Afè pa nou pi sal

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Chaque jour, en Afrique, en Amérique latine, dans les Antilles, des milliers de personnes recouvrent la vue grâce à l'«Opération Miracle». 80% d'entre eux souffraient de cataracte. Une ophtalmologue évalue la vision d'une bolivienne.

Pour, nous la vie d’un seul être humain vaut plus que toutes les richesses de la terre”.
Fidel Castro
(à l’inauguration de l’hôpital Hermanos Ameijeiras de 33 étages à la Havane, en 1983)

Juste en arrière de chez nous, à Port-au-Prince, vivaient deux familles voisines l’une de l’autre: les Mathurin et les Séraphin. Elles menaient un perpétuel corps à corps avec une vie qui ne leur avait jamais souri. Le tonbeleve était leur mode habituel de vivre. Malheureux au double sens matériel et moral du terme, il leur arrivait de temps à autre de se quereller, de se lancer des invectives, des pwent, des piques assez acerbes.

C’était à croire que les fikilte de la vie les avait rendues acariâtres, amères, hargneuses, caustiques, agressives et qu’elles trouvaient un exutoire à leur misère à travers des accusations réciproques injustes, des insultes gratuites, incapables qu’elles étaient de se rendre compte qu’elles étaient victimes d’une société foncièrement inégalitaire. Un matin de grand razeurisme, madame Séraphin se mit à lancer à monsieur Mathurin une bordée de reproches écorchants, en l’absence de madame Mathurin. L’écorché, moins habile que son épouse à manier les écorchances put seulement répondre: “ afè pa nou pi sal”. Satisfait, il tuipa et claqua la porte au nez de l’écorcheuse.

J’ai dû passer par ses écorcheries pour vous mettre dans le bain des “affaires plus sales”. Alors, suivez ma plume et mon œil. L’on sait que depuis le jeudi 19 avril, Miguel Díaz-Canel est le nouveau président de Cuba. Plus jeune que Raúl Castro de 29 ans, il occupe son poste après avoir été élu par les députés à l’Assemblée nationale, eux-mêmes élus par les membres des Assemblées provinciales. Ces derniers tiennent leurs prérogatives électorales des membres des Conseils municipaux élus par des assemblées au niveau des quartiers de résidence des électeurs.

Étant donné la façon dont fonctionne le système électoral à Cuba, système tout à fait différent de celui en cours dans le monde capitaliste, il fallait s’attendre à ce que l’élection de Diaz-Canel suscite des réactions négatives, voire même hostiles, de la part des détracteurs et ennemis de la révolution cubaine. Une presse européenne infantile, servile, niquedouille, cruche, cruchette, cruchonne, caisse de résonnance des médias états-uniens s’est évertuée à bébèter ses habituelles cruchonneries.

Ainsi:  “l’image d’un dictateur cubain âgé portant un uniforme vert olive sera bientôt une chose du passé; croire que la transition démocratique est possible à partir du régime est le triomphe de l’espoir sur les faits; Diaz-Canel ne sera qu’un comparse du régime; les décisions continueront à être aux mains de la famille Castro;  Raul a déjà pris soin de former  son fils Alejandro Castro Espin pour le remplacer en tant que Secrétaire général du Parti communiste en 2021; la nature bestiale du régime cubain (sic) maintiendra la répression des dissidents (resic)”. Et j’en passe.

Pourquoi cette mauvaise foi, cet entêtement,  cette obstination, cet acharnement à vouloir discréditer, rabaisser, dénigrer, diffamer une révolution qui a fait de vrais miracles malgré plus de cinquante ans d’un sauvage embargo et d’une hostilité ouverte de la part du Goliath impérialiste? Pourquoi ce refus d’admettre qu’un pays, même petit, a droit à sa souveraineté? Pourquoi le monde capitaliste euro-étasunien aux pratiques néo-libérales avérées s’obstine-t-il à voir la paille dans l’œil de la révolution cubaine et n’aperçoit pas la poutre de méchanceté, de malveillance, de cruauté, de terrorisme qui est dans son œil à lui? Sauvage impérialisme, cynique néo-colonialisme, “afè pa nou pi sal”.

Le bâtiment de l’École latino-américaine de médecine à Cuba. Plus de 80.000 médecins formés gratuitement au cours de ces cinquante dernières années.

La révolution cubaine assure une pleine couverture médicale à tous les citoyens quels que soient leur rang social, leur couleur ou leur profession politique ou religieuse, y compris les “dissidents”. Est-ce le cas au pays de l’Oncle Sam? Non. On en veut pour preuve que  jusqu’à l’adoption d’ObamaCare signé en mars 2010 par Barack Obama, 20 millions d’Américains ne bénéficiaient même pas d’une couverture maladie de base; soulignons que la presque totalité des sénateurs américains ne voulait absolument rien entendre de la mesure en question. Mais avec la désertion de leur rang de trois de leurs collègues, l’Obamacare a survécu. Dire que si les Républicains au Sénat américain avaient réussi à bloquer l’Obamacare, il y aurait eu, dès 2018, 14 millions de personnes supplémentaires qui seraient privées de couverture maladie …

Un chiffre qui grimperait à 51 millions en 2026 avec la réforme de Donald Trump.  Des statistiques aussi pénibles sont simplement impensables à Cuba. On le sait: dès le début de la révolution cubaine, les dirigeants s’étaient donné la tâche première  d’éradiquer l’analphabétisme et d’assurer à leurs concitoyens une couverture maladie adéquate, efficiente, pour tous. Sauvage impérialisme, cynique néo-colonialisme, arrêtez de médire de cette révolution exemplaire et de ses dirigeants, “afè pa nou pi sal”.

Parlant de soins de santé, c’est grâce à la vision révolutionnaire des deux “dictateurs” Fidel Castro et Hugo Chavez que l’«Opération Miracle», condensé de l’expérience cubaine en matière de traitement de maladies oculaires, a pu s’étendre, d’abord, en 2006, au Venezuela où plusieurs centres ophtalmologiques ont été ouverts, encadrés par des professionnels cubains – une centaine d’entre eux étant des travailleurs de l’hôpital ophtalmologique cubain Pando Ferrer. Et ce sont environ 165 institutions cubaines qui participent à l’«Opération Miracle» .

En outre, Cuba a établi un réseau de cinquante centres ophtalmologiques avec 82 plateaux chirurgicaux dans 14 pays d’Amérique latine et des Caraïbes. En effet, Fidel et Chavez, à partir de l’expérience cubaine, avaient décidé d’élargir la prestation à d’autres pays: Haïti, Saint Vincent et les Grenadines en un premier temps. La Bolivie a suivi. Puis se sont joints le Guatemala, le Honduras, l’Équateur, le Paraguay, le Salvador, le Mexique, l’Argentine, l’Uruguay…

Cette prestation ophtalmologique internationaliste s’est étendue jusqu’à atteindre une vingtaine de pays, plus d’autres dizaines d’établissements chirurgicaux desservis par un personnel cubain en Afrique et en Asie.  Sauvage impérialisme, cynique néo-colonialisme, qu’avez-vous apporté à tous ces pays, en matière de santé? Que leur avez-vous offert sinon vos recettes néo-libérales sauvages qui ont aggravé la pauvreté au Mexique, en Argentine, au Honduras, au Brésil, en Haïti et ailleurs? Arrêtez de montrer les dirigeants cubains de votre doigt malveillant, “afè pa nou pi sal”.

Combien de médias à la solde de l’empire ont jamais rapporté que de 2004 à 2017, un peu moins de 700 000 Boliviens ont recouvré la vue grâce à l’«Opération Miracle», y compris parmi eux l’assassin de Che Guevara, Mario Terán.  Au cours de ces cinquante dernières année, grâce à la vision du “dictateur” Castro, Cuba a formé, gratuitement, plus de 80.000 médecins, venus d’Amérique latine, d’Afrique, de Chine et même des États-Unis! Richissime Amérique, colonialiste France, combien en avez-vous formé? Aucun. De sanglants dictateurs, vous en avez accouché sans regarder derrière. Vous devriez avoir honte!  “afè pa nou pi sal”.

Un SDF fouille une poubelle à Holywood, en Californie. AFP PHOTO/Jewel SAMAD

Selon Business Bourse, un hebdomadaire spécialisé dans la finance et la Bourse, 90 millions d’Américains sont actuellement dans la pauvreté ou au bord de la pauvreté. Plus de 46 millions d’Américains font la queue devant les banques alimentaires, parfois dès 6h30 du matin, car les gens veulent obtenir quelque chose avant que les approvisionnements alimentaires viennent à s’épuiser. En 2007, environ un enfant sur huit aux Etats-Unis bénéficiait de coupons d’alimentation. En 2016, ce nombre est passé à un enfant sur cinq. Le nombre d’enfants sans abri aux États-Unis a augmenté de 60% au cours des six dernières années (édition du 19 mars 2016).

Selon Feeding America : “Même dans la capitale du pays le plus puissant du monde il y a de plus en plus de faim. Dans la zone métropolitaine de Washington et ses comtés limitrophes, plus de 400 000 habitants ont souffert de la faim pendant la récession.  Tant dans des zones riches que marginales, on a enregistré des chiffres croissants de faim” (Mondialisation.ca, 08 avril 2011). Pourquoi donc cette hargne inutile et malveillante des “langues sales” néo-libérales à l’endroit de la révolution cubaine alors que  “afè pa nou pi sal”.

En 2007, le rapporteur spécial de l’ONU pour le Droit à l’Alimentation, Jean Ziegler, a reconnu que la faim n’existe pas à Cuba et que « le droit à l´alimentation est une des premières priorités [de la révolution], de même que l’enseignement et la santé ». Lors d’une conférence de presse, il a relevé que pendant son séjour à Cuba, du 28 octobre au 6 novembre 2007, il n’a pas vu une seule personne sous-alimentée, contrairement à son expérience au Brésil, en Bolivie et dans d’autres nations d’Amérique latine, d’Asie ou d´Afrique. Il a précisé ensuite que Cuba est le seul pays en voie de développement à avoir déjà atteint les Objectifs du Millénaire fixés en 2000 par les 192 États membres de l´ONU.

80% des cubains sont propriétaires de leur logement. Est-ce le cas aux États-Unis? Non. Considérons l’exemple de Ricardo, un employé dans une entreprise publique cubaine; son salaire est tout simplement dérisoire, équivalent à l’argent de poche d’un lycéen. En principe, il semble faire partie des plus pauvres de la planète. Pourtant, en dépit de son maigre salaire, il est propriétaire d’une maison avec trois chambres, ses deux filles étudient à l’université. La famille mange à sa faim. Il a été opéré du cœur, gratuitement, une intervention que seuls les riches peuvent se permettre en Amérique Latine.  Or, à Cuba, Ricardo n’est pas l’exception mais la règle. C’est ce qu’on appelle vivre dans une “dictature”.

Les dirigeants de la révolution cubaine, eux, ne sont pas partis occuper d’autres pays ou leur voler leurs richesses.

C’est sûr que le pourcentage d’individus aux États-Unis, au Canada, en France, au Brésil, au Mexique, au Chili, sous l’emprise néo-libérale, pouvant se targuer d’être propriétaires de leur logement  n’avoisine pas les 80%. En 2016, le site La Fabrique de la Cité rapportait que les difficultés d’accès à la propriété s’observent chez les individus aux revenus les plus faibles, affectant toutes les générations: la proportion d’individus propriétaires de leur logement est ainsi en chute constante aux États-Unis depuis onze ans (69% en 2004, 63,7% en 2015). Alors, que ceux dont “afè pa yo pi sal” se taisent et cherchent à avoir une lecture plus objective, plus sereine de la réalité cubaine.

Le gouvernement cubain n’entretient pas de brigades anti-émeute. À Cuba, il n’y a pas de policiers qui abattent des civils à cause de la couleur de leur peau, On n’a encore rapporté aucun individu entrant tranquillement dans un restaurant, dans un cinéma pour tuer des innocents. On n’a encore enregistré aucun cas d’un dérangé mental retranché dans une chambre d’hôtel pour tirer, armé d’un fusil d’assaut, sur une foule assistant à un concert. La presse euro-états-unienne a-t-elle jamais rapporté quelque fusillade que ce soit dans une école à Cuba? Non, ces atrocités sont le fait d’un monde capitaliste malade, pourri jusqu’à la moelle. Sauvage impérialisme, cynique néo-colonialisme, vous devriez avoir honte. Taisez-vous, foutre! “Afè pa nou pi sal”.

Les États-Unis ont envahi l’Irak, le Koweit, l’Afghanistan pour leur voler leur pétrole par transnationales interposées. Dans la foulée, on n’oubliera pas les multiples dappiyanp sur Haïti, Cuba, le Nicaragua, le Mexique, le Salvador, le Honduras, la République dominicaine, Panama. Le Goliath aux serres de bête féroce a fondu sur ces David sans défense pour exploiter leurs richesses, voler ou annexer portion de leur territoire, former une armée budgétivore pour assurer la pérennité de leurs intérêts, s’allier aux forces locales conservatrices pour mettre en péril les valeurs culturelles locales.

Les dirigeants de la révolution cubaine, eux, ne sont pas partis occuper d’autres pays ou leur voler leurs richesses. Bien au contraire, ils ont fait preuve de solidarité internationale et ont défendu la souveraineté et la liberté de pays menacés dans leur intégrité par telle puissance colonialiste ou par tel autre puissant voisin aux appétits expansionnistes et de maintien des pratiques d’apartheid. Leur historique et décisive intervention en Afrique ne sera pas oubliée des Africains.

La première intervention date de 1961, lorsqu’un bateau cubain débarque à Casablanca chargé d’armes pour le FLN algérien et repart avec des blessés et des orphelins. Piero Gleijeses, professeur de politique étrangère américaine, est catégorique: “ Ce que Cuba a fait a été décisif pour sauver l’Angola, puis permettre l’indépendance de la Namibie, en 1990. Le lien avec la chute de l’apartheid [entre 1990 et 1994, ndlr] est, lui, indirect.”

Toujours selon Gleijeses: “D’autres facteurs ont été plus importants en Afrique du Sud. Mais il est vrai que la défaite militaire des Sud-Africains en Namibie a eu un énorme impact sur les Noirs d’Afrique du Sud. Il ne faut pas sous-estimer l’élément psychologique dans un processus colonial. La victoire de la SWAPO (guérilla namibienne, ndlr) et des Cubains a remis en cause l’idée de la supériorité blanche. L’administration du président Ronald Reagan a-t-elle jamais levé le petit doigt en faveur de l’indépendance de l’Angola ou contre l’apartheid sud-africain? Non, mais Jonas Savimbi a été reçu à la Maison Blanche en grande pompe. Sauvage impérialisme, cynique néo-colonialisme, vous devriez avoir honte, “afè pa nou pi sal”.

Par-delà l’aspect strictement matériel de l’apport de la révolution cubaine aux Cubains et aux autres peuples opprimés par l’impérialisme-colonialisme, il est important de souligner que grâce à Fidel Castro, Raul Castro, Che Guevara, Celia Sánchez, Melba Hernández, Haydée Santamaría, Vilma Espín, et les autres de la Sierra victorieuse, les Cubains ont retrouvé leur dignité foulée aux pieds par un certain Amendement Platt qui leur avait volé leur victoire sur l’Espagne.

Et c’est toute l’Amérique latine, tous les pays de la Caraïbe, toute l’Afrique, ce sont les peuples de ces contrées qui ont aussi retrouvé leur dignité, leur fierté nationale piétinée par la séculaire arrogance impérialiste-colonialiste. Leur lutte sera longue, mais elle trouvera toujours à leurs côtés l’internationalisme cubain leur offrant une aide fraternelle  pour les aider à accéder à la terre promise de la révolution, remettre les horloges à l’heure des souverainetés retrouvées et cracher à la face de l’ennemi de classe: Sauvage impérialisme, cynique néo-colonialisme, vous devriez avoir honte, “afè pa nou  sal nètalkole”.

22 avril 2018

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