Garry Mabour pour une Esthétique Eclectique

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L’artiste Garry Mabour

Parler de Garry Mabour tient d’une gageure dans la mesure qu’il est rare de trouver un plasticien loquace. Ses œuvres pourtant, nous invitent à un dialogue sur notre existence et notre devenir.

Il n’est pas évident qu’un artiste puisse parvenir à faire un bloc monolithique avec son œuvre. Un tel degré de fusionnement demande un travail assidu et une curiosité permanente sur son environnement et précisément sur les menus détails.

Le philosophe allemand Friederich Nietzsche affirme : “Le diable réside dans les détails”. Cette affirmation entre en considération dans un souci total de contrôle sur son sujet. 

Si l’émigration provoque l’évanescence de nos rêves les plus profonds, d’un autre point de vue, le déplacement réveille en nous une volonté de conquête et de réussite. Un challenge, si la roue tourne, s’avèrera à la dimension de nos ambitions. L’art et la culture restent et demeurent cette espace de dialogues et de propositions charriant nos espoirs et nos inquiétudes.

Muni de mon carnet de notes, des masques pour se protéger durant cette crise sanitaire mondiale, mes périples m’ont conduit à Pompano Beach, situé dans l’Etat de la Floride, dans l’atelier du peintre Garry Mabour. Cet artiste multidimensionnel, ancien diplômé et professeur à l’Ecole Nationale des Arts.

Garry Mabour jongle avec la céramique, le dessin, la sculpture, la poésie et la peinture avec doigté et la même détermination. Toutefois, il s’avère nécessaire de faire une rétrospection sur l’artiste et son œuvre. Il est un ardent et distingué travailleur, un homme dévoué à sa famille d’où il puise son équilibre. 

Les artistes sont des libres-penseurs qui alimentent le patrimoine culturel haïtien

Garry Mabour défie le cliché qui persiste à décrire les artistes comme des indisciplinés. Souvent, les artistes haïtiens témoignent de ces difficultés qui consument. Le respect est un dû et c’est aussi le cri du peuple haïtien depuis toujours. Les artistes sont des libres-penseurs qui alimentent le patrimoine culturel haïtien en lui forgeant son niveau international et indiscutable dans le métier de l’art.

Garry Mabour, par sa discipline prouve que cet équilibre était possible. 

 “Un peuple d’artistes habite Haïti” écrivit André Malraux. L’artiste haïtien par son talent, n’est pourtant prédestiné à une fatalité ! C’est de préférence le manque de discernement de la politique culturelle qui consistera à retarder la mise en place de procédures qui pourraient être bénéfiques à la protection des patrimoines nationaux en état dégradation.

Bon nombre d’artistes, avec un égo surdimensionné, portent leur attention sur leur carrière au détriment de leurs familles, faute d’encadrement, ce qui est tragique. Certes cela peut être qualifié de choix car ils doivent faire face à un public censeur et exigeant. C’est peut-être le prix à payer dans le métier de la créativité auquel chaque artiste fait son face à face. Il convient d’imaginer “Sisyphe heureux” selon l’œuvre d’Albert Camus (Le Mythe de Sisyphe).

Œuvres de Garry Mabour

Très jeune, il fréquente Gay Poterie à Delmas où il a fait ses premières armes en caressant l’argile dans toute sa volupté. Après ses études classiques, il entra au Département des Arts Plastiques de l’ENARTS ou il va avoir pour camarades de promotion : Jean Yves Métellus, Alix Sanon, Barbara Stephenson-Brézeau, Joseph Yvon Marc, Smoye Noisy, Pradel Henriquez, le ministre en fonction au Ministère de la Culture. Nombreux furent ses professeurs et mentors: Rose-Marie Desruisseaux, Dieudonne Cédor, Dr. Michel Philippe Lerebours, Franck Louissaint desquels il a glané la quintessence de leurs talents afin de les honorer en évoluant de façon personnelle avec ces maîtres de l’art qui l’ont façonné.

Il s’était fait un point d’honneur pour que son travail soit toujours d’inspiration originale même s’il devait métaphoriquement faire un clin d’œil d’honneur.

Les visites dans les musées et les galeries d’art se multiplièrent. Il dévore les magazines specialisés ARTnet, Paris Review, et la Section Culturelle du New York Times paraissant tous les dimanches pour accroître et assouvir sa curiosité grandissante. Toute cette synergie concourt à sa formation et contribue à la réalisation de la promesse.

Il aime la vivacité du style de Jackson Pollock tout en s’identifiant à un Expressionniste- Abstrait malgré les thématiques récurrentes développées laissant entrevoir une sympathie latente pour l’Indigénisme, ce courant artistique et littéraire dont Jean Price Mars fut à l’origine en mettant en exergue le monde rural et ses pratiques. Garry Mabour est calme et réfléchi. Pourtant, son oeuvre est empreinte de fureur et de violence dans ses couleurs au passage inévitable du prisme et les enchevêtrements des lignes. C’est là que Garry Mabour fait sa pause et se décrète sa minute de silence afin de focaliser et transmettre sur de grandes surfaces les couleurs dans leurs éblouissantes explosions.

Œuvres de Garry Mabour

Dans le domaine de la créativité, il convient d’utiliser la dualité à bon escient et à son profit pour éviter de s’auto-détruire. La personnalité que nous dépeint si bien le film “Amadeus” de Milos Forman, une fresque sur la vie de Wolfgang Amadeus Mozart, quoiqu’excessif par la flamboyance et l’exubérance du génie, nous donne la preuve que chacun essaye, autant que faire se peut, de refouler le prétendument désaccord qui est en soi. Quand les pulsions se réfléchissent sur la source des énergies créatrices, elles deviennent bénéfiques à tous dans le métier de la créativité et les limites ne s’arrêtent qu’au firmament.

La peinture de Garry impressionne dans la mesure qu’elle transcende la notion Espace-Temps. Elle nous transporte vers la réalité haïtienne en dépit des valeurs esthétiques occidentales qui s’en dégagent tout en restant profondément attachée au terroir.

Ses surfaces sont recouvertes de plusieurs couches d’apprêts soigneusement mijotés, ensuite stigmatisées à l’aide d’un attirail d’outils de son cru.

Sa technique: il a une préférence pour les grandes surfaces, le type de matériau qu’il utilise et le temps qu’il a mis à contribution nous laisse présager que son oeuvre est faite pour exister dans la durée. Ses surfaces sont recouvertes de plusieurs couches d’apprêts soigneusement mijotés, ensuite stigmatisées à l’aide d’un attirail d’outils de son cru. Toutes ses manoeuvres se combinent pour donner son identité propre à l’oeuvre et lui conférer son âme. Le bleu est très favorisé dans ses toiles, cette couleur persiste dans tous ses états ; tantôt pur tantôt dans de subtiles mélanges réduits à leurs plus simples expressions.

L’artiste est un faucon pèlerin et aussi un guide qui médite et mémorise incessamment et se permet d’attarder un regard profond afin de se prononcer sur le devenir de notre aventure humaine. Henri Bergson, un philosophe français déclara à ce propos: « L’art est l’expression du réel et l’artiste celui qui transmet le réel aux hommes ».

Et c’est dans cet esprit que nous vous invitons à découvrir sur Instagram sa page pour vous familiariser avec ses œuvres et en tirer vos propres conclusions. Selon Confucius « Une Image Vaut Mille Mots. »

 New York, le 25 Décembre 2020 

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