Le « Conseil de Transition du Peuple Souverain » : une instance politique mort-née !

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Le leader de la Plateforme Pitit Dessalines Jean-Charles Moïse

En plein débat sur le processus d’une occupation d’Haïti sollicité officiellement par le Premier ministre de facto Ariel Henry, les observateurs politiques découvrent, comme la grande majorité de la population d’ailleurs, une nouvelle structure dans le paysage politique haïtien. Il s’agit du « Conseil de Transition du Peuple Souverain ». D’où vient-elle et qui est le concepteur de cette énième instance dont l’objectif serait de remplacer l’équipe à la tête de la Transition depuis l’assassinat du Président Jovenel Moise ? C’est lors d’une conférence de presse tenue le dimanche 23 octobre 2022 à Port-au-Prince par l’un des chefs de file de l’ancienne opposition, Jean-Charles Moïse, qu’on a pris connaissance de l’existence de cette nouvelle instance politique que rien ne différencie des autres qui existent.

Selon l’ancien sénateur et chef du Parti Pitit Dessalines, le principal initiateur de ce mouvement concurrent des dizaines d’Accords politiques qui courent les rues du pays depuis plus de deux ans, le « Conseil de Transition du Peuple Souverain » est le résultat d’un long travail entrepris depuis des mois auprès de centaines de citoyens et de structures de la Société civile et d’autres organisations politiques. Cette nouvelle organisation, une fois installée, a pour missions principales, selon Jean-Charles Moïse : deux grands chantiers. D’une part, rétablir la sécurité sur l’ensemble du territoire national et ensuite compléter la Cour de cassation afin de constituer un nouveau Conseil Électoral Provisoire (CEP). Les neuf membres du Conseil doivent engager des pourparlers sincères avec tous les autres secteurs de la vie nationale, entre autres, le Tiers du Sénat et les autres Accords existant en vue de désigner un nouveau Premier ministre provisoire. Tout émerveillé, l’ex-Maire de Milot égrène un à un les noms des personnalités constituant ce fameux « Conseil de Transition du Peuple Souverain ».

Ils sont au total neuf sur la liste. Chacun représente un ou deux départements du pays y compris la diaspora. Au départ, l’on trouve le Dr Eugénia Romain, (Ouest) Présidente ; l’ancien Président du Sénat, Edgard Leblanc Fils, Vice-Président ; suivis de Val Jean Elie (Grand Sud) ; Jacques Roobens Bordenave ; Jacceus Joseph (Grand Nord) ; Jean Renald Nau Léonard (Artibonite /Centre) ; Péguy Jean (Presse) ; Jérémie Dupont (Quartiers Populaires) ; et Jean Rimond Ker (Diaspora).

Les neuf membres du Conseil de Transition du Peuple Souverain

Toujours d’après le leader de la Plateforme Pitit Dessalines, le mandat de ce « Conseil » ne dépasserait pas une année dans la mesure où d’ici là, les neuf Conseillers auront le temps de tout agencer, voire de passer le pouvoir à des élus sortis des urnes. Si pour certains, le jour même de la présentation dudit Conseil de Transition initié par Jean-Charles Moïse, l’affaire ressemble plus à une opération de communication qu’autre chose, sinon à une vaste plaisanterie, pour d’autres, cette histoire de « Conseil de Transition du Peuple Souverain » est une opération sans lendemain, donc mort-née, puisque personne n’imagine que dans l’actuel contexte l’ancien sénateur puisse réussir là où tant d’autres avant lui ont lamentablement échoué à faire partir Ariel Henry.

En effet, avant même que le patron de Pitit Dessalines ait été obligé de faire un rétropédalage sur la composition de l’équipe dudit Conseil, ce qu’on verra plus loin, plusieurs voix du microcosme s’étaient levées pour dire que cette instance politique n’a bénéficié d’aucun consensus entre différents secteurs comme l’a annoncé Jean-Charles Moïse. Plusieurs personnalités citées comme étant membres du Conseil sont contestées par les organisations auxquelles elles sont affiliées. Si elles ne sont pas contestées, elles ne bénéficient non plus d’aucun soutien de la part de la direction des organismes concernés. Prenons le cas du journaliste Péguy Jean qui officie sur radio Signal FM présenté comme membre du Conseil. Il se trouve que l’Association Nationale des Médias Haïtiens (ANMH) dont Jacques Sampeur est le Président dit n’avoir jamais donné son accord ni désigné aucun représentant de presse auprès du « Conseil de Transition du Peuple Souverain » de Jean-Charles Moïse.

Si pour certains cette structure n’est qu’une de plus dans le paysage politique haïtien depuis la Transition, pour d’autres, sa chance de réussir est aussi nulle qu’il neige un jour sur Port-au-Prince.

Interrogé par différents médias de la capitale sur la désignation d’un journaliste à cette structure politique, Jacques Sampeur répond sans détour : « Non je ne suis pas au courant en tant que Président de l’ANMH. Je connais Péguy Jean en tant que journaliste de radio Signal FM, mais en tant que Président d’une association de média de presse, je ne suis pas au courant » insiste-t-il. Ce cafouillage était prévisible, s’agissant d’une initiative politique dans un contexte où personne en Haïti ne maîtrise rien en ce qui concerne la Transition politique et où c’est à Washington et à Ottawa que se discute l’avenir de la Transition, voire l’avenir des Haïtiens tout court. Outre Péguy Jean qui serait un électron libre perdu chez Jean-Charles Moïse, d’autres organisations politiques se démarquent ou prennent carrément leur distance avec le « Conseil de Transition du Peuple Souverain ». C’est le cas de POHDH (Plateforme des Organisations Haïtiennes de Défense des Droits Humains) qui dément formellement avoir été consultée par la Plateforme Pitit Dessalines avant le lancement dudit Conseil.

Selon son Secrétaire exécutif, Alermy Pierrevilus, à aucun moment son organisation ou d’autres membres affiliés n’ont été approchés par Jean-Charles Moïse : « La Plateforme et les sept organisations membres n’ont pas été consultées sur cette initiative, mais en plus toutes les organisations amies de la Plateforme avec lesquelles nous avons l’habitude de travailler n’ont pas été consultées autour de cette question. Je veux surtout souligner qu’à un moment où le mouvement de l’unité est plus qu’important dans le pays, il est très grave lorsqu’un leader se présente en « Grenn 5 » pour proposer une initiative. Cela traduit clairement que le leader ne veut que le pouvoir. Et il veut arriver au pouvoir au détriment de l’intérêt du collectif. Cela explique un vide idéologique chez Moïse. On peut dire que c’est un leader qui n’a pas de ligne, d’objectif, si dans ce contexte, il a choisi de présenter en « Grenn 5 » une initiative à la nation alors qu’en parallèle il y a un ensemble d’initiatives de concertations.

 Il est clair qu’il montre au pays qu’il ne peut pas compter sur ces genres de leader » a avancé dans les médias Alermy Pierrevilus à propos de la décision du leader de Pitit Dessalines de lancer sa propre équipe de transition pour prendre le pouvoir au moment où les citoyens se positionnent sur l’arrivée ou non d’une force d’intervention étrangère dans le pays. Mises à part ces deux premières prises de positions qui, le moins que l’on puisse dire, sont loin d’être favorables ou encourageantes à l’initiative de l’ancien candidat à la présidence, la situation de son Vice-Président non plus n’est pas assez claire. En effet, l’ex-sénateur Edgard Leblanc Fils, présenté par Moïse comme la caution politique la plus respectée dans l’affaire, est loin d’être une prise de guerre de tout repos. Si l’ancien sénateur des Nippes demeure une figure très respectée et au-dessus de tout soupçon dans le paysage politique haïtien, son entrée en lice dans ce fameux « Conseil de Transition du Peuple Souverain » est loin de faire l’unanimité au sein de la classe politique et même au sein de son Parti OPL.

Selon Moise le KTPS était le fruit de consultations et d’un consensus trouvé entre plusieurs organisations de base, de la Société civile, des partis politiques et d’organisations populaires.

Bombardé Vice-Président dudit Conseil, Edgard Leblanc Fils, en tant que Coordonnateur de l’OPL, ne bénéficie apparemment pas du soutien de sa direction, à en croire le porte-parole du Parti, Danio Syriack. Quand on demande à celui-ci quelle est la position de la Direction de l’OPL sur la présence de son Coordonnateur au sein de cette instance politique créée de toute pièce par Jean-Charles Moïse pour concurrencer les autres Accords politiques, notamment, celui de Montana dont l’OPL est membre, Danio Syriack répond par une pirouette : « Nous, au niveau de l’OPL, savons que le sénateur Jean Edgard Leblanc Fils est considéré comme l’apôtre de la concertation la plus large entre tous les secteurs organisés de la vie nationale pour trouver un consensus de résolution à la crise d’Haïti. D’ailleurs, c’est de lui qu’émane le concept Mache kontre sur la table de discussion politique dans le pays.  Étant donné que le sénateur Jean Charles Moïse n’est pas en harmonie avec l’Accord de Montana, c’est peut-être qu’il est arrivé à un moment où il accepte l’idée de rencontrer ce groupe pour arriver à un consensus sachant que le sénateur Edgard Leblanc Fils est Coordonnateur de l’OPL et cette structure est impliquée à fond dans cet Accord ».

Ne voulant certainement pas jeter de l’huile sur le feu, le porte-parole de l’OPL préfère botter en touche et emploie un langage de diplomate : « Si le nom du sénateur Leblanc s’inscrit dans une telle démarche c’est parce que le leader de la Plateforme Pitit Dessalines pourrait bien avoir reçu son message et qu’il a admis la nécessité de s’impliquer dans la large concertation en cours  avec les autres Secteurs » dit-il. En tout cas, le dimanche 23 octobre 2022, à l’hôtel Le Plaza au Champs de Mars, à Port-au-Prince, Jean-Charles Moïse était fier de présenter son nouveau bébé qui, d’après lui, était le fruit de consultations et d’un consensus trouvé entre plusieurs organisations de base, de la Société civile, des partis politiques et d’organisations populaires. Tout aurait pu s’arrêter là et que le « Conseil de Transition du Peuple Souverain » ouvre les grands chantiers qui l’attendent.

Sauf que certains attendaient Jean-Charles Moïse au tournant et l’épiaient comme le lait sur le feu. Cinq jours après la présentation officielle de son bébé sur les fonts baptismaux, on apprend que la Présidente du Conseil, le Dr Eugénia Romain, a été remerciée pour cause de nationalité canadienne et surtout accusée de fraude à l’aide sociale. Sauf que, dans la confusion, ce n’est pas elle qui était mise en cause dans l’affaire de fraude mais son époux. Qu’importe, le mal est fait. « Je ne voulais que servir mon pays. Mais il y avait trop de tollé, de mensonges. J’ai fait parvenir une lettre au sénateur pour lui demander de trouver quelqu’un d’autre pour me remplacer » a avancé l’éphémère Présidente du « Conseil de Transition du Peuple Souverain », Dr Eugénia Romain. Quant à Jean-Charles Moïse, il a dû en catastrophe trouver une remplaçante. « Le Dr Eugénia Romain est douée d’une bonne formation. Elle est une humaniste. Elle a beaucoup travaillé sur le terrain et elle aurait pu être utile au pays. Cependant, nos adversaires politiques voulaient profiter de sa présence au sein du Conseil de transition pour nous déstabiliser. Nous lui avons parlé.

Ce n’est pas elle qui a fraudé à l’aide sociale mais son mari. En ce qui concerne sa double nationalité, elle a expliqué qu’elle n’a pas renoncé à sa nationalité mais qu’elle a bénéficié d’un exil politique. Entre exil et double nationalité, cela crée quand même confusion. A travers une correspondance, elle nous a demandé de la remplacer » a déclaré le leader du Parti  Pitit Dessalines. La nouvelle Présidente se nomme Françoise St-Vil Villier, c’est une avocate. Elle est aussi médecin, enseignante et Pasteure. C’est peut-être déjà trop de responsabilité pour se jeter en plus à la tête d’une structure politique qui va lui demander beaucoup de sa personne. C’est bien connu, comme pour les bonnes nouvelles, les mauvaises n’arrivent jamais seules. Outre la Présidente ayant la double nationalité contrainte de jeter l’éponge, on trouve aussi le Conseiller Jacques Roobens Bordenave. Pour lui aussi, il y a eu beaucoup de confusions et de doute sur sa probité. Afin d’éviter tout malentendu, là aussi Jean-Charles Moïse à dû faire le ménage. Jacques Roobens Bordenave a été sèchement remercié.

« Il y avait quelques confusions sur Bordenave. Je n’avais pas trop de détails. Je lui ai parlé et il a accepté de se faire remplacer parce qu’il veut que nous avancions très vite » a tout simplement déclaré l’ancien sénateur pour justifier le départ précipité de ce membre. C’est Netlande Pierre Derius qui lui a succédé au pied levé. Comme l’on peut le voir, c’est dans la douleur qu’a pris naissance cette nouvelle entité politique à laquelle personne, alors personne, ne prête ni vie ni succès dans une entreprise qu’on sait d’avance vouée à l’échec. Si pour certains cette structure n’est qu’une de plus dans le paysage politique haïtien depuis la Transition, pour d’autres, sa chance de réussir est aussi nulle qu’il neige un jour sur Port-au-Prince. Dans la mesure où elle est née dans une conjoncture politique où la concurrence est grande et surtout dans un environnement où son concepteur, Jean-Charles Moïse, fait pratiquement l’unanimité contre lui parmi les faiseurs de roi en Haïti.

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