La dépendance d’Haïti vis-à-vis de l’impérialisme se fait sentir chaque jour avec beaucoup plus de vigueur et d’acuité. La dégradation des conditions de vie met les masses populaires dans une situation terriblement critique. Mais, comment mettre fin à cette gangrène qui a déstabilisé systématiquement notre pays ?
Dans la confrontation des idées sur les méthodes et les formes de lutte à entreprendre, il existe des conceptions qui, par leur essence, sont l’expression du pur opportunisme politique. Elles ne font que traduire les vœux des classes dominantes locales et internationales de sorte que rien ne change. En fait, elles provoquent beaucoup plus de questions qu’elles n’apportent de réponses.
La classe politique, des organisations ou partis se réclamant de la droite et d’une certaine gauche font chorus autour d’un terme qui n’est pas tout à fait nouveau : le Consensus. Cette recette est souvent la même partout : représentants de l’ancien régime et de l’opposition – souvent sous l’égide des grandes puissances – se mettent autour d’une table et s’accordent pour préserver l’essentiel des acquis de l’ancien régime, avec quelques changements cosmétiques.
La transition consensuelle ! La classe politique clame à tout bout de champ ce leitmotiv pour être la condition sine qua non devant mettre fin à cette descente aux enfers, ainsi la construction d’un consensus nécessaire devient le slogan à l’ordre du jour.
on a affaire à des gens qui n’ont aucun problème à s’unir avec le diable pour sauvegarder leurs petits intérêts.
En réalité, on a affaire à des gens qui n’ont aucun problème à s’unir avec le diable pour sauvegarder leurs petits intérêts. Ils ne comptent pas sur leur propre force mais sur les sympathies, protections et soutiens des puissances dominantes. Ce ne sont pas l’avenir et les aspirations populaires qui les commandent, mais bien la leur de se lancer dans une quelconque aventure avec des projets sans fondements qui privilégient l’éphémère par rapport au durable.
Cette vision de la lutte ne repose pas sur des principes et n’a aucune légalité constitutionnelle. Les néo-colonisés ont toujours à l’esprit de copier ce qui se fait ailleurs sans tenir compte de leur propre réalité. La République voisine s’est relancée juste après un « Pacte pour la démocratie», signé par José Francisco Peña Gómez et Joaquín Balaguer le 10 août 1994. Les acteurs haïtiens pensent qu’ils peuvent guérir leurs maux avec la même prescription. Pourtant, Haïti et la République dominicaine ne souffrent pas de la même maladie, donc nous ne pouvons soigner notre mal avec la même pilule. D’autant plus que, ils n’ont pas les mêmes contentieux historiques à résoudre avec l’Occident, particulièrement les anciennes puissances esclavagistes. Ce ne sont que des scénarios improbables. Des hypothèses téméraires. Des pronostics sans fondements sérieux. Tout ce qu’on peut dire, les faits sont là. Il est clair, nous ne faisons que répéter les mêmes erreurs, les mêmes faux pas, les mêmes illusions puisque nos pendules ne sont jamais à l’heure. Pourquoi ne suivons-nous pas l’exemple récent du peuple Malien qui a osé déclarer à l’impérialisme français « La France dégage du Mali » ?
Evidemment, la classe dirigeante haïtienne n’est pas prête à laisser ses privilèges et ses pouvoirs au profit des aspirations populaires. Elle préfère s’atteler au char d’indignité, de haine de l’impérialisme américain pour que ce soit le statu quo, pour ne pas liquider la réalité néocoloniale. La complicité ne peut-être plus grave, plus ignoble.
A ce compte, on ne peut rien attendre de positif des partis et organisations sociopolitiques qui, peu ou prou, partagent, au fond, les mêmes sentiments que l’oligarchie corrompue au service des puissances tutrices. Steven Y. Benoît, au sujet de la loi Biden sur Haïti n’a-t-il pas déclaré triomphalement : « Les lignes bougent. Nous, au niveau de Montana, nous nous en réjouissons. Notre cri est finalement entendu. Mieux vaut tard que jamais ». N’est-ce pas une réaction de platitude d’un zélé serviteur de la cause impérialiste ?
Il nous faut en finir avec l’humiliation du siècle, celle de la persistance de cette domination. Nous ne pouvons plus continuer à susciter une politique d’immenses promesses et espoirs pour générer que des déceptions. Une sorte d’abstraction politique sans bénéfice tangible pour les masses populaires.
Se reconstruire une vie. Imaginer un avenir décent pour nos travailleurs, nos jeunes et paysans passent d’abord par la destruction du mur de la domination impérialiste. Il nous faut nous affranchir de cette tutelle. Si nous sommes incapables de sortir de cette domination ou de cette dépendance humiliante, méprisante de l’impérialisme américain, toutes nos luttes seront vaines, c’est se laver les mains pour les essuyer par terre. Ce sera « L’Effort dans le mal » pour citer l’anthropologue et nationaliste haïtien Anténor Firmin.
Il ne peut exister aucun changement fondamental qui ne soit l’œuvre des masses populaires orientées par un parti d’avant-garde révolutionnaire. Ce qui souligne l’urgente nécessité d’un authentique parti ouvrier comme point d’appui pour atteindre ce combat. Nous ne pouvons pas compter sur la transition bourgeoise, une formule creuse pour jeter de la poudre aux yeux des masses. Comme nous l’a enseigné Lénine : « La démocratie bourgeoise est une démocratie étroite, tronquée, fausse, hypocrite, un paradis pour les riches, un piège et un leurre pour les exploités, pour les pauvres »
L’appel à la transition consensuelle à l’ordre du jour fait l’affaire des puissances impérialistes, car il circonscrit la lutte au cadre étroit de luttes internes toujours dans la voie du déshonneur, de l’échec et fait référence donc à un partage du pouvoir qu’à un bouleversement révolutionnaire des structures sociales, l’unique solution pouvant briser le mur de la domination impériale américaine en Haïti.