confrontation. »

Ce même câble révèle également que l’ONU était en guerre, non seulement contre « des gangs » (terme qui lui sert à désigner les groupes pro-Lavalas), mais contre les habitants de Cité Soleil. « Les principaux objectifs et cibles n’ont pas pu être atteints à cause de gros rochers qui ont été placés sur la route Impasse Chavanne, qui mène à la maison de Belony », a écrit le chargé d’Affaires Thomas C. Tighe. « Le bataillon brésilien a retiré les rochers peu avant le début de l’opération mais la communauté les a replacés dans les minutes qui ont suivi. »

Tighe poursuit en expliquant que les soldats de la MINUSTAH étaient tellement effrayés et avaient la gâchette si facile qu’à un moment donné les troupes chinoises de l’ONU « ont fait feu sur le bataillon brésilien. L’incident fait l’objet d’une enquête ».

l’ambassadeur des É.-U., James Foley, fait valoir que la « MINUSTAH doit répondre rapidement et de façon décisive aux menaces des rebelles armés…»

Les Nations unies ont publiquement qualifié l’opération de succès, mais le directeur adjoint de la JMAC a confié en privé à l’ambassade des É.-U. que l’opération avait été « en quelque sorte un échec ».

« Les indicateurs de la JMAC ont signalé que des gangs séquestraient plus de 40 victimes de kidnapping dans les immeubles visés », mais pas une seule de ces prétendues victimes n’a pu être trouvée.

Dans un câble du 23 mars 2005, l’ambassadeur des É.-U., James Foley, fait valoir que la « MINUSTAH doit répondre rapidement et de façon décisive aux menaces des rebelles armés et des gangs criminels/politiques pro-Aristide », tout en admettant dans la même dépêche qu’« après deux jours d’engagement proactif, les haïtiens critiquent les casques bleus pour leur trop grande agressivité ».

Le président sortant René Préval a vivement critiqué le rôle qu’a joué l’ONU en avril, disant que « les tanks, les véhicules blindés et les soldats auraient dû faire place à des bulldozers, des ingénieurs, à plus d’instructeurs pour la police et à des experts pour la réforme des systèmes de justice et carcéral ».

Le nouveau président de droite, Michel Martelly, qui a remplacé Préval en mai, a invité les troupes de l’ONU à rester. Toutefois, il cherche à canaliser l’indignation anti-MINUSTAH pour faire aboutir son projet de restauration de l’armée démobilisée d’Haïti, un projet auquel s’opposent de nombreux Haïtiens.

D’autres acteurs clés, dont les dirigeants militaires du Brésil, cherchent une porte de sortie, quoique progressivement. Le nouveau ministre de la Défense brésilien, Celso Amorim a dit qu’il « appuie le retrait d’Haïti des troupes brésiliennes », mais propose d’étaler le retrait jusqu’en 2015.

Mais, tel qu’en témoignent les câbles secrets, le principal avocat pour la MINUSTAH reste Washington.

Dans un câble daté du 1er octobre 2008, l’ambassadrice des É.-U., Janet Sanderson insiste sur le fait que la MINUSTAH « a constitué un outil indispensable à la réalisation d’objectifs politiques importants du gouvernement des É.-U. en Haïti ».

L’ONU est en train d’établir « la sécurité nationale et la stabilité politique », écrit-elle, ces dernières sont nécessaires pour prévenir une résurgence des « forces politiques populistes qui entravent l’économie de marché » et « l’exode de migrants qui arrivent par la mer ».

« Dans le contexte actuel, vu nos engagements militaires ailleurs, les États-Unis seuls ne pourraient se substituer à la Mission » conclut Sanderson.

En outre, un rapport du General Accounting Office [Bureau de comptabilité générale] de février 2006 a estimé « qu’il en coûterait aux États-Unis, environ deux fois plus que ce que dépensent les Nations unies, […] pour effectuer une opération de maintien de la paix semblable à la […] ‘MINUSTAH’. L’ONU a prévu $428 millions pour les 14 premiers mois de la mission. Une opération des É.-U. de la même envergure et de la même durée pourrait coûter environ $876 millions, un montant de loin supérieur à la contribution des É.-U. de $116 millions pour la MINUSTAH ».

La résolution du Conseil de sécurité de 2004 a institué la MINUSTAH dans le but d’assurer un « environnement stable et sécuritaire », reconstruire la force de police d’Haïti, s’engager dans un programme global de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), organiser des élections, et protéger les droits humains.

Mais les 1 918 câbles secrets du département d’État des É.-U. concernant Haïti, divulgués par le groupe de défense de la transparence WikiLeaks, décrivent une extraordinaire litanie de défaillances et manipulations de la Mission, la troisième plus importante mission militaire de l’ONU dans le monde.

Le but principal de la mission des États-Unis et des Nations unies a été à la reconstruction de la Police nationale haïtienne (PNH), Foley s’est plaint qu’Aristide avait « affaibli [celle-ci] en plaçant des membres de gangs criminalisés [c.-à-d., des militants d’organisations populaires pro-Lavalas] directement dans ses rangs », selon un câble du 3 mai 2005.

Mais, même après sept ans, la force a, en effet, été affaiblie, précisément en raison de sa politisation anti-Lavalas, de l’intégration d’anciens soldats fomenteurs de coups d’État, et de l’ingérence maladroite de l’ONU et de l’ambassade des É.-U.

L’ancien ambassadeur de s É.-U. à l’ONU, John Bolton (ci-dessus), explique comment Wolfgang Weisbrod-Weber, directeur de la division de l’Europe et de l’Amérique latine du Département des opérations de maintien de paix (DOMP) de l’ONU, s’est opposé à la modification, la réduction ou la conclusion de la mission de la MINUSTAH.

« La PNH est un exemple de l’incapacité de la communauté internationale à travailler de concert », a affirmé le chef de la MINUSTAH à l’époque, Edmond Mulet, d’après un câble du 2 août 2006. Chaque pays donateur a fait valoir son propre modèle de maintien de l’ordre et les efforts des donateurs se contredisaient.

« La PNH souffre toujours de la corruption dans ses rangs, d’un système de justice brisé, de contrôles de commandement et de supervision insuffisants, de niveaux de formation inadéquats et d’un trop peu de ressources en équipement », signale un autre câble secret du 6 mai 2005, une description qui s’applique également aujourd’hui.

Pour ce qui est du programme DDR, son chef, Desmond Molloy, affirme avoir fixé un objectif de 10 000 participants au programme DDR quand le programme a été lancé en octobre 2004. « Il a révisé ses attentes à la baisse espérant atteindre un nombre de 2 000 pour juin 2006, mais se contenterait de 500 », indique un câble secret en janvier 2006.

Lorsque le programme DDR a supposément démobilisé 300 anciens soldats au Cap-Haïtien, il a permis de récolter à peine « sept armes en mauvais état incluant six M-14 et 1 mitraillette », indique un câble du 15 mars 2005 de l’ambassadeur James Foley.

Les câbles s’en prennent également à la « mauvaise gestion » des élections par l’ONU, que « globalement le manque d’expérience ou de savoir faire de la mission de l’ONU en matière d’administration d’élections a empêché la MINUSTAH de se prépare pour les élections ».

Néanmoins, les câbles révèlent que les É.-U. ont procédé à l’élection présidentielle de 2006 en Haïti sous le signe de l’exclusion pour justifier l’envoi de troupes de pays latino-américains.

l’ONU, agissant pour le compte de Washington et Paris, cherche toujours à étendre son autorité en Haïti.

« L’important était de tenir des élections, vu qu’il aurait été difficile pour les pays contribuant à la MINUSTAH de maintenir leur présence sans la tenue d’élections », a confié le secrétaire d’État à l’époque, Thomas Shannon, à l’un de ses homologues européens lors d’une réunion sur des sujets variés touchant l’Amérique latine en 2006.

Malgré cette mascarade, il existait des préoccupations croissantes au sein des gouvernements latino-américains sur le rôle que joue la MINUSTAH dans la subversion de la souveraineté, indiquent les câbles.

« Le ministre de l’Énergie de la Bolivie a publié un article en novembre 2006 dans lequel il qualifie la MINUSTAH de ‘force d’occupation des É.-U.’ », remarque un câble du 20 avril 2007. « Plus tard, le président Evo Morales a suggéré d’interdire la guerre dans la constitution de la Bolivie et a posé la question à savoir si un pays avec de telles aspirations devrait contribuer à la MINUSTAH ».

En réponse aux échos « anti-MINUSTAH provenant de La Paz », l’ONU a organisé la visite d’une délégation de représentants boliviens de haut niveau, menée par le ministre de la Défense, à Port-au-Prince où ils ont été assez « impressionnés par les opérations de l’ONU ».

« L’importante contribution des pays d’Amérique latine à la force de l’ONU ici ne peut être surestimée » conclut l’auteur du câble, le chef de mission adjoint, Thomas Tighe.

Les scrutins présidentiels de 2006 et 2010 en Haïti, tous deux largement menés sous l’égide de l’ONU, se sont déroulés sans la participation du parti politique le plus populaire d’Haïti, Fanmi Lavalas (FL), dirigé par Aristide, qui se trouvait en exil imposé par l’ONU et les É.-U. au moment des deux scrutins.

« En termes de construction d’un climat et d’une tradition démocratiques, nous avons régressé par rapport aux périodes précédant l’arrivée de la MINUSTAH », indique l’économiste

Camille Chalmers, directeur général de la Plate-forme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif (PAPDA), faisant écho à un refrain bien connu qui v eut que les élections correspondent aux besoins et intérêts des É.-U. plutôt qu’à ceux du peuple haïtien.

Le dossier du respect des droits humains de l’ONU est tout aussi lugubre. Outre leurs attaques directes sur les Haïtiens qui défendent la démocratie, comme à Cité Soleil, les troupes de l’ONU « dans les faits couvrent la police pour que celle-ci puisse mener une campagne de terreur dans les bidonvilles de Port-au Prince », signale un rapport de 2005 du Harvard Law Students Advocates for Human Rights.

La MINUSTAH, la PNH, et les forces paramilitaires de l’élite des affaires haïtienne ont tué environ 3 000 personnes et emprisonné des milliers d’opposants au coup d’État et de sympathisants de Fanmi Lavalas au cours de la consolidation du coup de février 2004 jusqu’au milieu de 2007. Un représentant de l’ambassade des É.-U. a dit qu’« il n’y a aucune contribution tangible de l’ONU pour l’amélioration de la situation concernant les droits humains » dans un câble du 4 janvier 2006.

Nonobstant les échecs et la répression qui caractérisent sa mission, l’ONU, agissant pour le compte de Washington et Paris, cherche toujours à étendre son autorité en Haïti. En se contentant de vœux pieux relativement aux « opinions » du gouvernement haïtien élu, les représentants de l’ONU ont cherché à décider unilatéralement de la façon de déployer leurs forces et du renouvellement de leur mandat par le Conseil de sécurité pour l’occupation d’Haïti, révèlent les câbles.

Les critiques de la MINUSTAH insistent sur le fait que l’occupation viole le chapitre 7 de la Charte de l’ONU qui stipule que « [le Conseil de sécurité] peut entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu’il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales » c’est-à-dire, dans le cas de conflits entre États, ce qui n’est pas le cas en Haïti. L’occupation viole également la Constitution haïtienne qui établit explicitement, à l’article 263-1, qu’« aucun autre corps armé ne peut exister sur le Territoire national », à part la police et l’armée haïtiennes, la dernière ayant été démobilisée.

Des soldats de la MINUSTAH à Fort National le 14 Septembre 2011. Photo: Ansel Herz

Dans un câble du 2 juin 2006, l’ancien ambassadeur de s É.-U. à l’ONU, John Bolton, explique comment Wolfgang Weisbrod-Weber, directeur de la division de l’Europe et de l’Amérique latine du Département des opérations de maintien de paix (DOMP) de l’ONU, s’est opposé à la modification, la réduction ou la conclusion de la mission de la MINUSTAH comme certains l’ont proposé, une fois qu’un nouveau gouvernement aurait été mis en place en mai 2006.

Au contraire, Weisbrod-Weber a « rapporté que la composante militaire et sa Cellule conjointe d’analyse de la mission (JMAC) croient que le nombre de soldats doit être maintenu après l’expiration du mandat en cours » le 15 août 2006, a écrit Bolton. De plus, il « n’a pas donné son accord aux appels à un mandat élargi de la MINUSTAH dans le domaine du développement », indique le câble, « malgré la demande de Préval, dans son discours inaugural, pour l’envoi de plus de tracteurs et moins de tanks ». Bolton a également remarqué que « le Brésil et la France ont vivement appuyé le DOMP relativement à la nécessité de maintenir le niveau des effectifs de la MINUSTAH après le 15 août ».

En plus de soutenir qu’« Haïti ne sera en mesure d’assumer la responsabilité de sa propre sécurité que lorsque ses institutions d’État de droit seront réformées », Weisbrod-Weber a suggéré d’élargir le rôle de supervision, avançant que « la MINUSTAH doit être en mesure de contrôler et d’accompagner les affaires qui sont devant la justice à tous les stades dans le système de justice haïtien ». Un système de justice devant lequel l’ONU jouit de l’immunité, malgré les actes criminels qu’elle perpètre régulièrement, et qui lui a été octroyée par le régime illégitime post- coup d’État de Gérard Latortue.

Peut-être plus que toute autre question, c’est l’épidémie de choléra, dont l’origine a été liée aux pratiques sanitaires inadéquates dans une base des Nations unies, qui a mené au soulèvement actuel contre l’ONU. Partout en Haïti, des graffitis clament « UN = Kolera ». L’épidémie a déjà tué 6 100 Haïtiens et infecté 400 000 autres personnes. Mais les câbles indiquent que les normes sanitaires de l’ONU constituaient déjà un problème il y a plus deux ans.

« La gestion inappropriée des déjections humaines dans le camp jordanien sur les terrains de l’Académie de police a eu une incidence sur la construction de routes et de canaux de drainage à l’Académie de police [financée et dirigée par les É.-U.] », indique un câble du 7 janvier 2009.

L’indignation face à l’introduction du choléra en Haïti s’est mêlée avec à celle provoquée par les images de quatre soldats uruguayens de l’ONU apparemment en train d’agresser sexuellement un Haïtien en juillet. La victime et sa famille ont intenté une action en justice contre les soldats, mais ces derniers ont presque immédiatement été escamotés du pays, un autre affront « aux institutions de l’État de droit » d’Haïti que l’ONU prétend défendre.

À l’approche du renouvellement au Conseil de sécurité de l’ONU le 15 octobre du mandat de la MINUSTAH, le dégoût des Haïtiens face à la force et leur rejet de celle-ci atteint un niveau sans précédent. Les ministres de la Défense de l’UNASUR se sont rencontrés le 8 septembre et se sont accordés sur la nécessité d’un retrait des troupes. Et parmi les Haïtiens, même ceux qui ont déjà appuyé la mission de l’ONU, le soutien s’estompe.

« Je ne suis pas l’une de ces personnes anti-ONU », écrit le blogueur haïtien de Boston, Réginald Toussaint, en mai. « J’aime le principe des Nations unies et, en général, je trouve qu’il font du bon travail… Toutefois, en ce qui concerne Haïti, ils font plus de mal que de bien. »

L’un des cas les plus convaincants contre l’occupation onusienne a été fait dans un long article du 15 août écrit par la chroniqueuse haïtienne Dady Chéry sur le site Web Axis of Logic. Parmi les « dix principales » raisons d’exiger le départ de l’ONU d’Haïti, elle mentionne que : « la MINUSTAH harcèle et humilie continuellement les Haïtiens […] Les criminels de droit commun de la MINUSTAH jouissent d’une immunité contre les poursuites […] la MINUSTAH porte atteinte à la démocratie […] la MINUSTAH interfère dans les affaires politique d’Haïti […] » et « la MINUSTAH a agi comme un grand gang anti-Aristide ».

Elle conclut en écrivant : « On est tenté de demander pourquoi les États sud américains, avec des gouvernements vraisemblablement de gauche et nationalistes, comme la Bolivie et l’Équateur, soutiennent l’occupation d’Haïti. Après tout, Cuba et le Venezuela ont clairement démontré ce qui peut être accompli en contribuant avec des médecins et des travailleurs de la santé plutôt qu’avec des soldats en Haïti […] Il est préférable de montrer la porte aux membres restants de la MINUSTAH et leur intimer de ne pas la claquer en sortant.»

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