Au début du mois de juillet 2025, l’organisation sociopolitique « Nou Konsyan » a dénoncé la politique du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et surtout a fait un bilan de sa gestion qu’elle estime catastrophique depuis son installation au sommet de l’Etat.
La structure politique dont Ebens Cadet est le porte-parole voulait être originale. Son organisation, en effet, qui se démarque des autres, propose néanmoins un Exécutif tricéphale pour succéder au CPT avec, pour originalité, trois entités publiques : l’Université d’État d’Haïti, la Cour Supérieure des Comptes et la Banque de la République d’Haïti. Selon Ebens Cadet, la particularité de ce choix, pour le moins surprenant, ces institutions présentent trois critères que sont dans l’ordre : (1) ancrage épistémologique et repère d’émancipation pour la jeunesse ; (2) mission de contrôle et transparence ; (3) compétence économique et ancrage institutionnel. Qui a dit que la Transition n’est pas dans l’impasse ? Somme toute, « Nou Konsyan », par la voix de son porte-parole, dénonce la dilapidation des fonds de l’État par les 9 membres du Conseil Présidentiel de Transition.
Il note que : « Le 18 mai 2025 a servi de prétexte pour gaspiller près de 400 millions de gourdes, un contrat de plusieurs millions de dollars américains a été octroyé à la société Sunrise Airways sans aucune transparence, 40 millions de dollars américains auraient été affectés à un groupe de mercenaires sans explication publique, des millions de gourdes sont déjà disponibles pour l’organisation d’un référendum illégal et irréalisable dans le contexte actuel ».
Outre ces différentes structures politiques donnant leur avis sur l’évolution et l’échec du CPT, d’autres comme le Congrès Patriotique de Sauvetage National (Kongrè Patriyotik pou yon Sovtaj Nasyonal) proposent des pistes de solution face à la crise que traverse le pays, notamment la Transition, lors de deux journées patriotiques tenues à l’hôtel El Rancho les 26 et 27 juin 2025. Après ces journées, Dr Prou, le Coordonnateur du Congrès, devait souligner, lors d’une conférence de presse le mardi 8 juillet 2025 pour présenter la Déclaration finale du Congrès qu’: « À l’issue de ces deux jours, nous avons adopté 19 Résolutions sur la crise sécuritaire et 6 autres concernant la gouvernance et la transition sans fin.
En tant que patriotes haïtiens, nous estimons que le pays ne peut plus continuer à sombrer dans l’insécurité au quotidien. Nos patrimoines partent en fumée, la population est à bout. Cela ne peut pas continuer ainsi, il faut une alternative pour sortir de cette spirale ». Il y a le parti politique MORN (Mouvement pour la Reconstruction et la Réconciliation Nationale), dirigé par Dr Jean Palerme Mathurin, ancien membre de cabinet de l’ex-Première ministre Michèle Pierre-Louis qui, depuis le Cap-Haïtien, taxe les actuels responsables du pays « d’apatrides » et ne voit d’autres solutions que le départ du CPT. « Nous avons un pays caractérisé par l’insécurité généralisée, le banditisme, la corruption, l’effondrement de l’État, une situation économique alarmante, ces problématiques nécessitent une approche concertée entre les forces vives nationales » confirme Jean Palerme Mathurin lors d’une conférence de presse le jeudi 10 juillet 2025.
De l’agronome Jean André Victor, leader politique du Mouvement Patriotique Populaire Dessalinien (MOPOD) à la Fondation Je Klere (FJK), en passant par le tout nouveau parti politique baptisé « Eritaj Nasyonal » et le groupe de l’Accord Caribe, tous s’articulent sur un seul narratif : la démission du CPT. Le groupe de l’Accord Caribe réunissant en son sein plusieurs organisations sociales et politiques avait organisé, devant la Villa d’Accueil où siège le CPT, une manifestation de protestation le 6 juillet dernier pour demander la démission du Conseil tout en proposant une nouvelle alternative avec la Cour de cassation. « Aujourd’hui, nous sommes réunis devant cette résidence pour nous adresser aux membres de ce Collège présidentiel qui dirige le pays, afin de les exhorter à prendre la décision nécessaire de se retirer de la gouvernance de ce territoire.

On peut constater quotidiennement que la situation sécuritaire du pays s’aggrave. La population est aux abois, sans aucune issue. Il est primordial de remplacer ces hommes par un autre gouvernement provisoire » indiquaient les organisateurs de la manifestation. C’est dans cette idée qu’un « Front commun vers la Cour de cassation » a été constitué il n’y a pas longtemps afin de porter, disent les fondateurs, les revendications de la population en attendant que cette démarche soit concrétisée. L’ancien député Serge Jean-Louis, membre fondateur du « Front commun vers la Cour de cassation », croit qu’il faut mobiliser la population et tous les acteurs pour réussir ce pari.
Enfin, cet acteur politique souligne que la mobilisation nationale demeure le seul recours. Mais, il n’y a pas que ces partis et organisations politiques, les uns plus radicaux que les autres, qui font monter la pression autour du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) tout en faisant la promotion d’un juge de la plus haute juridiction du pays. En effet, depuis quelques mois, il ne se passe pas une semaine sans que de nouveaux fronts ne se forment et de nouvelles coalitions ou d’alliances politiques ne surgissent dans le paysage, toujours avec le même objectif : préparer une alternative au CPT avant la date fatidique du 7 février 2026.
Dans la foulée des revendications pour un autre Exécutif, il y en a qui ne digère toujours pas cette présidence à 9 têtes, qualifiée de « Confédération syndicale inefficace » et totalement incompétente. Parmi ces structures politiques, il y a un ensemble d’organisations formant ce que leurs dirigeants appellent la COREPAS-PEA (Coalition des Regroupements des Partis pour l’Avancement de la démocratie et Parti Émergent et alliés), une mouvance qui s’emploie à donner de la voix. Le 27 juin 2025, cette coalition avait organisé sa première assise nationale pour recueillir l’avis de leurs adhérents et sympathisants sur la conjoncture. Le mardi 19 août 2025, une conférence de presse était tenue afin de rendre publique la Déclaration finale de cette assise. Sans surprise, dans le document, les organisateurs estiment que le Conseil Présidentiel de Transition a perdu tout crédit devant la population compte tenu de l’échec enregistré dans la gestion de la Transition et surtout que les membres du CPT n’ont tenu aucun engagement relatif à l’Accord du 3 avril 2024.
Lors de la présentation de la conclusion de cette assise, le Président de la COREPAS-PEA, Me Wilson Joseph, avait annoncé des propositions de son organisation pour le 22 août 2025 pendant qu’il soulignait qu’il n’y a aucune différence entre les dirigeants d’aujourd’hui et leurs prédécesseurs des années écoulées. D’après lui, ils pratiquent le même langage. « Ils reviennent toujours avec les mêmes recettes et les mêmes échecs, ayant plongé le pays dans l’insécurité actuelle. Je suis clair, nous devons organiser un départ ordonné. Ces neuf personnes au pouvoir n’ont rien offert au peuple haïtien. Une transition signifie une rupture totale, pas une continuité. Le peuple ne peut pas continuer à être dirigé par ces hommes pendant que des vies sont sacrifiées et que les générations futures sont en danger » avançait Me Wilson Joseph. Par ailleurs, le Vice-Président de cette coalition estime que « Le Pouvoir exécutif a perdu la confiance de la population et ne dispose ni des compétences, ni de la volonté, ni des méthodes nécessaires pour restaurer une gouvernance crédible. »
Outre ces critiques et des propositions à venir de la part de ce regroupement d’organisations, même auprès de certains signataires de l’Accord du 3 avril 2024 et membres du CPT donc des Parties prenantes, là aussi cela bouge, en perspective de l’après du 7 février 2026. Tous les acteurs sont conscients qu’il faut absolument trouver un consensus avant cette date et surtout reconnaissent qu’il serait impossible de reconduire la formule de Collège présidentiel tel qu’il se présente depuis bientôt deux ans.
Ainsi, les tractations sont en cours un peu partout au sein des protagonistes de tout bord. En tout cas, c’est ce qu’a annoncé l’un des acteurs de cette Transition s’agissant de l’agronome Jean André Victor, l’un des dirigeants très influents du Collectif du 30 janvier, coalition ayant un membre au CPT. Il s’agit de l’ancien Président du Sénat, Edgard Leblanc Fils, qui a été, par ailleurs, le premier Coordonnateur du Conseil Présidentiel de Transition.
Invité le mardi 26 août dernier de l’émission Panel Magik, Jean André Victor qui est aussi dirigeant du MOPOD a laissé entendre que son organisation et d’autres travaillent dans le sens de trouver eux aussi une alternative au CPT en prévision de la fin du mandat de cet Exécutif provisoire. Ce responsable politique admet que les acteurs politiques seront face à un vrai problème si le CPT joue la montre et veut garder le pouvoir. Jean André Victor tacle aussi la Communauté internationale qui apporte des solutions qu’il qualifie de « préfabriquées » sans pour autant se demander à qui la faute. En tout cas, ce dirigeant politique a été très clair, plusieurs entités politiques signataires et non signataires de l’Accord du 3 avril y compris des acteurs de la Société civile s’évertuent à préparer l’après du CPT.
Lors de son interview à Panel Magik, il expliquait que : « Plusieurs acteurs haïtiens ont pris la résolution de mettre en place une dynamique pour parler d’une seule voix et exprimer une position commune. Oui, il y a des initiatives en ce sens, même si les résultats ne sont pas encore visibles. Les acteurs concernés travaillent à harmoniser leurs objectifs. Il faut qu’il y ait des indicateurs objectifs et des axes d’action concrets. Tant que nous n’en sommes pas là, les groupes qui travaillent sur ces dispositifs ne feront aucune promesse. Le CPT devra quitter le pouvoir le 7 février prochain. Le CPT ne pourra pas se maintenir après le 7 février 2026, car il ne dispose ni de la légitimité ni de la légalité nécessaire pour répondre à la crise multidimensionnelle du pays. Haïti risque un effondrement total si le CPT persiste dans son entêtement à rester en place après la date butoir » reconnaît ce membre du Collectif des partis politiques du 30 janvier. Ce même 26 août 2025, à Pétion-Ville, une nouvelle conférence de presse a eu lieu à l’initiative d’un autre regroupement de partis politiques, toujours dans le cadre des activités afin de parvenir à une solution pacifique au départ du CPT avant le 7 février 2026. Il s’agit de la coalition sociopolitique « Initiative du 24 avril 2025. »
(À suivre)