Conseil Présidentiel, de la création au scandale de corruption !

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Hans Jacques Ludwig Joseph, directeur de l’ULCC

(6ème partie)

 

Prétextant que sa sécurité est menacée vu qu’il a affaire à trois hautes personnalités politiques, Raoul Pierre Louis, à travers son avocat Me Sony Sonet, avait répondu par la négative à la convocation de l’ULCC. Dans une lettre responsive, il explique qu’il n’était pas disponible à cette date du 12 septembre 2024 étant à l’étranger au chevet de l’un de ses parents souffrant. Devant le constat de l’absence du principal accusateur et en présence des trois accusés qui ont tous été auditionnés une nouvelle fois par la Commission d’enquête de l’ULCC, il a été décidé de lancer une nouvelle convocation à Raoul Pierre Louis pour le lendemain, vendredi 13 septembre 2024, afin qu’il vienne confronter les 3 membres du CPT, cette fois en présence des autorités anti-corruption.

« M. Pierre-Louis ne s’est pas présenté. Les trois Conseillers étaient là. Des procès-verbaux de carence ont été dressés. On va certainement lancer une dernière convocation avant de tirer de telles conclusions que de droit. La loi portant prévention et répression de la corruption prévoit une infraction appelée entrave au bon fonctionnement de la justice contre toute personne qui refuse de fournir des informations et documents dans une enquête menée sur des faits de corruption » avait souligné pour la presse un membre de l’institution.

Là encore, comme c’était prévisible, l’ex-Président du Conseil d’administration de la BNC ne s’est pas présenté le 13 septembre. Tandis que les trois Conseillers-Président, Smith Augustin, Emmanuel Vertilaire et Louis Gérald Gilles vaquaient tranquillement à leurs occupations en attendant que l’ULCC, la justice et les parties prenantes du CPT prennent la décision qui s’imposait. Car, le sort de ces derniers demeure suspendu d’une part au rapport de l’ULCC et d’autre part aux plateformes politiques qui les avaient nommés au CPT. D’ailleurs, pour deux d’entre eux, la messe est presque dite dans la mesure où le cas de Smith Augustin est en cours de clarification avec la désignation auprès de la CARICOM du professeur Claude Édouard, le nouveau Secrétaire général du parti EDE, pour lui succéder. « Nous avons déjà envoyé à la CARICOM le nom du professeur Claude Édouard comme Conseiller Présidentiel en remplacement de Smith Augustin. M. Augustin est un ancien Conseiller-Présidentiel, nous avons du respect pour lui et nous lui souhaitons bonne chance dans ses nouvelles activités professionnelles. Démission ou pas, Smith Augustin est remplacé au Conseil Présidentiel. Les suivis seront faits » confirma la Direction de EDE. Par ailleurs, le processus pour remplacer le Conseiller-Président Louis Gérald Gilles est lui aussi déjà lancé.

Il sera remplacé soit par l’ex-parlementaire Vikerson Garnier, signataire de l’Accord du 21 décembre, soit par Marjorie Michel, membre influente du SPD et signataire elle aussi dudit Accord. Me André Michel, toujours très influent au sein de l’Accord du 21 décembre et qui semble assez actif dans le dossier, devait le confirmer dans une déclaration faite devant la presse le lundi 16 septembre 2024. « Le processus de remplacement de Louis Gérald Gilles avance très sérieusement. Le 21 décembre est un grand ensemble composé d’anciens ministres du gouvernement d’Ariel Henry, de partis et mouvements politiques majeurs, d’organisations de femmes, de jeunes et de divers groupes populaires et paysans. 

Il a fallu prendre le temps nécessaire pour consulter tout le monde.  A part quelques exceptions, je peux vous dire que nous sommes tous d’accord pour la mise à l’écart de Louis Gérald Gilles et son remplacement en attendant le verdict de la justice dans le dossier du scandale de la BNC.  Nous avons deux candidats dans le processus. Il s’agit de l’ancien député Vikerson Garnier et de Mme Marjorie Michel, ancienne ministre à la Condition féminine et aux droits de la Femme.  J’espère qu’un compromis va émerger dans les prochaines heures entre les principaux courants qui animent l’Accord du 21 décembre.

L’ancien Président du Conseil d’Administration de la Banque Nationale de Crédit (BNC), Raoul Pascal Pierre Louis.

Je demande une dernière fois à mon ami Louis Gérald Gilles de comprendre la complexité de la situation et que nous ne pouvons pas laisser ce dossier prendre le processus de Transition en otage » précisait-il. Le mardi 1er octobre 2024, l’ULCC a fait circuler volontairement dans la presse quelques brides d’informations sur la sortie imminente du Rapport concernant les trois Conseillers Présidentiels. A en croire les médias qui ont eu un accès privilégié audit Rapport très attendu par l’opinion publique, les accusions sont très compromettantes pour Louis Gérard Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin. Le pays retient donc son souffle autant que les trois intéressés qui comprennent qu’ils ne sortiront pas de sitôt du pétrin. Le quotidien Le Nouvelliste a immédiatement interrogé une de ses sources travaillant à l’institution anti-corruption pour avoir plus de détails en attendant que le Rapport soit rendu public. Sa réponse, certes assez évasive, a tout de même confirmé qu’il existe un risque pour les accusés que l’affaire aille chez un juge d’instruction.

« Je sais qu’il existe des éléments compromettants. L’enquête s’est concentrée sur les faits dénoncés et quelques infractions assimilées. Si une enquête pénale a pu identifier des éléments compromettants, il est très fort probable que soit recommandée une enquête judiciaire plus approfondie avec des moyens légaux plus importants dont seul un juge d’instruction dispose. Les enquêtes de l’ULCC sont toutes pénales. A quelques rares exceptions, l’institution peut conduire une enquête de conformité qui peut également déboucher sur des infractions pénales » avançait déjà la source du journal. Au cours de cette journée, la capitale haïtienne était agitée. Les journalistes couraient d’un bout à l’autre de la ville en quête de confirmation que l’Unité de Lutte Contre la Corruption était bien sur le point de livrer le Rapport le plus attendu de la République s’agissant d’un document mettant en cause trois des neuf Conseillers Présidentiels pour acte de corruption.

Mise sous pression, dans l’après-midi, la direction de l’ULCC émet une note d’invitation à l’intention de la presse pour venir assister à la remise officielle dudit Rapport aux autorités judiciaires le mercredi 2 octobre 2024 au siège de l’institution situé à Delmas 83. Après publication de cette note officielle, dans les rues de Port-au-Prince, on ne parlait que de cette affaire. En revanche, les médias apportaient un écho particulier en invitant par-ci par-là des spécialistes du Droit à venir s’exprimer sur la question. Ce d’autant plus que les concernés, c’est-à-dire les trois accusés, n’ont cessé de clamer leur innocence tout en mettant en doute l’objectivité de cet organisme public et autonome.

Comme annoncé, le mercredi 2 octobre 2024 à 10 heures, le siège de l’ULCC était rempli comme un œuf non seulement par des journalistes accourus sur les lieux, mais aussi par des curieux voulant être les premiers à avoir la primeur de ce Rapport qui confirme ce qui était en réalité un secret de polichinelle, à savoir la tentative de corruption de cent millions de gourdes auprès du Président du Conseil d’Administration de la Banque Nationale de Crédit (BNC), Raoul Pascal Pierre Louis. Lors de cette cérémonie officielle, d’emblée, le Directeur de l’ULCC, Me Hans Jacques Ludwig Joseph, a fait remarquer que ce Rapport sur les allégations de corruption porté contre trois hauts responsables de l’État est une première en Haïti.

Dans son allocution de circonstance, le Directeur insistait que personne n’est au-dessus de la loi et que son organisme a travaillé en toute objectivité et n’a cherché à acculer personne. Hans Jacques Ludwig Joseph insistait sur l’indépendance de l’ULCC qui est au service de la Collectivité et non pas d’un pouvoir quelconque ou d’une entité politique. D’où sa recommandation de l’élaboration, l’adoption et la publication d’un Code d’éthique des agents de l’administration publique par les autorités politiques en vue de faire cesser de telles pratiques dans les administrations publiques haïtiennes. Dans leur Rapport, les enquêteurs de l’organisme anti-corruption, compte tenu des informations dont ils disposent, n’hésitent pas à recommander d’envoyer les trois Conseillers-Président devant la justice. Mais la Commission d’enquête ne se limite pas aux principaux accusés et l’ex-Président de la BNC. Les noms d’autres individus ont aussi apparu au cours de l’enquête.

Ainsi, plusieurs d’entre eux ont été appelés à comparaitre devant la justice dans le cadre de cette affaire. Voici un extrait du discours du Directeur général, Hans Jacques Ludwig Joseph, et du Rapport d’enquête de l’ULCC qui a été présenté à la presse et remis aux autorités judicaires le mercredi 2 octobre 2024 « Aujourd’hui nous sommes en train d’assister à un événement sans précédent dans l’histoire politique et institutionnelle haïtienne où des hauts responsables de l’État qui assurent les attributions présidentielles sont impliqués dans un scandale de corruption. Les conclusions de l’enquête conduite par la Commission mandatée à cette fin sont sans équivoques sur des atteintes à la probité de ces personnalités qui sont également des agents publics avec la responsabilité de réduire les inégalités sociales et de s’assurer du bon fonctionnement des institutions de l’État. Ce rapport d’enquête concernant les allégations de sollicitation de 100 millions de gourdes, effectué avec un élan d’objectivité, est aussi un plaidoyer pour la bonne gouvernance et l’usage strict de l’intégrité dans la gestion de la chose publique. Il y a moins d’un mois, l’ULCC a transmis à la justice sept rapports d’enquêtes sur des faits avérés de corruption mettant à nu un petit groupe qui développe un élan d’individualisme possessif au détriment de l’intérêt collectif.

Je veux rappeler que les juges sont appelés à décider en tout indépendance en priorisant l’intérêt général tout en s’efforçant de résister aux forces occultes détentrice d’avoir important issu des actes de corruption qu’ils sont tenus de réprimer. L’ULCC recommande la mise en mouvement de l’action publique contre les nommés Smith Augustin, Emmanuel Vertilaire et Louis Gérald Gilles pour abus de fonction, versement de pots-de-vin et corruption passive, ce, conformément aux dispositions des articles 5.5, 5.6 et 11 de la loi du 12 mars 2014 portant prévention et répression de la corruption. L’ULCC recommande également la mise en branle de l’action publique contre le nommé Raoul Pascal Pierre-Louis pour entrave au fonctionnement de la justice et abus de fonction, versement de pot-de-vin, corruption active, faits prévus et punis conformément aux dispositions des articles 5.5, 14, 21 de la loi du 12 mars 2014 portant prévention et répression de la corruption; la mise en mouvement de l’action publique contre le nommé Lonick Léandre pour instigateur de versement de pot-de-vin, fait prévu et puni par les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 5.6 de la loi du 12 mars 2014 portant prévention et répression de la corruption. »

Mais, il n’y a pas que ces recommandations. Le public découvre stupéfait, avec la publication du Rapport, combien Louis Gérard Gilles, Emmanuel Vertilaire et Smith Augustin, en devenant Conseillers Présidentiels, ont fait une bonne affaire si l’on peut parler ainsi. Déjà, l’enquête a fait ressortir que Raoul Pierre-Louis avait, dans un premier temps, accepté d’entrer dans la combine. Il avait proposé et mis à la disposition des trois Conseillers Présidentiels tout un mécanisme pour vider les caisses de cette banque commerciale publique. Les fins limiers de l’ULCC ont réussi à faire parler les Conseillers, notamment Smith Augustin qui n’a jamais accepté qu’il soit un corrompu. En voulant jouer à la transparence, il s’était mis à table, comme on dit dans le jargon des enquêtes policières, pour délivrer des informations qui ne laissent aucun doute sur le train de vie royale d’un Conseiller Présidentiel haïtien.

Outre la vie de château que mènent les 9 membres du Conseil Présidentiel de Transition sans exception, l’enquête de l’organisme anti-corruption a mis au jour un système bien rodé de corruption à la Carte bancaire au sein de la BNC. Ce système dit Carte de crédit est la porte ouverte à toute forme de corruption et de lapidation des fonds publics. Les responsables de l’ULCC ne se sont pas gênés pour mettre à la disposition du public, à travers la presse, des copies du résumé du Rapport dans lequel on apprend des choses ahurissantes sur la manière dont les Conseillers Présidentiels, en tout cas, les trois impliqués officiellement dans le scandale de cent millions de gourdes, ont procédé avec celui qui était encore Président du Conseil d’Administration de la BNC, Raoul Pascal Pierre-Louis dans le but de son maintien à la tête de cette institution bancaire.

En effet, selon la Commission d’enquête, Emmanuel Vertilaire, Smith Augustin et Louis Gérard Gilles ont bénéficié d’une Carte de crédit, d’un prêt, plus d’une ligne de crédit quasiment sans limite dans le cadre d’un échange donnant-donnant, c’est-à-dire qu’il soit reconduit à la tête de la banque publique. Un marché qui constitue, d’après les enquêteurs de l’ULCC, un pacte de corruption entre le corrupteur et les corrompus. Mieux, en suivant le fil rouge de cette affaire, la Commission s’est aperçue que les trois hommes n’étaient pas les seuls à avoir bénéficié de ce circuit bien organisé de la corruption. Il y a eu des intermédiaires et d’autres bénéficiaires à l’instar d’un certain Lonick Léandre dont le nom apparaît souvent dans la bouche de certains Conseillers-Président. Enfin, le Rapport révèle que les mis en cause ont paniqué à partir du moment où ils ont appris que le Premier ministre Garry Conille avait transmis le dossier à l’ULCC.

Ainsi, ils avaient commencé à rembourser la BNC en de très faible quantité. Mais, cela n’a pas empêché la Commission de découvrir le subterfuge et de mettre au grand jour ce qu’on peut considérer comme un réseau de malfaiteurs à col blanc. (…) « La Commission note qu’en proposant à ces membres du CPT une Carte de crédit, un prêt ou une ligne de crédit et leur présentant la liste des biens hors exploitation de la BNC en échange de sa reconduction à la tête du Conseil d’administration de ladite Banque, Raoul Pascal Pierre-Louis a défini un pacte de corruption dont la première entente commençait avec Lonick Léandre et Smith Augustin. Les Cartes de crédit émises au nom des sieurs Smith Augustin, Emmanuel Vertilaire, Louis Gérald Gilles et Lonick Léandre sont des Cartes de crédit pré-approuvées. Les Cartes pré-approuvées, selon les règlements de la BNC, sont accordées directement par le Conseil d’administration de la BNC. Dans le cas des membres du CPT, les Cartes de crédit ont été imprimées sur instructions formelles et expresses du Président du Conseil, monsieur Raoul Pascal Pierre-Louis, et non celles du Conseil d’administration.

La Commission d’enquête a effectivement retrouvé dans les dossiers de ces Cartes de crédit, les notes manuscrites de M. Pierre-Louis instruisant les services compétents de la BNC pour non seulement octroyer ces Cartes, mais aussi d’en augmenter leur limite de crédit. Ce qui confirme que l’émission de ces Cartes de crédit a été directement et personnellement décidée par M. Pierre-Louis dans le cadre des discussions entamées pour sa reconduction à la tête du Conseil d’administration de la BNC en dehors de toutes régularités et exigences administratives. Entre le 27 mai et le 11 juillet 2024, Smith Augustin a effectué quinze achats totalisant la somme de huit cent soixante-douze mille deux cent vingt gourdes et quarante centimes (872,220.40 gourdes) contre aucun remboursement jusqu’à ce que la BNC ait bloqué sa Carte le 28 juillet 2024 pour non-paiement » (…) (A suivre)

 

C.C

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