Au tout début des années 1950, l’artiste Guy Durosier racontait dans une de ses chansons comment il avait été requis d’aller chercher un ti filleul de sa mère, un bonhomme de Léogane qui n’avait jamais quitté la cité d’Anacaona. Il était question de l’emmener voir les “merveilles” de Port-au-Prince, de lui faire prendre contact avec l’élégance et la modernité de la capitale.
C’était la “belle époque” du “Bicentenaire”, des néons introduits par l’édilité sous Estimé, de l’hôtel-dancing Cabane Choucoune, du Casino international, du boulevard de l’Exposition, du Théâtre de verdure où performaient le Jazz des Jeunes et la Troupe Folklorique Nationale, sans oublier “la frontière” sur la route de Carrefour avec ses filles de joie panyòl tout “allumées”. Bref, une atmosphère rutilante, flamboyante, resplendissante, qui allait émerveiller vye fanmi Leyogàn nan.
Comme le neveu léoganais n’avait auparavant jamais vu pareilles rutilances, flamboyances, éblouissances et émerveillances, dès son arrivée à Port-au-Prince, il n’arrêtait pas de poser des questions: “Cha cha ye cha ?” Les réponses tombaient au fur et à mesure: men, sa se Simbi monchè, sa se Cabane Choucoune, sa se Palais national, sa se Rex théâtre avec ses néons qui font zip zip zip, sa se yon gwo fi, entendez une de ces donzelles des boîtes de nuit attirée par le ti filleul qui semblait respirer des dola vèt. Le visiteur en eut pour sa curiosité. Comblé et émerveillé, le cher cha cha ye sa fut, après une semaine, confié à un bus qui le ramena à Léogane.
Alors, inspiré par le ti filleul léoganais, je me suis adressé, par voie télépathique, à l’inculpé Jovenel. Je voulais en avoir le coeur net avec les déclarations surprenantes et choquantes de son mentor et frère idéologique, Michel Martelly, l’homo grouillans, le “bandit légal” qui s’était vanté publiquement d’avoir investi dans les hôtels Oasis, Best Western et Mariott l’argent (de PetroCaribe) qu’il a “volé”.
Ne pouvant contenir mon indignation, j’ai admonesté l’inculpé: “ Vous êtes supposé être la référence morale de la nation, le “Guide suprême” (un peu comme l’Ayatollah Ali Khamenei d’Iran), le “Génie de la paysannerie”, le “Fils adoptif de la bourgeoisie”, “l’Aigle de l’Artibonite”, et tout le pays a les yeux tournés vers vous. Voilà que vous avez laissé passer un tel aveu public de vol comme une lettre à la poste. Cha cha ye cha, qu’est-ce que c’est que ça? Si ce n’est une évidente complicité, un cacher-feuilles pour ne pas avoir à mobiliser la justice?
Oui, président inculpé Jovenel, cha cha ye cha? Il parait que le titre de “Guide suprême” ne vous suffit pas. Du jour au lendemain, ou deklare w sèpan, epi vous vous êtes arrogé le grade de “Limogeur suprême”. Est-ce un lwa bosal qui vous aurait nuitamment chevauché et qui vous aurait porté à faire un nettoyage autour de vous. “Nettoyeur suprême”, vous avez limogé votre directeur de cabinet particulier, le zélé, l’argenté Wilson Laleau, et vous vous êtes débarrasé de votre secrétaire général de la présidence, le chien fidèle Yves Germain Joseph. Men, cha cha ye cha? Vous voilà tout à la fois “Limogeur suprême”, “Nettoyeur suprême” et “Débarasseur suprême”. Dingue! Ça vous fait un bien beau palmarès!
Président inculpé, vous avez poussé pas mal loin votre humeur débarrassante puisque profitant de votre “génie paysan”, vous avez jeté dans la poubelle de vos accointances bourgeoises ces fils du peuple que furent vos conseillers spéciaux Ardouin Zéphirin, Guichard Doré, Christine Coupet Jacques, Liné Balthazar, Marie Esther Antoine, Reynold Georges, Enold Joseph, Gerd Pasquet, Jose Joseph Daniel, Erns Excéus. Pauvre Guichard Doré qui s’est donné tant de mal pour vous conseiller stupidité après stupidité. Cha cha ye cha? Un “Guide” vraiment ingrat, n’est-ce pas ?…
Le président inculpé saisit le deuxième pli et le PM de demander: cha cha ye cha?
J’avoue que j’ai eu le coeur serré de vous voir lâcher vos superbes quoiqu’inutiles conseillers-sousou Jean Renel Sanon, Everson Calixte, Guy Michel Vincent, Andris Riché, Georges Stanley Lucas, un ramassis de sinécuristes de type gratesanti, ainsi que l’incurable Lucien Jura, porte-parole sirupeux, pédant, hautain mais parfait dans son rôle de lèche-cul du prince.
En passant, le brave Jura me rappelle étonnamment le furieux propagandiste thuriféraire de Duvalier père, l’indépassable Moril Figaro. Quand les barbouzes de Papa Doc avaient torturé Shibly Talamas au point de le faire passer de vie à trépas, Moril, pour dédouaner l’odieux crime, s’était gargarisé d’un mémorable commentaire: “Le malotru pesait dans les 290 livres, donc difficile à maîtriser”. Avant d’oublier, permettez que je vous le dise: je suis tellement heureux, monsieur l’inculpé, que vous ayez gardé près de vous la granpanpante Tamara Orion. Comme ses petites gaffes maladroites me laissent avec cet irrépressible fou rire!
Et maintenant, cha cha ye cha ? Sa a, c’est un Premier ministre. Novice dans le métier, ce qu’il est marrant celui-là! Il dit n’importe quoi et il n’a encore trouvé personne pour lui dire d’arrêter de déconner. Tenez, ce que pense ce déconnard de son patron: « Beaucoup de gens disaient que ça n’était que des mots, mais il a joint la parole aux actes. Des personnes de son entourage sont indexées, le président n’a pas dit qu’elles étaient coupables, personne ne l’a dit, mais, pour que tout se passe sainement (sic), le président a décidé de débarrasser l’environnement de ces personnes indexées dans Petrocaribe sans donc pour autant reconnaître qu’elles sont coupables de quoi que ce soit (resic). C’est la justice qui dira qui est coupable et qui ne l’est pas.» Ma parole, ce qu’on peut être nul et con à la fois!
Mais “pour que tout se passe sainement”, pourquoi le président lui-même, un inculpé, ne “joint-il pas la parole aux actes?” Pourquoi ne “s’indexe-t-il” pas? Il ne reconnaitrait pas pour autant qu’il est coupable. Personne ne l’aurait dit. Personne ne le lui aurait dit non plus. Il n’aurait fait que “débarrasser l’environnement” de son encombrante, inquiétante, affligeante personne. La justice “dirait bien qui est coupable et qui ne l’est pas”. Tout le monde en aurait le coeur net.
Et cha cha ye cha ? Sa a, c’est un ancien Directeur général de la Police nationale d’Haïti (PNH) du nom de Godson Orélus qui a été arrêté. Le juge d’instruction Luméran Dieunel près le tribunal de Première instance de Saint-Marc a fait écrouer Orélus “inculpé de complicité de crime transnationale, trafic illicite d’armes à feu, de munitions et d’association de malfaiteurs”. Le malheureux “fils de Dieu” (Godson) n’a bénéficié ni de l’intervention de son Père qui êtes aux cieux, ni de celle de son frère qui est sur la terre, le voyou Martelly dont Godson aimait la couleur rose pour manifester sa fidélité au “bandit légal”.
Cha cha ye cha ? Sa a, c’est l’ancien ministre de la Culture et correspondant de l’agence Reuter, l’inénarrable, l’indécrassable, l’irresponsable, l’irrécupérable, l’increvable, Guyler C. Delva qui avait cru impunément faire des siennes dans les locaux du bureau de l’immigration. Delva, arborant des allures gwoponyettardes, tentait d’aider (sic) quelqu’un (une petite amie?) à obtenir un passeport. La responsable de la section «Validation des dossiers de province» aurait refusé de donner suite à la démarche du gros paletot de la Culture parce que le dossier comportait des anomalies.
Une vive dispute aurait alors éclaté. Delva retroussant ses manches et ses janm kanson, mécontent et frustré, aurait pris en photo et bousculé l’employée, avant de renverser les bureaux ainsi que les ordinateurs. Mal lui en prit puisque d’autres employés, indignés du comportement bestial de l’animal se seraient ligués contre lui et l’auraient roué de coups et administré pas mal de taloches et de sabords mérités. Le petit filou, débordé par le nombre, aurait filé sans demander son reste.
Et cha cha ye cha ? Sa a, c’est le directeur départemental de l’Ouest de la Police nationale d’Haïti (PNH), Berson Soljour qui s’est amené sans y être invité au palais de Justice le mardi 9 octobre écoulé. Se croyant encore à l’époque des Frank Romain, Ti Bobo et consorts, le malotru a giflé un avocat sur les lieux et sauvagement agressé le greffier en chef Wilbert Rhau en lui brisant sur la tête sa radio de communication.
Raison? Le personnel du tribunal n’avait pas obtempéré de façon diligente à ses ordres de faire évacuer la salle où un attroupement commençait à inquiéter le malandrin de la PNH. Lâche comme lui seul et se sentant coupable, le malveyan s’est réfugié dans le bureau du Commissaire du gouvernement Ocname Daméus d’où il a pris la poudre d’escampette. Ah le couard, le pantouflard, le froussard, le capitulard, le salopard!
Voilà que au cours de mes virées et dévirés j’aperçois dans les parages de l’hôtel El Rancho un type ensoutané, il est comme à la rongnaille. Cette rongnaillerie agace ma curiosité. Je m’enquiers, men, cha cha ye cha? On me répond: sa a c’est le cardinal Langlois. Chaque matin, il vient se promener aux abords de l’hôtel, dire ses oraisons. Il paraît qu’il est nostalgique des “accords”, ce summum de la corruption auquel il s’était prêté pour dépanner Martelly en difficulté. Il est encore en réserve de toute manoeuvre de corruption. Au moindre akasan, il est prêt à siroter. à donner sa cardinale bénédiction et montrer à l’inculpé Jovenel les quatre points cardinaux d’un autre grand “succès” politique, à la El Rancho…
Men, cha cha ye cha ? Sa a ce sont les deux têtes vides de l’Exécutif, le “génie paysan” et le “génie de Bourdon” discutant de leur volonté de mettre sur pied une commission indépendante (sic) qui aura la possibilité de vérifier les différents mécanismes utilisés par les institutions en charge du dossier Petrocaribe. Jean Henry Céant, le notaire de Bourdon, bourdonne que les institutions judiciaires impliquées dans les recherches liées à cette affaire petrocaribéenne jouiront d’accompagnements et d’encadrements nécessaires, c’est-à-dire: salaires généreux, voitures blindées, chauffeurs, gras per diem, agents de sécurité, gazolin agogo pour les deux années à venir, jusqu’aux conclusions’ de la commission.
Alors qu’ils sont en conciliabule, s’amène un serviteur zélé porteur de deux dépêches. Anxieux, fronçant les sourcils, l’inculpé demande: cha cha ye cha? Il prend un premier pli et le lit: « De source certaine, il semble imminent que le Conseil de sécurité de l’ONU fort de clauses relatives au droit de l’institution d’intervenir dans les États faibles, faillis, pourris, gangrenés, putréfiés, dirigés par des leaders corrompus, a déjà pris les dispositions nécessaires pour mettre sur pied le “Tribunal spécial Petrocaribe” qui viendra enquêter, juger et condamner les Petrobambocheurs, les Petromalfaiteurs, car «personne n’utilisera ce combat afin que des innocents aillent en prison, et que les coupables circulent en toute quiétude » .
Le président inculpé saisit le deuxième pli et le PM de demander: cha cha ye cha? Alors, tremblotant, le “génie de la paysannerie” qui se sait condamnable, lui et son entourage, lit le machin: « Il est porté à la connaissance des intéressés que tous ceux qui auront été trouvés coupables d’avoir “mangé” l’argent de Petrocaribe seront passibles de peines allant de quinze à quarante ans de prison ferme. Le “Tribunal spécial Petrocaribe” ne faisant confiance à aucun centre pénitentiaire dans un État failli, les peines appliquées seront purgées dans une prison de haute sécurité soit en Floride, soit à la base de Guantánamo.
Et le PM de se pencher à l’oreille du président: kèt, Jomo, nou mouri…
28 octobre 2018