Jovenel Moise soutient le colonialisme marocain au Sahara occidental

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Le Ministre haïtien des affaires étrangères, Claude Joseph, a co-présidé la cérémonie d’inauguration de l’Ambassade haïtienne au Maroc avec son homologue marocain Nasser Bourita le samedi 12 décembre 2020 dernier

(English version)

Haïti n’était pas seulement la première nation d’Amérique latine. En un sens, c’était aussi la première colonie africaine à se libérer. Après tout, en 1791, la moitié des 500.000 esclaves qui ont lancé la révolution qui devait durer 13 ans dans la colonie française de Saint-Domingue étaient nés en Afrique.

Il est donc particulièrement honteux qu’Haïti soit le premier pays d’Amérique latine à reconnaître officiellement la revendication illégale du Maroc sur le Sahara occidental, la dernière colonie africaine.

Haïti l’a fait en ouvrant un consulat le 14 décembre dans la ville de Dakhla, située sur la côte atlantique du Sahara occidental.

L’ambassadeur d’Haïti au Canada, Weibert Arthus (à gauche) et le ministre des Affaires étrangères du Maroc, Nasser Bourita, ont coupé le ruban du nouveau consulat d’Haïti à Dakhla, au Sahara occidental, le 14 décembre.

L’ouverture du consulat haïtien là-bas, seulement son deuxième sur le continent africain, a été initiée par l’administration du président Donald Trump en coordination avec Israël, que le Maroc a accepté de reconnaître le 10 décembre, ce qui en fait le quatrième pays arabe – après Bahreïn, les Emirats arabes unis et le Soudan – à l’avoir fait en 2020.

Pour gagner l’accord du Maroc sur l’établissement de liens formels avec Israël (il y avait eu des relations secrètes pendant des décennies), les États-Unis ont reconnu la revendication du Maroc sur le Sahara occidental, au défi des Nations Unies qui reconnaissent la revendication d’indépendance du Sahara occidental. C’est le site internet de l’ambassade des États-Unis en Israël qui a publié le 4 décembre la «Proclamation sur la reconnaissance de la souveraineté du Royaume du Maroc sur le Sahara occidental» de la Maison Blanche de Trump.

La proclamation affirme qu’«un État sahraoui indépendant n’est pas une option réaliste» et que l’annexion du Sahara occidental par le Maroc «est la seule solution possible» à une impasse vieille de trois décennies sur le sort du territoire.

La délégation haïtienne présente à l’ouverture le 14 décembre du consulat d’Haïti au Sahara occidental posant dans le bureau du consul avec le Ministre des affaires étrangères du Maroc, Nasser Bourita (à gauche). Le portrait du président Jovenel Moïse côtoie celui du roi Mohammed VI, fils du roi Hassan II, qui s’est initialement emparé du Sahara occidental en 1975.

La proclamation annonce que les États-Unis «ouvriront un consulat sur le territoire du Sahara occidental, à Dakhla, pour promouvoir les opportunités économiques et commerciales pour la région».

Le président haïtien Jovenel Moïse, qui dépend entièrement de Washington pour sa survie politique, a été poussé à agir comme une marionnette pathétique dans cette manoeuvre de Trump.

L’ambassadeur d’Haïti au Canada, Weibert Arthus, s’est joint au Ministre des affaires étrangères du Maroc, Nasser Bourita, pour présider la cérémonie d’inauguration, à laquelle assistaient principalement une poignée de diplomates marocains et haïtiens.

L’Espagne a colonisé le Sahara occidental, un vaste territoire de 103.000 kilomètres carrés principalement désertique, en 1884. Mais, alors que des luttes anticoloniales éclataient à travers l’Afrique dans les années 1960 et 1970, le Front Polisario, représentant le peuple sahraoui du Sahara occidental, a lancé une lutte de libération nationale en 1973 pour chasser les Espagnols, qui ont abandonné cette colonie de la taille de l’Islande en 1975.

Le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, devant les drapeaux haïtien et marocain, s’exprimant lors de l’ouverture du nouveau consulat haïtien à Dahkla, au Sahara occidental, le 14 décembre.

Mais le roi marocain Hassan II a immédiatement envahi, luttant contre le Front Polisario pour le contrôle de la zone, rebaptisée République arabe sahraouie démocratique.

En 1979, l’Assemblée générale des Nations Unies a reconnu le droit des 600.000 sahraouis à l’autodétermination et le Front Polisario comme leur représentant. (Même l’ambassadeur à l’ONU du «Président à vie» Jean-Claude «Baby Doc» Duvalier a voté en faveur de la résolution).

Une guerre de guérilla entre le Maroc et le Front Polisario a duré de façon spasmodique pendant 16 ans jusqu’en 1991, lorsqu’un cessez-le-feu avec la promesse d’un référendum sur l’indépendance a été négocié. Mais depuis lors le Maroc a fait obstacle à toute tenue de référendum.

Le 13 novembre, le Maroc a lancé une opération militaire dans le territoire, traversant la zone tampon administrée par l’ONU (MINURSO) et forçant le Front Polisario à également abandonner la trêve. La provocation du Maroc a été clairement stimulée par la perte par Trump des élections étatsuniennes du 3 novembre. C’était une dernière occasion de se joindre à Trump et Israël pour présenter au monde un autre fait accompli effronté, comme l’a été le déplacement de l’ambassade des Etats-Unis en Israël à Jérusalem ou l’assassinat du plus important scientifique nucléaire iranien.

Des drapeaux du Front Polisario flottent au-dessus d’un défilé de l’Armée de libération du peuple sahraoui. Le Front Polisario se bat pour l’indépendance du Sahara occidental depuis 1973. Photo: Farouk Batiche / AFP

«La décision de Trump ne change rien en termes juridiques sur la question des Sahraouis parce que la communauté internationale ne reconnaît pas la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental», a déclaré le 10 décembre un communiqué du Front Polisario. «Cela constitue une violation flagrante de la charte des Nations Unies… et des principes fondateurs de l’Union africaine, et entrave les efforts de la communauté internationale pour trouver une solution pacifique au conflit entre la République sahraouie et le Royaume du Maroc».

L’administration Trump a utilisé Haïti comme un pion dans un autre jeu géopolitique à propos du Vénézuela.

De 2008 à 2018, le Vénézuela a fourni à Haïti 4,3 milliards de dollars de pétrole bon marché à des conditions de crédit généreuses, faisant d’Haïti l’un de ses plus proches alliés. Mais l’administration Trump a renforcé les sanctions imposées par l’administration Obama au Vénézuela, sabotant ainsi le programme de subventions pétrolières connu sous le nom de PetroCaribe.

«LA DÉCISION DE TRUMP NE CHANGE RIEN… PARCE QUE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE NE RECONNAIT PAS LA SOUVERAINETÉ MAROCAINE SUR LE SAHARA OCCIDENTAL»

Avec la fin de l’arrivée de pétrole et des manifestations hebdomadaires massives exigeant sa démission, le président Jovenel Moïse a cédé à la pression de Washington de répudier le Vénézuela. Le 10 janvier 2019, Haïti a voté à l’Organisation des États américains (OEA) pour qualifier le président vénézuélien Nicolas Maduro d ‘«illégitime». Haïti a également accepté de rejoindre le groupe de Lima dirigé par les États-Unis, un troupeau d’États vassaux de Washington qui dénigrent le Vénézuela.

Les Émirats arabes unis ont été le premier pays arabe à snober l’ONU et à ouvrir un consulat au Sahara occidental en octobre. Quinze pays africains ont également installé des consulats au Sahara Occidental, dont les Comores, la Gambie, la Guinée, le Gabon et la Zambie.

Haïti a été la première nation en dehors de l’Afrique et du monde arabe à établir une présence diplomatique dans le Sahara occidental illégalement occupé. Le seul autre consulat d’Haïti sur le continent se trouve à Pretoria, en Afrique du Sud.

Dans sa déclaration, le Front Polisario a exhorté l’Union africaine (qui le reconnaît) et l’ONU à «faire pression sur le Royaume du Maroc pour qu’il mette fin à son occupation du Sahara occidental».

Ironiquement, la position du Vénézuela sur l’agression du Maroc met l’opportunisme d’Haïti en relief. Avant l’élection d’Hugo Chavez en 1998, le Vénézuela avait des relations diplomatiques avec seulement 20 pays africains, a déclaré le vice-ministre vénézuélien pour l’Afrique, Yuri Pimentel, à Anya Parampil de Grayzone, en octobre 2019. Aujourd’hui, Caracas entretient des relations diplomatiques avec 55 nations dans «l’Afrique mère», a-t-il dit, «même si l’une d’entre elles n’est pas reconnue aux Nations Unies, car nous reconnaissons le Sahara occidental comme un pays indépendant».

Traduit de l’anglais par Alexandra Panaguli.

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