Les Haïtiens, les habitants de Salvador, les Africains mettront encore du temps à digérer les déclarations de Donald Trump qualifiant le Salvador, Haïti, les pays de l’Afrique de « pays de merde », selon le Washington Post. Selon le quotidien américain, la scène se passait le 12 janvier en cours d’une réunion avec plusieurs parlementaires à la Maison Blanche. Le président américain s’est proposé de « limiter le regroupement familial et de restreindre l’accès à la loterie « pour la résidence américaine. Au cœur de ce projet, serait envisagée « l’expulsion de milliers de jeunes souvent arrivés enfants aux Etats-Unis ». Et lors des discussions M. Trump s’est demandé : « pourquoi est-ce que toutes ces personnes issues de pays de merde viennent ici ». Selon le Washington Post qui cite plusieurs sources anonymes, le président américain faisait référence à des pays d’Afrique, ainsi qu’Haïti et au Salvador ? Soutenant que les Etats-Unis devraient plutôt accueillir des ressortissants de la Norvège. « Pourquoi avons-nous besoin de plus d’Haïtiens » aurait encore insisté le président américain. Celui-ci comme à ses habitudes a démenti par un tweet, mais le sénateur démocrate Dick Durbin, présent à la réunion, a indiqué que le président américain avait utilisé « plusieurs fois » cette expression. Membre du Congrès, le démocrate Luis Guttierez a réagi : « Nous pouvons dire maintenant avec 100% de certitude que le président est un raciste qui ne partage pas les valeurs inscrites dans notre Constitution ».On ne trouve pas de démenti non plus de la part du parti républicain : Mia Love, d’ascendance haïtienne, a jugé pour sa part « désobligeants » et « clivants » les propos de M. Trump et « a demandé des excuses ». « Cette attitude est inacceptable de la part du chef de notre nation » a-t-elle soutenu dans un communiqué.
Ces déclarations sont-elles vraies ou fausses ? Vendredi, le président américain tente de calmer les tensions : « le langage que j’ai utilisé lors de la réunion était dur, mais ce ne sont pas les mots utilisés..Je veux un système d’immigration fondé sur le mérite et des gens qui aideront notre pays à aller de l’avant ». Et pour rassurer les Haïtiens : « je n’ai jamais dit de mal des Haïtiens, outre le fait que, c’est une évidence, Haïti est un pays très pauvre et en difficulté. Je n’ai jamais dit virez-les. J’ai une relation merveilleuse avec les haïtiens. »
Les pays africains ont réagi avec véhémence aux propos poissards du président des Etats-Unis d’Amérique, donnant une réponse à la dimension des effets diplomatiques suscités par la déclaration du président ignare de l’histoire haïtienne, de la formation ethnique des Etats-Unis et de la civilisation africaine. « Ce n’est selon moi pas seulement blessant pour les gens d’origine africaine aux Etats-Unis mais aussi pour les citoyens africains…C’est d’autant plus blessant compte tenu de la réalité historique du nombre d’Africains qui sont arrivés aux Etats-Unis comme esclaves. » a déclaré Ebba Kalondo, porte-parole du président de la Commission de l’Union Africaine Moussa Feki.
Issues de l’Afrique, d’Haïti, les réactions sont remarquables, traduisent l’onde de choc. Elles tendent à mesurer le fossé existant entre une société nord-américaine disposant des meilleures universités du monde, dotées de ressources aptes à assurer une production scientifique de renommée internationale, et un ordre politique qui parvient à s’identifier à un homme de si faible ossature intellectuelle. Ces réactions soulignent la démesure, la construction d’un itinéraire qui n’est autre que celui d’un homme attaché à un monde clos et fermé sur ses insuffisances intellectuelles et sa sotte suffisance : la limitation de visa d’entrée à des pays musulmans, la volonté de construire un mur au Mexique dont les ressortissants sont jugés par Trump comme étant des délinquants et des violeurs, des haïtiens porteurs du virus du sida…
Ces réactions puisent leur fondement dans l’histoire du Continent africain, dans la mémoire historique d’Haïti. Le passé n’est jamais évoqué avec autant de fierté, d’inscription dans l’ordre universaliste qu’aujourd’hui. Face au présent hideux marqué par les défaillances visibles de l’Etat et la fuite des ressortissants issus des sociétés du Sud, le passé est convoqué comme refuge à la faillite des élites kleptocrates, l’impéritie des dirigeants, la paupérisation actuelle dans l’indifférence d’une élite cosmopolite. Le passé est réactivé face à un déficit de reconnaissance des Etats-Unis. Tel est le cas des haïtiens qui insistent sur leur apport à l’indépendance nord-américaine, liant la générosité de leurs ancêtres à une dépréciation du sacrifice imposé.
La diatribe trumpiste, qui mérite condamnation et ne s’appuie sur aucune justification, n’est guère anodine. Elle n’est pas non plus dépouillée de toute idée préconçue qui serait propice à une attitude désinvolte, qui serait dispensée de toute entreprise pensée et construite a priori. Ce serait aberrant de croire qu’on serait en présence d’une saillie improvisée de circonstances, sortie de la bouche d’un fanatique de la théorie de Gobineau. Il est plutôt question d’une rhétorique articulée à une stratégie et à une anticipation. La stratégie vise à élaborer un discours homogénéisant visant à regrouper au sein d’une catégorie d’exclus et d’humiliés dans le système international inégalitaire des pays anciennement asservis et noirs. Ils seraient constitués de pays qui sont travaillés par une démographie galopante accompagnée d’un taux de fécondité élevé, d’une masse importante de jeunes désœuvrés qui frappent à tous les instants aux portes de l’Europe, un terreau fertile à l’épanouissement de l’islamisme radical du moins dans certaines sociétés, une constellation d’Etats que les théoriciens pressés des think thank et des « experts » des institutions internationales affublent d’épithètes aussi subjectives que tendancieuses d’ « Etats voyous »(rogue states), « Etats faillis » (failed states), « Etats effondrés » (collapsed states).A Ces particularités correspondent des Etats en Afrique noire, intégrés comme tels, avec leurs faiblesses reconnues par les dirigeants des Etats-Unis d’Amérique, dont les ressortissants reprennent en chœur les responsabilités de ces derniers, dans les différentes crises de gouvernabilité.
La déclaration de Trump soulève l’émoi et le dépasse parce que ses propos sont crus, mais ils traduisent la construction d’un ordre oligarchique dominé par les Etats-Unis d’Amérique, porteurs de nouvelles indications en termes de hiérarchisation des Etats dans le système des relations internationales. C’est bien une reconfiguration annoncée dans le système international par la vision trumpiste. On distinguera des nations blanches, riches, qui n’entretiendraient des relations saines harmonieuses qu’avec des nations blanches et riches. Ce sont ainsi les nouveaux dominants du jeu international. Le critère de « race » deviendrait le référentiel nécessaire, comme une revanche aux catégories noires, métissées, latino-américaines qui ont accompagné Barack Obama à la présidence américaine. C’est la perspective naturaliste que Trump revisite, en plaçant l’homme blanc au sommet de la hiérarchie des races « pour en faire le symbole de l’humanité ». Il garde intacts les rapports sociaux décrits par le philosophe français :« Parmi ces hommes divers, le premier qui attire les regards, le premier en lumière, en puissance, en bonheur, c’est l’homme blanc, l’Européen, l’homme par excellence :en dessous de lui paraissent le nègre et l’indien. »(A. De Tocquevile, De la démocratie en Amérique, I, Ed. Flammarion, 1981, p. 427)
D’un autre côté, dans le système des relations internationales, dans l’optique trumpiste, les dominés seraient liés entre eux par les sentiments d’infériorité, d’anciens esclaves marqués par la colonisation, parce que repliés dans un espace virtuel où les traits communs sont ceux de l’inefficacité des politiques publiques, « le ressentiment et la rhétorique faites d’incantations, de malédictions et d’impuissance ». C’est sous cet angle qu’il convient d’analyser ainsi la géopolitique de l’humiliation ainsi esquissée par Trump.
Il pourrait toujours tenter de nuancer les effets de ses propos injurieux, ce qui est à retenir, c’est la définition d’une politique d’humiliation, consistant à organiser les pratiques diplomatiques, les rapports entre les nations, autour d’une nouvelle hiérarchisation. Elle suscitera de nouveaux rapports de force, de nouvelles formes de règlements, « de nouvelles relations de puissance », qui sécrètent de nouveaux « usages » non encore prévus par les normes diplomatiques jusqu’ici encore enseignées dans les manuels des relations internationales. S’y dessinent également de nouvelles tensions, notamment au Sud, de nouveaux ressentiments, de nouvelles représentations qui aggraveront les rancœurs léguées par la colonisation, l’exploitation, la spoliation des matières premières, les déséquilibres du commerce mondial, les inégalités entre les nations, les formes d’ingérence, les coups d’Etat, les massacres, les opérations de déstabilisation des gouvernements populaires défavorables aux intérêts nord-américains.
La banalisation des propos injurieux de Trump par Jovenel Moïse
La réception de la qualification de Trump renvoie à une présidence haïtienne incapable, et impuissante à donner la riposte diplomatique musclée pour un pays qui a porté haut l’étendard de la liberté et de l’émancipation des noirs, trainé dans la boue par le président d’un pays donneur de leçons et exportateur de la « démocratie ». Dans le contexte haïtien, la déclaration trumpiste a une connotation particulière, qui renoue avec la politique raciste des Etats-Unis d’Amérique envers Haïti depuis le XIXème siècle. L’emprise qu’ils y ont exercée avec violence et brutalité de 1915 à 1934, qui s’est renforcée depuis, s’est accompagnée « d’une dimension de discrimination raciste (inévitable avec l’occupant d’alors) du climat social créé par l’occupant pour une communauté noire à grande sensibilité raciale »(Lesly F. Manigat, La crise haïtienne contemporaine,1995,p.164).Comme les Etats-Unis ont érigé chez eux une société fondée sur la supériorité de l’homme blanc, ils ont investi énergie et volonté à faire autant en Haïti. Cette politique raciste introduite en Haïti avec violence, facilita la décomposition sociale, structura une société d’Apartheid, justement interprétée par Léon Laleau : « Un peuple qui, dans plus des huit dixièmes de ses Etats, a légalisé presque la haine du nègre, peut-il aider un peuple de nègres ? »Non contents d’être les promoteurs de la détestation, ils ont construit une politique d’humiliation faite de stigmatisation associant opportunité, arrogance et étouffement de toute contestation velléitaire, parce qu’il s’agit de contrer le statut de libératrice des frères du continent incarnée par Haïti et de forcer celle-ci à se placer sous la domination nord- américaine. Les eaux territoriales haïtiennes ont fait l’objet de violations flagrantes quinze fois au cours du XIXème siècle de la part des Etats-Unis d’Amérique. Ces transgressions des règles internationales « ont connu une croissance significative dans des circonstances similaires » pour protéger la vie et les biens des citoyens américains en Haïti en 1849, 1851, 1857, 1858, 1866, 1867, 1868, 1869, 1876, 1888, 1891,1892,1902, 1903, 1904, 1905, 1906, 1907, 1908, 1909, 1911, 1912, et 1913, auxquelles il faut ajouter l’intervention de 1994 et de 2004.
Il est question ainsi d’une humiliation qui renvoie à la banalisation de l’histoire haïtienne. Ce type d’humiliation se définit sur le plan intellectuel et philosophique par le refus d’assumer le lien entre la promotion du discours politique et philosophique et la révolution haïtienne qui l’inspire. Et quand un président d’un pays ne se montre pas offusqué des propos si injurieux à l’endroit de ses ancêtres et de ses concitoyens, c’est qu’il est un complice, c’est également une faute morale qui souligne son incapacité à assumer ses responsabilités ; ce qui mérite sanction de la part du citoyen et de ce fait, entraine son abdication
La posture d’un pleutre comme Jovenel Moïse, adopté aujourd’hui face à Donald Trump confirme la banalisation de la stigmatisation de Trump. En effet, timoré par les colères de son « patron », Jovenel Moïse procède, à la suppression des valeurs qui font la spécificité d’Haïti, ce qu’elle incarne dans la région, ce qu’elle est comme peuple avant-gardiste, elle qui contribue à la diffusion du projet universaliste de la liberté des noirs. La banalisation vise alors à effacer cette différence qu’est Haïti par rapport aux Etats-Unis d’Amérique, terre d’exclusion et de la haine raciale. Cette banalisation procède également par l’élimination des caractéristiques trop révolutionnaires, trop pionnières d’Haïti, de manière à attester auprès des autres peuples noirs, la futilité de la portée de l’acte libérateur, parce qu’il n’est pas soutenu par un bilan économique robuste.
La banalisation, dans le cas de Jovenel Moïse, vise au-delà d’Haïti, et c’est pourquoi, l’attaque de Trump est d’ordre global ; elle vise à rendre insignifiantes les victoires, « les acquis significatifs » des efforts engagées ailleurs, par exemple, par la Loi Taubira (21 mai 2001) qualifiant de « crime contre l’humanité la traite négrière transatlantique et l’esclave perpétrés à partir du XVème siècle par les puissances européennes contre les populations africaines déportées en Europe, aux Amériques et dans l’Océan Indien » (Article 1). C’est dans cet ordre d’idées qu’il faut également comprendre l’attitude du premier ministre britannique Tony Blair de l’Angleterre de refuser toute évocation « d’un crime contre l’humanité » et de lui préférer le terme « réparation ».
La banalisation peut être subie lorsque des modalités d’accès au pouvoir sont ambiguës, obscures, compromettant la légitimité de celui qui a la charge d’exercer la fonction de président, bénéficiant du soutien des Etats-Unis d’Amérique, et lorsque ces modalités ne sont pas maitrisées par celui-ci et pourraient influencer la stabilité du pouvoir, le dominé se réfugie dans la rhétorique oiseuse, craignant une diffusion plus large des réactions indignées des populations contre le dominant américain.
La banalisation peut être prolétarienne pour désigner la banalisation d’un acte, qui après avoir obtenu des gains importants en matière d’accès à la liberté, de l’émancipation des noirs, risque d’être inscrit dans le registre protestataire pour en faire une entreprise de cause. Dans ce contexte, la banalisation prolétarienne est vite transformée en dérive élitiste qui dessert les intérêts individuels, strictement fondés sur le maintien des avantages personnels, qui n’ont rien à avoir avec la défense de la dignité d’un peuple et de la souillure de sa mémoire.
La diplomatie est un domaine réservé du président de la république en Haïti. Il ne le partage, sauf dans les cas de désignation des diplomates et ambassadeurs avec le Sénat de la République. Ce partage est encadré par une procédure définie par la Constitution, associé avec le Sénat de la République. Le président haïtien, contrairement aux attitudes dignes de ses prédécesseurs face à des cas où la souveraineté et la dignité nationale sont attaquées, s’emploie à une lecture tout à fait nouvelle de ses responsabilités ; lui qui devait s’exprimer sans concession et sans faux-fuyants ,se montre tout à coup prudent, réservé ; il devient alors pusillanime, flasque, couard, lâche et impavide : voilà ce à quoi un pays s’expose quand il se voit confier son destin à des petits hommes, sans squelette, sans étoffe, sans caractère. Jovenel Moïse, toujours prompt à monter au créneau, à ratisser large, à absorber de façon gloutonne l’espace du pouvoir, se fait timide depuis les déclarations de Trump, se contentant du sous- traitement de la qualification injurieuse de Trump par le gouvernement.
« Le gouvernement haïtien condamne avec la plus grande fermeté ces propos odieux et abjects, qui, s’ils étaient avérés, seraient, à tous égards, inacceptables car ils refléteraient une vision simpliste et raciste totalement erronée », a écrit le gouvernement. « Ils seraient, de surcroît, incompatibles avec les liens multiples tissés par la longue histoire d’amitié et de convivialité qui unit les deux peuples des deux plus vieilles républiques » du continent américain, a-t-il ajouté. « Il y a lieu de croire qu’il s’agit, une fois encore, d’une véritable méprise tant ces déclarations insultantes et répréhensibles ne correspondent en rien aux vertus de sagesse, de retenue et de discernement que doit cultiver toute autorité politique investie de hautes fonctions », a-t-il poursuivi.
On voit bien que c’est une position à l’eau tiède, qui se cache derrière un préjugé, savoir, les déclarations de Trump seraient fausses et mensongères, alors que tous les médias occidentaux montrent la véracité de tels propos. C’est une preuve d’indignité : A. Camus écrivait dans Les justes qu’ « un chef a quelquefois le devoir d’être lâche. Mais à condition qu’il éprouve sa fermeté, à l’occasion. » Que le gouvernement ne tire pas bon usage de l’attitude digne de Lesly F. Manigat face aux Etats-Unis qui réclamaient la tête du Colonel Jean-Claude Paul. Si le ministère des Affaires Etrangères Latortue fut chargé de traiter avec les américains, ce ne fut pas une preuve de retrait de Manigat. Au contraire, certains professent que sa chute s’explique par sa réponse de dirigeant Haïtien digne, patriote.
Une fois de plus, les Américains, par le jeu subtil qu’ils maitrisent, rationalisé depuis 1915, pour affaiblir un Haïtien, à lui opposer un Haïtien « conforme à la posture favorable aux dominateurs » en trouvent en la personne de J. Moïse un fossoyeur des valeurs de dignité nationale. Ce qui nous conduit à réfléchir aussi sur l’examen du sens des commémorations mémorielles des présidents haïtiens, transfigurés en comédiens exaltant avec ironie le sacrifice des Dessalines, Christophe, Péralte…
Quelles réponses structurelles ? Pourquoi les dirigeants haïtiens sont-ils incapables de sortir ce pays de la boue ? Quels usages les Haïtiens ont-ils fait de l’indépendance pour que deux siècles après, leurs compatriotes sont honnis, expulsés, maltraités, vilipendés, arrêtés, persécutés, au Chili, au Brésil, aux Etats-Unis au Canada, en Guyane française, à Saint Martin…. ? La jeunesse souhaite avoir des réponses. La décolonisation s’explique notamment par la volonté de l’indépendance des sociétés soumises qui ont ressenti dans leur chair l’organisation sociale imposée par les maitres blancs qui finalement, ont été chassés, dans certains cas, forcés de plier bagages, dans d’autres. Mais les dominés ont toujours tenté d’apporter des réponses qui ont fait date dans les mutations du système international. Par exemple, la Conférence de Bandung réunissait les premiers décolonisés, rejoints par la Chine, et par le Front de Libération Nationale algérien et accompagna l’émergence de l’Indien Nehru, l’Egyptien Nasser, l’Indonésien Soekarno,le Pakistanais Mohamed Ali Bogra, le Sri Lankais John Kotelawala. A cette conférence ont participé plus de 30 pays invités dont 29 envoyèrent des représentants. Ils sont marqués au fer rouge par l’emprise coloniale et avaient en horreur les diverses formes de dépendance, de tutelle, de mise entre parenthèses de la souveraineté, d’étouffement de la liberté et d’oppression de l’humanité. Justement, des dix points retenus à cette conférence, il y a « le respect des droits fondamentaux », « de l’égalité des races et des nations. » et le discours de clôture de Soekarno dont il est utile de reprendre une partie : « Nous sommes unis…par une commune détestation du colonialisme quelle que soit sa forme. Nous sommes unis par une commune détestation du racisme. » (Asia,Africa : Bandung,Towards the first Century, Djakarta, Département des Affaires Etrangères,2005,p.40)
L’ombre de ces moments pèsera encore longtemps sur les Etats victimes de l’humiliation de Donald Trump qui entend recomposer l’ordre international à la lumière de sa conception raciste des rapports, qu’il désigne au gré de ses intérêts et de ses options à très court terme. On ne saurait sous-estimer que le système international n’est plus ce qu’il était, il y a 20ans, il est marqué non seulement par l’Europe qui vit mal son adaptation à la mondialisation, par l’émergence de la Chine qui n’éprouve aucune crainte et aucun complexe envers les Etats-Unis. Enfin, on ne peut négliger la sortie de l’Afrique « de la grande nuit » par son « insolence écologique », son taux de croissance à deux chiffres. Et désormais, comme l’explique B. Badie « le faible sait aujourd’hui que la mondialisation le dote de ressources nouvelles, qu’il peut peser sur les grands équilibres et les anciennes puissances, qu’il peut souffrir, mais qu’il peut aussi nuire. Le concert n’est plus un cénacle omnipotent. La force ne peut plus tout résoudre. La gouvernance ne peut plus vivre d’exclusion. « (B. Badie, Le temps des humiliés, p.233) La diplomatie, du côté des faibles, ne connait pas l’impunité, un jour ou l’autre, elle châtiera : la note que paiera Trump sera salée.
Jacques NESI