Jean Michel Lapin cherche-t-il à revenir sur la scène politique ?

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L’ancien Premier ministre Jean Michel Lapin

(2ème  partie)

 

Lors de la semaine de la Diaspora haïtienne qui s’est déroulée à Santiago, en République dominicaine, du 13 au 20 avril 2023, sous le thème de « Pour un changement réel dans les relations haïtiano-dominicaines », Jean Michel Lapin a déclaré « Aujourd’hui, il est venu le temps pour les responsables haïtiens et dominicains de réorienter les contentieux entre les deux peuples de l’espace politique à la société civile des deux nations une façon d’arriver à ce que j’appelle un vivre ensemble. Ce que vit le pays depuis plus de trente ans est le résultat d’un « bing bang politique » où on n’est jamais parvenu à mettre sur pied de véritables structures de gestion du pays dans la perspective de la continuité de l’État. Plus récemment, on a raté le train de la bonne gouvernance. Voilà ce qui met autant nos frères et sœurs en situation difficile en termes de migration en République dominicaine.

Notre diplomatie n’a pas été à la hauteur des besoins des haïtiens dans la diaspora. Diaspora pa ka fè kado ankò. Il ne peut y avoir de développement économique ou politique sans la diaspora. Toujours est-il que cela demande du leadership, de l’organisation et de la solidarité ». Une fois de retour en Haïti, l’ancien PM de Jovenel Moïse part à la recherche de ce qu’il a appelé un « Leadership responsable et éclairé », un langage poussant certains leaders actifs du paysage politique à se questionner sur l’objectif réel de Jean Michel Lapin au moment où Ariel Henry dit le « Roi Henry » cherche à ouvrir le processus électoral dans le pays. Le 21 avril 2023, en effet, toujours dans les colonnes du quotidien de la rue du Centre, l’ex-chef de gouvernement publie un nouveau document dans lequel il propose de « Réconcilier la nation avec elle-même, dans la dynamique de l’unité, de l’égalité et de la fraternité. »

Il a brièvement fait un diagnostic de la société haïtienne de ces 36 années écoulées, avant de parvenir à la conclusion que le peuple est toujours privé d’un vrai leadership. « Depuis 36 ans, le peuple haïtien, dans sa majorité écrasante à travers des élections dites toujours libres et démocratiques, est à la recherche d’un leadership responsable et éclairé pour répondre aux désidératas du bien-être collectif. 36 ans d’espoir et de luttes quotidiennes, entrainant tant de morts, de sacrifiés, d’exilés, de décapitalisés et de traumatisés. Et malgré tout, aujourd’hui encore, ce peuple, exploité et maltraité par plus d’un, s’accroche encore à l’espoir d’un lendemain meilleur, à la recherche d’un leadership responsable et éclairé » écrit l’ancien Premier ministre a.i de Jovenel Moïse dans Le Nouvelliste. Comme à son habitude, Jean Michel Lapin définit le rôle de cet oiseau rare, semble-t-il, depuis des décennies en Haïti. Dans ce qui constitue la marche à suivre que ce leadership doit porter, on en relève au moins 25 points selon la définition de l’auteur.

Jean Michel Lapin, 2ème à partir de la droite, ouvre la semaine de la Diaspora haïtienne à Santiago, en République dominicaine

Dans son texte, celui qui n’a jamais pu faire le grand oral devant le Parlement pour présenter sa Déclaration de politique générale en tant que Premier ministre nommé, a passé en revue tous les points que ce « leadership éclairé et responsable » devrait pouvoir réaliser. Si l’on rajoute cette sorte de catalogue à la Prévert dans les premières propositions, il paraît plus qu’une évidence que cet ensemble de propositions se présente comme une ébauche d’un futur programme de gouvernement. Surtout quand Jean Michel Lapin a parlé d’« Entreprendre les différentes réformes administratives et institutionnelles, pour le fonctionnement réel des institutions publiques, dans la transparence, au service des communautés ; Etablir de véritables partenariats publics-privés, aux fins d’ouvrir le pays aux investissements étrangers, dans les domaines de la création et l’exploitation des infrastructures agricoles, minières, portuaires, touristiques, routières et aéroportuaires. Il est temps que nous sortions enfin de la dynamique du nationalisme d’après 1804, tout en gardant le sentiment de l’idéal dessalinien. Pour ce faire, il nous faut : Appliquer la loi sur la décentralisation, aux fins de l’autonomie administrative, sociale, culturelle, touristique et économique de tous les départements » avance-t-il entre autres. Mais, Jean Michel Lapin ne s’arrête pas là.

Le vendredi 28 avril, le pays allait le retrouver chez Marie-Lucie Bonhomme, dans la « grand messe » de radio Vision 2000 en tant qu’invité du jour. Dans cette émission très écoutée en Haïti, l’ancien pensionnaire de la Villa d’Accueil a été très loquace sur l’ensemble des sujets que la journaliste a abordé avec lui durant une heure. Sans langue de bois, celui qui a dirigé les affaires publiques durant une année dans une conjoncture politique et sociale de haute tension, a distribué les bons et mauvais points sans essayer de fuir ce qui était ses responsabilités, même si, en écoutant l’émission, l’on a tendance à croire qu’il n’avait pas les mains libres, en tout cas, pas toutes les latitudes pour agir. Sans surprise, Jean Michel Lapin a défendu la manière dont Ariel Henry est arrivée à la Primature. Pour lui, il faut arrêter de parler de ce Tweet de Mme. La Lime qui aurait nommé ou confirmé Ariel Henry comme Premier ministre.

Il défend avec force de détails que c’est bien le Président Jovenel Moïse qui a nommé celui-ci, certes, quelques heures avant son assassinat et que c’est faute de temps et surtout le contexte dans lequel cette nomination a été faite qui expliquent qu’Ariel Henry n’a pas eu le temps de s’installer à la Primature pour former son gouvernement. En revanche, il dit ignorer quel secteur politique avait suggéré le nom du Dr Ariel Henry au Président Moïse. A la question de Marie-Lucie Bonhomme, est-ce Michel Martelly ? Jean Michel Lapin a répondu, « je ne sais pas. Je ne peux pas l’affirmer. J’étais pas dans la confidence et ne faisant pas partie des négociateurs. » D’après Jean Michel Lapin, Dr Claude Joseph, n’était plus officiellement chef du gouvernement, il exécutait les affaires courantes étant démissionnaire pour permettre au chef de l’Etat encore vivant de nommer son successeur, en l’occurrence Dr Ariel Henry. Il affirme que tout ce qui avait été entrepris à l’annonce de l’assassinat du Président, aurait dû se faire par le successeur du Premier ministre Claude Joseph.

Il ne comprend pas pourquoi cela n’a pas été ainsi. Dans cette interview du 28 avril 2023 sur radio Vision 2000, Jean Michel Lapin a été tout sauf quelqu’un ne s’intéressant plus à la politique. Et on le sentait, même s’il se défendait en disant que ce n’est pas parce qu’il donnait quelques conseils ou faisait quelques réflexions en tant qu’ancien Premier ministre, qu’il envisagerait de se porter candidat à la présidence d’Haïti. Pourtant, l’activisme de l’ex-chef a.i du gouvernement trahit ses dires ou contredit ses propos. On en veut pour preuve, au moment même où il était en train de faire un diagnostic peu rassurant sur la Transition, il avait déjà un texte dans la Rédaction de Le Nouvelliste intitulé : « Récit d’un voyage » dans lequel il livre presque ses pensées et ses idées pour demain. Un texte qui, à notre avis, fait suite à ses deux premiers articles dans lesquels il pose le jalon pour de futurs débats dans le cadre des joutes politiques à venir. Ce « Récit de voyage » publié le vendredi 28 avril 2023 dans le quotidien Le Nouvelliste, est, en vérité un prétexte pour l’ancien locataire de la Villa d’Accueil de revenir dans le débat.

C’est le récit de son escapade en République dominicaine pour participer à la semaine de la diaspora haïtienne dans ce pays que nous avons évoqué plus haut. En fait, cette sortie du pays a donné l’opportunité à Jean Michel Lapin d’étoffer ce qu’il a commencé à mettre sur support papier en prélude à une éventuelle candidature. Plusieurs responsables politiques et acteurs de la Société civile proches et opposés à l’actuel Premier ministre avec qui nous avons abordé le retour de Jean Michel Lapin dans le paysage politique, tous ou presque nous ont répondu qu’« il serait curieux que Jean Michel Lapin faisant tous ces descriptifs d’une portée politique sans équivoque soit dénué d’arrière-pensée politique pour l’avenir. Sa dernière sortie, sous prétexte de « choses vues et entendues » auprès des haïtiens de la République dominicaine, n’a rien du hasard. Elle fait partie d’une stratégie de communication qui semble s’adapter à la conjoncture en Haïti. Ce périple de près d’une semaine qui l’a conduit de Santiago à Santo Domingo l’a fait découvrir un pays qui n’a rien à voir avec le sien déjà sur le plan de stabilité politique et ensuite de développement durable.

Surpris comme un touriste arrivant pour la première fois dans un pays dont il avait seulement entendu parler, l’ancien Premier ministre dans son : « J’y étais, j’ai vu, j’ai entendu et j’ai compris » nous livre ses impressions comme pour dire voilà comment les dirigeants haïtiens doivent procéder : « J’ai vu la présence des Forces de Sécurité Publique, et j’ai senti le fonctionnement d’une structure de renseignement efficace ; J’ai vu des Entreprises Privées et Publiques qui fonctionnent de jour comme de nuit ; J’ai vu des zones économiques qui sont protégées et des rues qui sont propres ; J’ai vu l’engagement de l’Etat à travers des actions réelles dans la dynamique de la «  Bonne Gouvernance » ; J’ai vu aussi un pays qui, au-delà des problèmes liés à la surpopulation, se fixe des objectifs de développement durable dans la dynamique de la continuité de l’Etat. » 

En tout état de cause, la Fondation Zilé, à l’occasion de cette 11e édition de la semaine de la diaspora haïtienne, a permis à l’ancien dirigeant haïtien de comprendre la nécessité de transformer Haïti tout simplement en changeant de paradigme ou plus simplement de logiciel dans la gestion du pays. C’est peut-être pour cette raison, qu’en guise de conclusion, Jean Michel Lapin termine sa longue réflexion sur la recherche d’un « leadership responsable et éclairé » par un paragraphe qui laisse libre cours à toutes sortes d’interprétation sur son intention réelle ou supposée de se jeter à nouveau dans l’arène politique, mais cette fois à la plus haute marche du pouvoir. « Le leadership enfin, qui proposera une vision orientée vers la refondation et l’établissement de la justice sociale.

Donc un nouvel ordre social, au bénéfice du bien-être collectif. Aujourd’hui encore, plus que jamais, le peuple, dans sa grande majorité, désemparé et épuisé, s’accroche toujours à l’espoir d’un leadership responsable et éclairé qui exprime la volonté, le courage, le sérieux, le sens du devoir, pour affronter les grands défis de la mondialisation et de la globalisation, avec honneur, dignité et la fierté de l’haïtianisme identitaire et révolutionnaire. Nourrissons l’espoir : « qu’il soit collectif. » termine l’ex-successeur du Premier ministre Jean Henry Céant qui ne semble pas dire son dernier mot à la politique, ce d’autant plus qu’il a été le chef du gouvernement d’un Président assassiné durant son mandat. (Fin)

 

C.C

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