L’Arrêté du 9 février 2021 mettant à la retraite les trois juges de la Cour de Cassation n’est qu’un papier destiné à la poubelle

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La juge Windelle Coq Thélot

A l’expiration de son mandat constitutionnel, l’ex-Président Jovenel Moïse a mis à la retraite  les trois juges – Yvikel D. Dabrézil, Windelle Coq Thélot et Joseph Mécène Jean Louis, pressentis pour le remplacer le 7 février 2021. L’un de ces juges – Joseph  Mécène Jean Louis – a même déjà été désigné par l’opposition et la société civile, comme Président provisoire de la transition. Quelle est la portée juridique d’un tel Arrêté?

Deux points seront développés pour analyser cet Arrêté.

1er) Un Arrêté nul et de nul effet qui vise à saper l’indépendance du pouvoir judiciaire 
2e) Un arrêté nul puisqu’il est initié par un ex-Président.

1er) Un Arrêté nul et de nul effet

En vertu de la Constitution et de la Loi portant Statuts de la Magistrature, cet Arrêté est nul et de nul effet. Il n’est pas de nature à produire des effets de droit. Vu sur cet angle, ce papier vise à saper l’indépendance du pouvoir judiciaire et par ricochet il n’est qu’un papier destiné à la poubelle. En effet, en 1987, l’un des signes de victoire sur la dictature sanguinaire des Duvalier est celui de l’indépendance du pouvoir judiciaire comme pouvoir à part entière par rapport à l’Exécutif.

Plusieurs articles ont consacré cette indépendance. Les articles 60 et 60.1 disposent que ” chaque pouvoir est indépendant des deux autres dans ses attributions qu’il exerce séparément. Aucun d’eux ne peut, sous aucun motif, déléguer ses attributions en tout ou en partie, ni sortir des limites qui sont fixées par la Constitution. “.

La Constitution prévoit également l’inamovibilité des juges pour éviter qu’ils soient renvoyés, ni virés sans motifs légaux ou sous les caprices de l’Exécutif”.

A l’article 177, la Constitution de 1987 prévoit que ” Les juges de la Cour de Cassation, des Cours d’Appel et des Tribunaux de Première Instance  sont inamovibles. Ils ne peuvent être destitués que pour forfaiture légalement prononcée ou suspendus qu’à la suite d’une inculpation. Ils ne peuvent être l’objet d’affectation nouvelle, sans leur consentement, même en cas de promotion. Il ne peut être mis fin à leur service durant leur mandat qu’en cas d’incapacité physique ou mentale permanente dûment constatée. “

Même lorsque  le juge aurait atteint  l’âge de la retraite, il n’aurait pas pu être mis à la retraite sans son consentement

Ainsi pour garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire, l’administration de ce pouvoir est confiée au CSPJ qui a le mandat de gérer ses ressources humaines et matérielles en recrutant ses propres membres et en acceptant leur retraite dans les conditions prévues par la loi.

En effet, il ne revient qu’au CSPJ de recruter, de renvoyer et de mettre à la retraite les membres du pouvoir judiciaire en vertu des articles 60, 60.1 et 177 de  la Constitution et l’article  51 de la loi du 27 novembre 2007.

L’exécutif n’a aucune provision légale qui l’autoriserait à prendre un Arrêté pour mettre à la retraite les trois juges de la Cour de Cassation.

Cet Arrêté, au lieu de respecter la Constitution, applique l’article 20 du Décret du 22 Août 1995, inconstitutionnel et abrogé par l’article 51 de la loi du 27 novembre 2007 portant Statuts de la Magistrature. Selon l’article 20 du Décret du 22 Aout 1995 ” Les juges des Cours et Tribunaux pourront être mis à la retraite à l’âge de 60 ans.” Par ce Décret,  à l’âge de 60 ans, ces juges peuvent être mis à la retraite. 

Par ce Décret,  à l’âge de 60 ans, ces juges pourraient être mis à la retraite. Me Boniface Alexandre, en sa qualité de Président de la République, ancien juge de la Cour de Cassation,  avait mis à la retraite cinq juges de la Cour de  Cassation après le scandale de “corruption” dans le dossier du candidat à la présidence Ciméus, écarté par le CEP d’alors à cause de sa nationalité étrangère et admis par la Cour en vertu d’un Arrêt que celle-ci avait prononcé en faveur du candidat.

Cependant, ce Décret est abrogé par la loi du 27 novembre 2007 portant Statuts de la Magistrature en  son article 51, qui prévoit que “”La limite d’âge est fixée à 65 ans pour qu’un juge voit son nom porté sur une liste de nomination. Les juges sont maintenus en fonction jusqu’au terme de leur mandat. Ils sont admis à faire valoir leurs droits à leur retraite à l’âge de 55 ans révolus après avoir fourni 25 années de service  “.

Ainsi, l’âge pour que le juge demande sa retraite est de 65 ans. L’initiative de la retraite ne revient qu’au juge concerné. Même lorsque  le juge aurait atteint  l’âge de la retraite, il n’aurait pas pu être mis à la retraite sans son consentement et en dehors des prescrits de la Constitution de 1987. Par conséquent, l’article 20 du Décret  du 22 Août 1995 est inapplicable, puisqu’il est abrogé. De plus, les articles 60 et 60.1 in fine déclarent qu'” Aucun d’eux – les 3 pouvoirs- ne peut sortir des limites  qui sont fixées par la Constitution et par la loi.”.

Il n’appartient qu’à nous pour mettre fin à cette machine criminelle du Gouvernement contre la population haïtienne.

Or, l’exécutif a agi de manière à empiéter sur les attributions du pouvoir judiciaire. Cet Arrêté doit être rejeté pour avoir violé la Constitution et la loi du 27 novembre 2007 en vigueur, abrogeant le Décret de 1995 en son article 20. Les juges doivent être maintenus en fonction jusqu’au terme de leur  mandat en vertu de l’article 51 de  la loi du 27 novembre 2007.

Il faut ajouter  à cette violation des droits des juges mis à la retraite, la décision a été prise par un ex-Président, incapable d’agir au nom de la société. 

2e) Un arrêté nul initié par un ex- Président

Il est clair que l’Arrêté de la  mise à la retraite a été pris par un ex Président dont le mandat a expiré. L’ex Président Jovenel ne peut pas initier des Arrêtés sans un statut légal. Son mandat a pris fin depuis le 7 février 2021 aux termes de l’article 134-2 de la Constitution de 1987. Les décisions ainsi prises n’engagent pas la nation, ne sont pas non plus opposables aux tiers. 

En conclusion,  l’Arrêté est pris en vue d’asseoir la dictature en Haïti. Des arrestations illégales d’un juge de la Cour de Cassation, la plus haute instance judiciaire, d’une inspectrice générale de la police et d’autres citoyens paisibles, les persécutions politiques et les kidnappings présagent des jours sombres pour Haïti. Il n’appartient qu’à nous pour mettre fin à cette machine criminelle du Gouvernement contre la population haïtienne.

Me Jacceus JOSEPH
Coordonnateur général du BODDH

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