Les querelles entre les membres du Conseil présidentiel de transition (CPT) et le Premier ministre Garry Conille en Haïti donnent sans doute le signal qu’il y aurait une autre transition en gestation. Certes, une sorte de transition dans la transition pourrait-on dire, une fois de plus programmée par la CIA et le Département d’État américain.
Ces querelles intestines, de surcroîts personnels, ne sont pas innocentes et n’ont en réalité rien à voir avec les conditions réelles des masses populaires et la situation désastreuse du pays. Ces acteurs au service de l’impérialisme ne font que mettre en scène le jeu de l’ennemi du genre humain prônant la division pour mieux régner.
Les divergences ouvertes entre le CPT et le Premier ministre ont clairement montré qu’ils sont des esclaves de salon qui se battent pour attirer l’attention du maître colonial vers l’un plutôt que vers l’autre. Dans l’état actuel des choses, l’un peut empoisonner voire éliminer l’autre pour être le seul à servir les impérialistes. C’est le cas de deux chiens qui se battent parce qu’ils ne s’entendent pas pour que leurs maîtres les mènent tous les deux en même temps. Ils veulent chacun être le seul chien fidèle du patron.
Chacun veut profiter de l’erreur de l’autre. L’ancien président du Conseil Présidentiel Edgard Leblanc Fils avait partagé le rôle sans rechigner, mais Leslie Voltaire de sources Lavalas est par nature un politicien individualiste, il ne voit que lui-même.
Dans ce contexte, les rumeurs sur la présence de mercenaires étrangers engagés par la Primature [auprès] de la Compagnie Studebaker Defense Group de l’ancien général Wesley Clark ont été vite appréhendées par le Conseil présidentiel de transition qui a tout de suite exigé des explications du Premier ministre et, dans une lettre, l’a invité à se présenter à la Villa d’accueil.
Pour déjouer les jeux du Conseil, le chef du gouvernement Garry Conille a été contraint de chercher des alliés parmi la population. Ainsi, en prélude à la réunion qui devait avoir lieu entre les deux têtes de l’Exécutif le lundi 4 novembre, Conille organisa un Forum citoyen à Kenscoff, le samedi 2 novembre 2024, une soi-disant plateforme pour échanger avec les citoyens du pays sur plusieurs termes brûlants de la vie nationale. Il s’est rendu disponible pour répondre aux questions de la population, un montage de propagandes bien monté à la manière du “Gouvènman Lakay ou” que Martelly-Lamothe organisait mensuellement pour amadouer la population afin de cacher son bluff.
A l’une des questions venues, non pas de l’auditoire mais d’un interlocuteur en ligne sur la question des mercenaires étrangers, le Premier ministre a répondu « La garantie que je peux vous donner, sans tourner autour du pot, c’est qu’il n’y a pas de mercenaires sur le sol haïtien ». Cependant, au cours de la réunion du 4 novembre entre Conille et les 3 membres du Conseil Présidentiel, il leur a expliqué que les étrangers sont là depuis quelques mois et sous la présidence d’Edgard Leblanc Fils qui a été bien informé du dossier. « Ce ne sont pas des mercenaires, mais un groupe de formateurs pour aider à la formation de l’armée et de la police ».
Par ailleurs, la Communauté des Caraibes (CARICOM), dans une prise de position publiée le mardi 29 octobre se dit profondément préoccupée par le conflit ouvert entre le président du Conseil présidentiel de transition Leslie Voltaire et le Premier ministre d’Haïti Garry Conille. C’est dans cette optique qu’une réunion a eu lieu le 1er novembre entre les deux protagonistes avec la médiation de la Caricom. Inquiétée, la Caricom a fait remarquer que « ce manque croissant de cohésion met en péril le processus de transition basé sur l’esprit et les principes de compromis, de consensus et d’inclusivité énoncés dans l’accord politique du 11 mars 2024 en Jamaïque et l’accord politique du 3 avril 2024 élaboré par les parties prenantes haïtiennes. »
A cette réunion, Voltaire empêtré dans ses arguments n’a pas pu délivrer et n’a convaincu personne. A une question des éminentes personnalités sur le remaniement ministériel, Voltaire a eu le courage de leur dire qu’il s’agit d’une affaire nationale, elles n’ont pas à s’y immiscer. Les émissaires lui ont fait savoir que : nous avons toujours été là depuis le début pour vous accompagner dans la résolution de votre crise, et c’est nous qui vous avons aidé à être là où vous êtes. Et c’est toujours dans cet esprit que nous avons posé certaines questions.
A cette réunion, Conille rappela à l’ordre les membres du CPT pour leur inaction au sein de l’Exécutif. Il se projette en tant que chef de l’Exécutif et recommanda à ses subordonnés au Conseil Présidentiel de : publier au Moniteur l’accord du 3 avril, former l’Organe de Contrôle des Actions du Gouvernement (OCAG), former le Conseil National de Sécurité, nommer les directeurs généraux. Et pour couronner le tout, il demanda au CPT de se prononcer sur la situation des trois conseillers présidentiels “inculpés” dans l’affaire de corruption de la Banque Nationale de crédit (BNC).
Mais c’est la dénonciation de la corruption des 3 membres du CPT épinglés dans l’affaire du BNC qui ajouta de l’huile sur le feu, car Voltaire pour obtenir le poste de Smith Augustin avait signé un accord avec les 3 conseillers accusés pour les protéger.
Là où le bât blesse, selon des sources proches du CPT, c’est que si Voltaire pensait rompre cet accord pour abandonner les 3 accusés, ils ne resteront pas sans dénoncer également ces autres collègues conseillers qui auraient participé à des actions louches de corruption avec d’autres directeurs généraux au sein de l’Administration d’Etat.
Avec un tel panorama, il y a de fortes chances que le gouvernement et l’Exécutif n’apportent rien à cette transition. De plus, nous approchons à grands pas de la fin de cette année et le Conseil Électoral Provisoire est toujours amputé de deux membres. N’est-ce pas déjà le signal d’un échec flagrant de cette classe politique traditionnelle ? Et dans ce cas, ne seront-ils pas contraints par leur maître, l’impérialisme américain, de démissionner pour que ce dernier puisse accoucher d’une 3ème transition de sorte qu’il continue sa politique de domination du pays.