Le rêve de toute opposition à un régime politique quelconque c’est d’abord remplacer le gouvernement en exercice pour appliquer une autre politique jugée conforme aux intérêts, aspirations et revendications sociales des masses.
Les mésententes constatées entre le pouvoir en place identifié par l’Accord de Musseau et celui de Montana élargi, du PEN modifié et du GREH ne le prouvent pas. D’ailleurs, ils ne sont pas tout à fait antagoniques, ils entretiennent entre eux des liaisons quasi chimiques. Voilà pourquoi, ils veulent dialoguer pour arriver à une entente, la plus consensuelle possible. Un paravent derrière lequel, ils poursuivent leurs objectifs de toujours, à savoir faire taire la voix du peuple pour que s’élève celle des capitulards de la classe politique.
Il est indéniable que les deux protagonistes veulent une négociation pacifique et non engager dans une lutte. C’est dans ce contexte résolument amical, que le Bureau de Suivi de l’Accord de Montana (BSA) propose une délégation qui a pour mission de conduire le dialogue politique avec le pouvoir en place et ses alliés afin, selon eux, « de trouver le consensus nécessaire au rétablissement de la paix, la stabilité politique, la sécurité et l’amélioration des conditions de vie de la population ».
Délégation composée entre autres de Dunois Eric Cantave, Antoine Rodon Bien-Aimé, Ernst Mathurin, Patrick Joseph, Hugues Célestin, Jacques Ted Saint-Dic et Magali Comeau Denis devant conduire les négociations politiques avec le secteur de Musseau sous la direction du Premier ministre de facto Ariel Henry, du Secteur Démocratique et Populaire, du MTV, du PHTK sans oublier Fusion et Unité, pour ne citer que ceux-là.
les dupes de la classe politique lient leur sort aux puissances impérialistes qui veulent assurer de façon durable sa propre domination économique, politique et idéologique.
La politique de consensus pour cette classe implique de temporiser, de nourrir de faux espoirs, de se livrer à des manœuvres creuses pour continuer à tromper les masses défavorisées. C’est à ce compte que les dupes de la classe politique qui lient leur sort aux puissances impérialistes veulent assurer de façon durable sa propre domination économique, politique et idéologique.
Leur démarche n’est pas innocente. Elle est frappée du sceau de la classe sociale qu’ils représentent, vu que l’approche classique de la bourgeoisie n’est pas de transformer l’Etat mais de le reformer à son profit et pour en assurer son hégémonie. Et pour cela, ils n’ont qu’un seul choix face au peuple : « antann pou n antann nou » « Accepter de nous entendre » ! Une politique mystificatrice, sacralisant en paroles et en actions la cause haïtienne tout en prenant bien soin par leur opportunisme de récupérer et d’étouffer tout mouvement populaire.
Et quelle suprême ironie, quand le BSA dans sa correspondance à Ariel, a indiqué : « Nous sommes prêts à poursuivre le dialogue politique pour aboutir à une transition conduite par des dirigeants jouissant de la légitimité citoyenne afin de mettre fin à l’insécurité, au kidnapping, à la cherté de la vie, aux crimes et aux massacres ». Comme une sorte de moquerie de la lutte du peuple, il a ajouté : « Humblement, face à la douleur du pays et par respect pour la bataille du peuple haïtien, nous invitons Dr. Ariel Henry et ses alliés à former leur délégation afin d’entamer les discussions et signer un engagement pour sortir le pays de l’impasse ».
Ces fractions des classes dirigeantes étroitement liées à l’impérialisme américain et qui en dépendent de lui contre les masses ouvrières sont à la recherche d’un compromis historique. En fait, l’essentiel est que le leadership politique se retrouve invariablement entre les mains de ces marionnettes de la classe politique, c’est-à-dire, entre les mains de la classe dominante.
Pourtant, les événements montrent chaque jour davantage que deux classes sociales aux intérêts profondément contradictoires se font face dans le pays. Si certains partis de gauche ont, dans les faits et actions, convergé avec ceux de droite pour appliquer le projet impérialiste afin de combattre les masses populaires dans leur quête de changement, il reste à savoir quelle pourrait être l’attitude du mouvement populaire dans son ensemble à l’égard des initiatives de Musseau et de Montana ?
Il en découle que des courants pseudo-gauches ont définitivement renoncé au grand objectif de la transformation sociale. Par cet acte d’abandon, ils tentent de conduire le prolétariat haïtien à abandonner aussi sa lutte révolutionnaire contre l’impérialisme. En aucune circonstance les travailleurs et ses organisations d’avant-garde ne doivent se laisser détourner, désorienter de leur mission historique de combattre la bourgeoisie et ses représentants authentiques au sein de la classe politique jusqu’à les renverser.
Le consensus que recherche ce ramassis d’hommes et de femmes sans scrupules n’est qu’une manœuvre pour désarmer à jamais les masses populaires. Il suffit de remplacer « consensus » par « complot » et « désarmer » par « liquider » pour que toute la vérité soit faite et devienne claire dans l’agenda des pantins de la classe politique haïtienne.
Seules les contradictions de classe peuvent acter la rupture pour déboucher sur de nouvelles luttes et peut-être même sur des révolutions avec un grand « R ». Il revient aux organisations populaires et politiques anti-impérialistes, issues de la classe ouvrière et des misérables paysans, d’aiguiser les contradictions, de révéler les compromissions et d’accomplir cette tâche difficile, mais combien indispensable, afin de reconstruire une représentation politique fidèle aux intérêts des travailleurs tout en leur offrant une alternative révolutionnaire.
Seule la classe ouvrière organisée est capable de mener la lutte contre les classes dominantes, raviver l’espoir et l’enthousiasme chez les travailleurs et la jeunesse. Elle, seule, en dépit de tout, par une mobilisation constante, est capable d’instituer une vraie rupture avec les puissances impérialistes et de débarrasser le pays de l’exploitation, de l’oppression et de la misère.