Wikileaks: Les commanditaires internationaux des élections en Haïti avaient « trop investi » pour se désister

Alors que la vérité sur le trucage éclate au grand jour

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L’ambassadeur des É.-u., Kenneth Merten et le président René Préval.

(English)

Les États-Unis, l’Union européenne, l’Organisation des Nations unies ont décidé d’appuyer les récentes élections présidentielles et parlementaires en Haïti, même s’ils savaient que le Conseil électoral provisoire (CEP), « fort probablement de concert avec Préval », avait imprudemment et injustement exclu le plus grand parti du pays, Fanmi Lavalas, d’après un câble secret de l’ambassade des É-U. daté du 4 décembre 2009, mis à la disposition d’Haïti Liberté par WikiLeaks.

Lors de leur réunion, à laquelle prenaient part les ambassadeurs du Brésil, du Canada, de l’Espagne et des É.-U., les bailleurs de fonds internationaux sont allés, en connaissance de cause, de l’avant avec le scrutin vicié vu que « la communauté internationale a trop investi dans la démocratie en Haïti pour se désintéresser des prochaines élections, malgré ses [sic] imperfections », selon les termes du représentant de l’Union européenne rapportés dans le câble de l’ambassadeur des É.-U., Kenneth Merten.

Fanmi Lavalas (FL) est le parti de l’ancien président, alors en exil, Jean-Bertrand Aristide, kidnappé par une équipe de commandos SEAL de l’US Navy le 29 février 2004 et exilé en Afrique dans le cadre d›un coup d›État orchestré par la France, le Canada et les États-Unis.

Au cours de la réunion des bailleurs de fonds du 1er décembre 2009, cette question a tourmenté l’ambassadeur canadien Gilles Rivard, qu’« un appui aux élections, telles qu’elles se présentent actuellement, pourrait être interprété par plusieurs en Haïti comme un appui à la décision de Préval et du CEP contre Lavalas ». Il disait que le CEP avait manqué à sa promesse de « reconsidérer l’exclusion de Lavalas ».

le deuxième tour était illégal parce que les huit membres du CEP n’ont jamais été en mesure de rassembler les cinq voix nécessaires pour ratifier les résultats du premier tour imposé par Washington et l’OEA.

« Si c’est le genre de partenariat que nous avons avec le CEP à l’approche des élections, quel genre de transparence pouvons-nous attendre d’eux lors du déroulement du processus ? » de demander Rivard.

À la lecture du câble, il est clair que les bailleurs de fonds se préoccupaient uniquement des apparences, en ce qui a trait à l’exclusion de Lavalas. Ils s’inquiétaient principalement de renforcer l’« opposition » (euphémisme pour désigner « la droite ») qui, à leurs yeux, avait été « émasculée » par Préval. L’UE et le Canada ont donc proposé que les bailleurs de fonds « contribuent à niveler le terrain », notamment en « achetant du temps d’antenne pour permettre aux politiciens de l’opposition de promouvoir leurs candidatures », ou risquer de voir la droite « ne plus représenter une force significative dans le prochain gouvernement. »

De tels plans, visant à s’immiscer effrontément et faire du favoritisme dans le processus électoral souverain haïtien, laissaient présager la manière dont Washington interviendrait en force dans les élections lorsqu’elles ont finalement eu lieu le 28 novembre 2010, suivies des ballotages le 20 mars 2011.

Ces interventions, essentiellement l’oeuvre de l’Organisation des États américains (OEA), ou ce que Cuba appelle « le ministère des Affaires coloniales » de Washington, ont assuré la victoire du farouche défenseur du coup d’État organisé par les É.-U., Michel « Sweet Micky » Martelly, 50 ans, ancien musicien lubrique de konpa; malgré un processus électoral tragiquement défectueux et souvent illégal ainsi qu›un taux de participation anémique.

Moins de 23 % des électeurs inscrits en Haïti ont voté à l’occasion de l’un ou l’autre des deux tours, le plus faible taux de participation électorale dans l’hémisphère depuis 1945, d’après le Center for Economic and Policy Research à Washington.

En outre, le deuxième tour était illégal parce que les huit membres du CEP n’ont jamais été en mesure de rassembler les cinq voix nécessaires pour ratifier les résultats du premier tour imposé par Washington et l’OEA.

La réunion des bailleurs de fonds de décembre 2009 a eu lieu un peu plus d›un mois avant le tremblement de terre du 12 janvier 2010, qui a fait dérailler les élections initialement prévues pour le 28 février 2010. Lorsque le vote a été reporté, les enjeux étaient encore plus importants, d’abord la manière dont les 10 milliards de dollars promis pour l’aide suite au tremblement de terre allaient être dépensés et l›avenir de la force d’occupation militaire de l’ONU, forte de 11 500 membres, qui occupe Haïti depuis le coup d’État de 2004. Les É.-U. se sont montrés les plus fervents partisans d’une élection-spectacle destinée à conférer un vernis démocratique à la très impopulaire et onéreuse occupation militaire, qui coûte actuellement environ 1,5 milliards de dollars US par année.

L’ambassadeur Merten a exhorté les bailleurs de fonds à réagir quelque peu à l’exclusion de FL, disant qu’il leur suffirait « de tenir une conférence de presse conjointe pour annoncer l’appui des bailleurs de fonds aux élections et appeler publiquement à la transparence » car « sans l’appui des bailleurs de fonds, le calendrier électoral risque de ne pas être respecté, mettant en péril une succession présidentielle opportune ».

Son câble était classifié « Confidentiel » et « à ne pas être divulgué aux ressortissants étrangers [NOFORN, c.-à-d. : Not for release to foreign nationals en anglais] ».

Merten s’était opposé à l’exclusion de FL, non pas par affinité avec le parti ni pour soutenir quelques principes d’inclusion, mais parce que ce parti risquait de faire figure « de martyr et que les Haïtiens croiront (avec raison) que Préval manipule les élections ». L’exclusion de FL de l’élection « pour ne pas avoir soumis les documents appropriés » a préparé le terrain pour que Martelly soit opposé à une autre candidate néoduvaliériste, Mirlande Manigat.

Le faible taux de participation aux élections a été attribué à la futilité du choix entre deux candidats peu attrayants, une campagne de boycott massive et, surtout, la consternation populaire de par l’exclusion de FL, la raison même pour laquelle la réunion du 1er décembre a été convoquée.

L’ancien président Aristide, de retour d’exil en Haïti le 18 mars, deux jours avant le second tour, a cerné la question lorsqu’il a déclaré à son arrivée : « Le problème, c’est l’exclusion, la solution c’est l’inclusion ».

(Traduit de l’anglais par Guy et Camilo Roumer)

 

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