La National Endowment for Democracy (NED) n’a pas cessé de financer les ONG algériennes. Bien au contraire, le montant total des subventions pour l’année 2020 a été doublé comparativement à celui des années 2018 et 2019, passant d’un peu moins de 300 000$ à 600 000 $.
Comme on pouvait s’y attendre, le nom des organismes bénéficiaires a été soigneusement expurgé du rapport annuel 2020, comme cela a été le cas en 2019 et dans la deuxième version de 2018. Pour rappel, dans mon article sur la « printanisation » de l’Algérie publié le 4 avril 2019, j’avais discuté le rapport 2018 que j’avais téléchargé quelques jours auparavant. À mon retour sur le site de la NED au mois d’octobre 2019, j’avais constaté que les noms des récipiendaires des subventions avaient été supprimés du document en ligne (consulter le lien suivant pour plus de détails sur cette affaire), confirmant ainsi la relation dynamique entre la NED et les responsables des ONG algériennes subventionnées.
Au risque de nous répéter, rappelons que la NED travaille par l’intermédiaire de quatre organismes qui lui sont affiliés : l’International Republican Institute (IRI), le National Democratic Institute for International Affairs (NDI), le Center for International Private Enterprise (CIPE — Chambre de commerce des États-Unis) et l’American Center for International Labor Solidarity (ACILS — Centrale syndicale AFL-CIO), mieux connu comme le Solidarity Center.
La subvention la plus importante des quatre mentionnées dans le rapport NED de l’année 2020 provient de l’Institut républicain international (IRI) : 400 000$, soit 2/3 du montant total.
Selon la description publiée, cet argent a été octroyé pour « aider les parties prenantes gouvernementales et non gouvernementales à s’engager sur les questions affectant le bien-être politique, social et économique des citoyens. L’Institut [IRI] dirigera un ensemble d’activités de programme pour favoriser le dialogue autour des défis prioritaires et pour parvenir à un consensus sur l’avenir de l’Algérie via une feuille de route. L’institut jettera également les bases pour promouvoir un dialogue ouvert et le renforcement de la confiance entre les principaux acteurs politiques, commerciaux et de la société civile, tout en encourageant l’engagement des citoyens pour solliciter des contributions et des commentaires sur la feuille de route élaborée ».
Vaste programme! Une feuille de route? Laquelle, pourquoi et élaborée par qui? L’IRI qui se veut le promoteur d’un « dialogue ouvert » entre « les principaux acteurs politiques ». Qui sont-ils et qui les a désignés? Serait-il question des « ténors autoproclamés » mentionnés dans mon dernier ouvrage?
Ces consultations ont révélé que, contrairement à de nombreux pays où CIPE travaille, le consensus sur les problèmes en Algérie était proche de 100%.
Pour rafraichir la mémoire des lecteurs, il est nécessaire de rappeler certains faits. Jusqu’à l’année de son décès, en 2018, le sénateur John McCain a été président de l’IRI. Son rôle dans le coup d’État de l’Euromaïdan (Ukraine) et dans le « printemps » arabe n’est plus à démontrer.
Avec un historique de « regime change » aussi funeste, dans des pays arabes ciblés, il n’est pas difficile de comprendre ce que cherche l’IRI en Algérie avec ses financements subversifs, sa « feuille de route » et ses « principaux acteurs politiques ».
Déjà en 2019, l’IRI avait dépensé 200 000$ (près de 69% de l’ensemble des subventions de la NED pour cette année) pour un agenda du même acabit.
En 2018, c’est le CIPE qui s’est nettement démarqué avec un financement de plus de 80% du total annuel pour l’Algérie (234 669$) destiné au think tank CARE (Cercle d’Action et de Réflexion autour de l’Entreprise). Sur le site du CIPE, un long texte explique les étroites relations entre ce satellite de la NED et CARE. On peut y lire, entres autres, qu’en Algérie « cette organisation locale est le partenaire de longue date de CIPE, CARE (le cercle d’action et de réflexion autour de l’entreprise), une association d’entreprises et think tank algériens. Ces consultations ont révélé que, contrairement à de nombreux pays où CIPE travaille, le consensus sur les problèmes en Algérie était proche de 100%. »
Revenons au rapport NED – Algérie 2020. Dans le chapitre « Idées et valeurs démocratiques », la subvention de 30 000$ a été octroyée dans le but de « renforcer les capacités des militants civiques et des défenseurs des droits humains et promouvoir leur engagement pendant la transition politique en Algérie ».
Après la « démocratisation », un zeste de « droitdelhommisme » ne fait pas de mal à la cause, n’est-ce pas?
D’ailleurs, ce « principe » est aussi évoqué dans le financement de 120 000$ dédié à la promotion des Droits des femmes.
La quatrième subvention (d’un montant de 50 000$) est, elle aussi, intéressante. Classée dans la rubrique « promouvoir le leadership des jeunes », on y apprend que l’ONG bénéficiaire « dirigera un programme de bourses pour 20 jeunes leaders civiques d’Algérie qui comprend des formations, des visites sur le terrain, un mentorat et un placement avec une organisation locale en Tunisie ».
Finalement, mentionnons (une fois de plus) que la NED est financée par un budget voté par le Congrès américain.
Ainsi, en plein Hirak, la NED décrète que l’Algérie a besoin de jeunes leaders qu’il faut former et entrainer tout en mentionnant la collaboration avec une organisation tunisienne. Décidément, le réseautage du type « ligue arabe » du Net est encore d’actualité, même en 2021.
En conclusion, plusieurs éléments montrent qu’en 2020, en plein Hirak, la NED a accentué son action séditieuse en Algérie. Le doublement du montant annuel des subventions en 2020 et la suppression de l’identité des ONG algériennes subventionnées sont des indices qui ne trompent pas. En plus, le libellé des missions assignées à ces ONG utilise des éléments de langage si usités dans le grimoire du « soft power » : « démocratie », « droit de l’homme », « engagement civique », « leadership des jeunes », etc. C’est sous cette terminologie fallacieuse et perfide que se cachent la subversion, le chaos et la destruction des États-nations qu’on a vu, inexorablement, péricliter. Tel est le cas des pays frères comme la Syrie, la Libye ou le Yémen pour ne citer que ceux-là. Et, qu’on se le dise, l’Algérie est une « proie » beaucoup plus convoitée que ces trois pays. Ses principes politiques honorables et humanistes, sa position géostratégique et ses richesses font de notre pays une cible de choix.
Finalement, mentionnons (une fois de plus) que la NED est financée par un budget voté par le Congrès américain. Quant à son rôle réel, il a été clairement explicité par Allen Weinstein, directeur du groupe d’étude qui a mené à la fondation de cet organisme : « Beaucoup de ce que nous [NED] faisons aujourd’hui se faisait secrètement il y a 25 ans par la CIA ».
Ahmed Bensaada
Afrique Asie 3 juin 2021