Ariel Henry, un Premier ministre en sursis !

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Le Premier ministre a.i Ariel Henry

Le moins que l’on puisse dire, le Premier ministre a.i Ariel Henry n’est pas un grand communiquant. Ce n’est pas non plus un politique. Il le sait. C’est un grand neurochirurgien reconnu par ses pairs pour ses compétences dans le domaine de la médecine. La politique, il l’a découverte assez tard à travers des amis. Petit à petit, il s’y adapte et y prend goût. Sa première expérience remonte à la fin du quinquennat du Président Michel Joseph Martelly au cours de l’année 2015 quand, à la faveur des négociations avec l’opposition, il rentre au gouvernement pour le compte du Parti INITE. Après cette expérience, personne n’a plus entendu parler de lui. Il disparaît des écrans radar, alors que les crises en tout genre continuent de marquer la société haïtienne. Le Dr Ariel Henry était-il dans l’opposition contre le pouvoir du PHTK durant son long silence ou jouait-il le double jeu avec les tenants du pouvoir et de l’opposition qui tenaient à la gorge le Président Jovenel Moïse ?

C’est la grande interrogation de bon nombre d’observateurs politiques cherchant à comprendre son retour aussi inattendu que spectaculaire sur la scène politique quelques jours après l’assassinat du chef de l’Etat, le 7 juillet 2021. En effet, non seulement on cherche des explications à ce retour sous les projecteurs qui marquera d’une façon ou d’une autre l’histoire d’Haïti, mais l’on veut comprendre surtout, à quel jeu joue cet « apolitique » sur lequel tous les yeux sont braqués depuis que le Core Group (regroupement des principaux ambassadeurs accrédités en Haïti) a fait de lui la seule autorité suprême d’Haïti depuis le disparition du Président de la République dans les conditions que l’on sait. Et ce, malgré l’opposition d’une très large partie du pays, des secteurs politiques importants et le refus manifeste de plusieurs entités de la Société civile. Pour commencer, politiquement, Ariel Henry est un miraculé.

Nommé Premier ministre de justesse par le Président Jovenel Moïse, il n’a même pas eu le temps de s’installer à la Primature que le chef de l’Etat a été victime d’un complot meurtrier. D’après les spécialistes, jamais Ariel Henry ne devait être investi à la tête du gouvernement dans la mesure où, selon la Constitution, c’est le Conseil des ministres qui devrait assurer la continuité du Pouvoir exécutif en cas d’empêchement du Président de la République. Or, à la disparition du chef de l’Etat, il y avait un chef de gouvernement en la personne de Claude Joseph qui, d’ailleurs, était à la fois chef de la diplomatie haïtienne. En quelque sorte, Mr. Joseph avait déjà le plein pouvoir. Certes, c’était un Premier ministre par intérim qui attendait l’installation de son successeur éventuel, somme toute contesté lui aussi par l’opposition plurielle de l’époque dès sa nomination. Donc, Claude Joseph était déjà en fonction au moment de la vacance présidentielle. Certains se questionnent, d’ailleurs, sur le peu de courage qu’a fait preuve celui-ci en décidant d’obéir comme un mouton aux injonctions des diplomates du Core Group de laisser le pouvoir à un Ariel Henry que tout le monde avait déjà oublié en apprenant l’odieuse nouvelle du meurtre de Pèlerin 5.

Les spécialistes des questions politiques haïtiennes se demandent encore et si c’était l’« animal politique », Joseph Lambert, qui était à la place de Claude Joseph  à ce moment critique? Ils demeurent persuadés que non seulement le Core Group allait réfléchir à deux fois avant d’intimer l’ordre à Joseph Lambert de quitter la Primature pour le donner à quelqu’un d’autre, mais ç’aurait été impensable, inimaginable même que ce vieux routier de la politique haïtienne puisse obéir au diktat de ces diplomates à Port-au-Prince qui, en vérité,  ne font que jouer sur la peur et la docilité des dirigeants haïtiens pour imposer leur propre vision. Surtout, il n’est un secret pour personne : Joseph Lambert ne rêve que d’avoir le titre de Président de la République, ne serait-ce, en l’espace d’un cillement, voire durant une Transition politique dont on ignore la durée. Mais les choses se sont passées différemment, on le sait. Le grand diplomate que se prétend être Claude Joseph s’est dégonflé.

Il s’est couché comme une « carpette » comme on dit, sous les pieds de ce quarteron de diplomates dans la capitale haïtienne et ayant leur propre agenda pour le pays. Comme on l’avait écrit dans l’une de nos « Tribunes » à l’arrivée de Ariel Henry à la place de Claude Joseph, aujourd’hui encore, personne ne sait quel deal « accord secret » a été contracté entre  Mme Helen La Lime, cheffe du BINUH (Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti), et ses amis du Core Group et Dr Ariel Henry au moment de la vacance présidentielle, non pas le vide du « Pouvoir exécutif » comme on le répète encore. Puisqu’il y avait bien un Pouvoir exécutif en place et opérationnel par le biais du Premier ministre a.i, chef du gouvernement et le « Conseil des ministres » pourquoi c’est le neurochirurgien qui n’était plus dans le coup qu’on a été cherché à l’hôtel Montana – suivez notre regard – pour assurer la Transition en lieu et place du Dr Claude Joseph qui, sans le défendre, s’était très bien tiré dans les premiers jours de l’après Jovenel Moïse en tant que chef du Pouvoir exécutif en parfait symbiose avec le Conseil des ministres ?

Un jour, certainement, l’histoire nous apportera la réponse à ce deal. En tout cas, en novembre 2021, c’est le Dr Ariel Henry qui tient la manche. Pour combien de temps ? On n’en sait rien.  Car les suspicions pesant sur lui dans l’assassinat du Président Jovenel Moïse par l’entremise de son ami Joseph Félix Badio sont de plus en plus précises. Puisque les nouvelles laissent entendre que non seulement son téléphone, d’après la Compagnie téléphonique Digicel, bornait ce jour-là à l’hôtel Montana et que celui de son ami Joseph Félix Badio se trouvait à Pèlerin 5, donc aux environs de la résidence du Président au moment de son assassinat. D’ailleurs, selon plusieurs médias de la capitale, il semblerait même que ce suspect principal était aussi dans cet hôtel quelques heures avant le meurtre. Bref, le Premier ministre a.i d’Haïti est soupçonné dans ce crime inqualifiable. Alors qu’on sait, la femme de César doit être au-dessus de tout soupçon. Le pire, Ariel Henry ne fait rien pour arranger les choses et se défend très maladroitement face à ces accusations fort graves à son encontre.

Interrogé fin septembre 2021 par des médias étrangers : CNN et l’agence Reuters, sur ces fameux coups de fils qu’il aurait reçus de son ami Joseph Félix Badio à quelques minutes d’intervalle (4h 03 et 4h 20) le matin de l’assassinat, Ariel Henry a répondu qu’il avait reçu beaucoup d’appels ce jour-là. Par conséquent, il ne se souvient plus avec qui il a parlé exactement. Avant de rajouter, s’il avait parlé avec Badio, il ne se rappelle pas non plus de quoi ils ont parlé. Une explication qui ne convainc guère personne en Haïti et à l’étranger et surtout pas, l’ancien Envoyé spécial américain en Haïti, Daniel Lewis Foote. En effet, dans une interview accordée à CBSmornings News, le vendredi 5 novembre dernier, Daniel Foote a déclaré textuellement « Ariel Henry est un suspect capital dans l’assassinat du Président Jovenel Moïse. Il doit répondre aux questions de la justice sur ce dossier. Des allégations et relevés téléphoniques indiquent qu’il a eu plusieurs conversations avant et après l’assassinat avec l’un des principaux suspects. Ariel Henry a quelques questions à répondre à sa population ». Ariel l’amnésique !

Pas tant que ça, lorsqu’il a constaté que Claude Joseph se comportait en véritable chef de la Transition post-Moïse, il s’était rappelé qu’il avait été nommé Premier ministre par Jovenel Moïse pour mener les négociations en vue de trouver un « Accord » politique avec les oppositions qui voulaient faire la peau au Président. « Claude Joseph est mon ministre des Affaires Etrangères » disait, agacé, Ariel Henry à Le Nouvelliste quelques jours après le crime politique. Une déclaration qui paraissait, peut-être, à ce moment-là, sans grande importance pour Claude Joseph qui croyait que tout était verrouillé dans la mesure où, quelques jours auparavant, il avait reçu, lui aussi, la bénédiction des « maitres », le Core Group. Résultat, Claude Joseph s’est fait avoir. Et Ariel Henry demeura un Premier ministre a i. en sursis.

C.C

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