Assassinat de Jovenel Moïse, Ariel Henry acculé !

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Le Premier ministre Ariel Henry

À Port-au-Prince, la Transition politique se poursuit avec ses hauts et ses bas. Tandis que l’enquête sur l’assassinat du Président Jovenel Moïse piétine. Sauf que, aux Etats-Unis, ce sont les médias qui s’emparent du dossier. En Haïti, en effet, depuis les vagues d’arrestations qui ont eu lieu au lendemain de ce meurtre politique, en juillet 2021, il ne se passe pas grand-chose. Jusqu’au moment où nous écrivons cette chronique, il n’y a eu aucune inculpation formelle dans le cadre de cet assassinat. La raison en est simple : aucun juge ne veut ou ne peut poursuivre convenablement l’instruction. Pire, aucun magistrat ne veut accepter le dossier. Ils craignent tous pour leur vie et celle de leurs proches. Le doyen du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, Me Bernard Saint-Vil a le plus grand mal à trouver un magistrat instructeur qui accepte de poursuivre l’instruction. Tous évoquent des convenances personnelles soit pour se déporter de l’enquête soit pour refuser de l’endosser.

Ce sont, en effet, pas moins de trois juges d’instruction qui ont déjà abandonné l’enquête en moins de sept mois. Le premier qui était désigné pour conduire l’instruction, le juge Mathieu Chanlatte, n’a pu tenir que quelques semaines. Avant même d’avoir pris connaissance du dossier, il a dû jeter l’éponge sous la pression et les menaces de toute sorte qu’il recevait. Peur pour sa vie et celle de son greffier, le juge Mathieu Chanlatte s’est vite déporté en rendant tout au doyen du Tribunal. Après bien des hésitations, c’est le juge d’instruction Garry Orélien qui a hérité de l’enquête sur l’assassinat du chef de l’Etat. Mais, comme une sorte de malédiction, rapidement, ce magistrat s’est laissé envahir par le démon. Au lieu de se consacrer à l’enquête proprement dite, lui et son greffier Élysée Cadet, se sont lancés, d’après un Rapport du RNDDH publié le 6 janvier 2022, confirmé par le doyen du Tribunal de Première Instante de la capitale, dans la corruption en se mettant à racketter et à rançonner les présumés suspects et complices dans le meurtre du Président de la République.

le troisième magistrat instructeur a abandonné le dossier seulement après quelques semaines ou quelques jours de sa nomination.

Après une enquête sommaire, Me Bernard Saint-Vil s’est rendu à l’évidence qu’il fallait retirer le dossier des mains de ce magistrat corrompu qui entendait s’enrichir sur le dos de la victime, de ses assassins et des complices potentiels. De ce fait, le juge Garry Orélien qui a eu le temps de faire un inventaire sommaire du dossier sera lui dessaisi de l’enquête en confiant tout à Me Bernard Saint-Vil, doyen du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince l’essentiel du dossier et de l’enquête. Finalement, suite à une série de pourparlers avec d’autres juges d’instructions qui fuient comme la peste ce dossier brûlant, cet au juge Chavannes Etienne qu’a échu le dossier quelques semaines plus tard. Mais, là encore, nouveau coup de théâtre ! Sans même avoir pris connaissance de l’état de l’avancement du dossier, ce juge d’instruction qui, paraît-il, était engagé d’instruire jusqu’au bout l’enquête a lui aussi jeté l’éponge. Faisant le constat qu’il ne pourra mener à bien son enquête, faute de volonté politique, pression en tout genre et surtout manque de moyens matériels, sécurité, etc, sans prendre le temps d’ouvrier le dossier, Chavannes Etienne rend son tablier en se déportant lui aussi de l’enquête. Il n’a pu aller plus loin que ses prédécesseurs.

C’est le troisième magistrat instructeur qui a abandonné le dossier seulement après quelques semaines ou quelques jours de sa nomination. C’est le retour à la case départ dans le dossier de l’assassinat du chef de l’Etat. Le doyen Bernard Saint-Vil se trouve face à un dilemme, impossible de trouver un volontaire acceptant de prendre le dossier. L’un des juges d’instruction les plus médiatiques de la capitale, Jean Wilner Morin dont le nom a circulé pendant un temps dans la presse comme étant pressenti pour succéder à son collègue Chavannes Etienne n’a pas perdu de temps pour démentir ce qu’il a qualifié de rumeur tout en soulignant qu’il n’était intéressé ni de près ni de loin à ce dossier. Entre-temps, tout le monde en Haïti attendait de voir qui sera le plus courageux d’entre les juges qui accepterait d’enfiler sa toge pour aller enquêter sur l’assassinat du Président de la République.

Le juge Merlan Belabre

Après maintes propositions et refus, le doyen du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, a fini par trouver un courageux qui veut bien essayer avec l’espoir qu’il ira jusqu’au bout cette fois-ci. Il s’appelle Merlan Belabre et il est le quatrième magistrat à s’occuper du dossier. Ancien juge de Paix à Petit-Goâve, il est juge d’instruction au Tribunal de Première Instance de la capitale depuis un certain temps. C’est le vendredi 4 mars 2022 qu’il a été officiellement désigné magistrat instructeur en charge du dossier de l’assassinat du Président Jovenel Moïse. S’adressant à la presse ce vendredi 4 mars, Me Bernard Saint-Vil a déclaré « Le juge Merlan Belabre est issu de la troisième promotion de l’École de la magistrature. Il a été formé aussi à l’École de la magistrature de Bordeaux, en France. En 2010, il était avec moi en formation à Bordeaux. Il sait ce qu’il fait. Nous estimons qu’il peut faire le travail. Nous lui demandons d’aller vite. Un tel dossier ne peut pas rester impuni ». Certains se demandent déjà combien de temps ce nouveau juge va-t-il tenir dans ce dossier brulant où apparaît le nom de l’actuel Premier ministre a.i Ariel Henry.

Si en Haïti les juges d’instructions se succèdent l’un après l’autre sans que l’enquête ne fasse la moindre avancée et que les autorités politiques semblent tout faire pour empêcher la poursuite de l’enquête, de l’autre côté de la mer des Caraïbes, aux USA, la tendance est toute différente. Aux Etats-Unis, en effet, il y a une entité qui tient absolument, sans savoir pourquoi d’ailleurs, que la lumière soit faite sur cet abominable crime politique à quelques encablures des rives américaines. Ce sont les médias de ce pays et particulièrement The New Times et CNN, les deux plus puissants et influents groupes de presse qui portent le dossier. Et dans leur quête de trouver la vérité sur ce qui s’est réellement passé dans la nuit du 6 et 7 juillet 2021 à Pèlerin 5, ces médias tiennent une cible, voire un suspect. Il s’appelle : Ariel Henry. Premier ministre a.i depuis l’assassinat du Président à la suite des intrigues politico-diplomatiques entre Port-au-Prince et Washington, Ariel Henry est, depuis un bon bout de temps, dans le collimateur de ces deux médias américains qui ne cessent de s’interroger sur le rôle qu’aurait joué celui-ci dans cette affaire criminelle.

Malgré les démentis et autres gymnastiques pour se défendre non pas des accusations portées par ces deux médias mais contre des révélations fournies de temps en temps à l’opinion nationale et internationale, la suspicion s’épaissit à chaque révélation. S’appuyant sur un Rapport détaillé du Réseau National des Droits Humains (RNDDH), The New York Times et CNN ne cessent de porter des informations à charge susceptibles d’accabler, voire de compromettre le chef actuel de la Transition post-Jovenel Moïse. Il y a un mois, le journal américain a mené une longue enquête sur l’assassinat du Président dans la nuit du 6 et 7 juillet 2021. Selon cette enquête qui a conduit les journalistes aux quatre coins du pays, ils révèlent que de très proches de l’ex-Président Michel Martelly auraient joué un rôle actif dans l’assassinat. Parmi ces proches, selon The New York Times, l’actuel Premier ministre Ariel Henry qui ne serait pas neutre dans le complot, en tout cas, il en sait plus qu’il ne le dit. Mais, ce qui intéresse le plus le journal, c’est la profondeur et la teneur de la conversation ayant eu lieu avant et après l’assassinat entre Ariel Henry et un présumé assassin dont le nom figure en lettre capitale dans le dossier de ce magnicide.

C’est le fameux et sulfureux Joseph Félix Badio dont, de toute évidence, Ariel Henry est ou était un confident de premier plan. The New York Times ne cesse de s’interroger sur le pourquoi de ces appels téléphoniques quelques minutes avant et après le meurtre entre Joseph Félix Badio et Ariel Henry qui venait d’être nommé Premier ministre quelques heures plus tôt par Jovenel Moïse. Si The New York Times s’intéresse tellement à ces appels téléphoniques entre les deux hommes, l’un cerveau présumé de l’assassinat du Président et l’autre tout juste nommé Premier ministre par celui-ci, c’est parce que le journal aurait aimé que Ariel Henry s’explique sur les précisions qu’a rapporté le RNDDH dans son Rapport à propos de cette nuit d’enfer qu’a vécue le Président Jovenel Moïse.

En effet, sauf la presse et la justice haïtienne qui ne sont pas intéressées par cette partie du Rapport où l’on relève que ce monsieur Joseph Félix Badio, toujours en cavale, a contacté un nombre impressionnant de personnes tout juste avant et après l’assassinat, il se trouve que tous ces gens ou presque sont depuis, sous les verrous soit en Haïti soit aux Etats-Unis justement pour leur implication présumée dans l’assassinat. Or, comme par hasard, Ariel Henry qui figure, lui aussi, sur cette fameuse liste des personnes avec qui le fugitif recherché par la police du monde entier a eu deux conversations avant et après, est la seule personne du groupe à n’avoir pas été entendue par la justice ni même inquiétée, d’ailleurs. Quand on lit cette partie du Rapport du RNDDH, il y a de quoi s’interroger sur le cas Ariel Henry et on comprend l’insistance du journal américain « La nuit fatidique de cet assassinat, à partir d’une heure du matin, Joseph Félix Badio s’est entretenu avec Marie Jude Gilbert Dragon, John Joël Joseph, Marie Jude Jacques Nau alias Jacky Nau, Dimitri Hérard, Jude Laurent et Ariel Henry, l’actuel Premier ministre.

C’est le fameux et sulfureux Joseph Félix Badio dont, de toute évidence, Ariel Henry est ou était un confident de premier plan.

Et, alors que l’actuel Premier ministre Ariel Henry affirme avoir oublié la teneur de ses discussions avec Joseph Félix Badio, il convient de noter qu’ils se sont entretenus au moins douze fois. Les deux derniers appels ont été passés entre eux la nuit-même de l’assassinat de la victime », note le RNDDH dans son Rapport du 6 janvier 2022. Or, on sait aussi que les journalistes de The New York Times, avant d’écrire leur article, avaient eu un long entretien avec un autre suspect clé dans l’affaire, Rodolphe Jaar, avant son arrestation en République dominicaine er qui a confirmé que Ariel Henry était en contact avec Joseph Félix Badio même après que ce dernier soit entré en clandestinité. Tandis que Ariel Henry demeure toujours libre de ses mouvements et sans être mis en cause par la justice, un autre grand média américain, CNN, a de son côté relancé le dossier et revient à la charge sur le cas d’Ariel Henry à la tête du gouvernement haïtien. Il y a quelques semaines, CNN a diffusé un document extrait d’un enregistrement qu’il dit détenir d’une source sûre dans lequel le juge d’instruction haïtien, Garry Orélien, disait qu’il détient des informations selon lesquelles Ariel Henry serait impliqué dans l’assassinat du Président Jovenel Moïse.

Malgré les démentis de l’occupant de la Primature en conférence de presse le 11 février 2022, malgré que son ministre des Affaires Etrangères, Jean Victor Généus, ait pris sa défense, malgré le démenti aussi du juge Garry Orélien, sans doute par peur pour sa sécurité, CNN persiste pour dire que l’enregistrement qu’il détient est authentique et qu’il s’agit bien de la voix du juge qu’on entend sur la bande confirmant que Ariel Henry est bel et bien de mèche avec l’incontournable monsieur Badio et il serait complice dans ce meurtre. Depuis, d’autres faits viennent renforcer les soupçons et accablent le Premier ministre. Il y a cette histoire de numéro de téléphone. Selon Ariel Henry, il ne possède qu’un seul numéro. Or d’après plusieurs sources, il disposa d’un deuxième numéro avec lequel il communique et mène ses activités politiques.

Suite à toutes ses révélations, les signataires de l’Accord de Montana qui, dans un premier temps, avaient rencontré le Premier ministre dans le cadre des négociations sur la Transition, ont pris leur distance en refusant une nouvelle rencontre pas avant que Ariel Henry ne clarifie sa situation avec la justice dans ce dossier d’assassinat. En effet, le BSA (Bureau de Suivi de l’Accord) de Montana estime qu’« Après les révélations du RNDDH dans son Rapport du 6 janvier 2022, sept mois après l’assassinat odieux de l’ancien Président Jovenel Moïse, après les révélations du New York Times et plus récemment celles de CNN, et surtout après la diffusion de l’enregistrement des déclarations du juge Orélien, les soupçons à l’encontre du Premier ministre de fait, le Dr Ariel Henry, se font de plus en plus inquiétants. Il est maintenant question d’une éventuelle implication du Dr Henry dans la planification même de l’assassinat de Monsieur Moïse.

Les relations entre le Dr Henry et le principal suspect indexé par la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ), Joseph Félix Badio, rappellent la révocation des autorités judiciaires qui voulaient l’interroger, soulignent les actes d’obstruction systématique par le pouvoir en place à l’évolution de l’enquête ». De fait, les signataires de l’Accord du 30 août lui demandent de se mettre à la disposition de la justice. Puisque dans leur note ils concluent « La présomption d’innocence demeure certes la règle, mais c’est à la justice qu’il revient de transformer cette présomption en preuve d’innocence ». Enfin, le groupe PEN, partenaire de l’Accord de Montana, sort de son silence dans ce dossier en demandant au Premier ministre a.i de s’expliquer. Suite, en effet, à la diffusion sur CNN de l’enregistrement dans lequel la voix du juge Garry Orélien est formellement identifiée accusant Ariel Henry d’implication dans l’assassinat du Président, les signataires du PEN demandent au Sénat de la République et du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) de tout entreprendre afin de contraindre le chef du gouvernement à comparaitre devant la justice pour dire ce qu’il sait sur le meurtre du chef de l’Etat. De plus en plus sur la sellette, on a l’impression que l’étau se resserre autour d’un Ariel Henry placé sous les loupes des enquêteurs américains qui, à en croire un officiel des Etats-Unis, Jon Piechowski, interviewé en février dernier par ZoomHaïtiNews, enquêtent sur l’assassinat du Président Jovenel Moïse à la demande du Sénat des Etats-Unis. Le peuple haïtien, dans tout ça, n’attend qu’une chose : la vérité, rien que la vérité d’où qu’elle vienne.

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