9 janvier 2023, le Sénat haïtien s’éteint

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La fermeture définitive, en tout cas, juste à une date indéterminée du Sénat le lundi 9 janvier 2023, c’était le dernier nœud de la corde qui venait de lâcher.

Le lundi 9 janvier 2023, le dernier verrou institutionnel et constitutionnel haïtien avait sauté. Le rideau tombait, le Sénat s’éteignait, il ne reste plus aucun élu dans le pays. Les dix derniers élus de la République laissent derrière eux un champ de ruine étatique. Ainsi, l’année 2023 aura signé la fin quasi officielle de l’existence d’Haïti en tant qu’Etat constitué.

Si au concert des nations, plus clairement dans les organisations internationales, il y a toujours un représentant haïtien, il n’est accepté que par le bon vouloir de ces organismes mondiaux. Rien, en effet, ne les oblige d’accepter dans leur rang la présence d’un pays où il n’existe aucune institution publique normalement constituée ni aucun dirigeant bénéficiant d’une quelconque légitimité politique, ni le moindre élu sorti du suffrage universel. La situation d’Haïti aujourd’hui est inédite dans l’histoire en tant qu’Etat.

Par le fait qu’il n’y a pas le moindre élu local ni national dans le pays, Haïti ne s’apparente même pas à une colonie ou un Territoire occupé, puisque, dans un cas comme dans l’autre, au moins il y a toujours eu des représentants qui ont été mandatés par la puissance coloniale ou occupante pour parler, justement, au nom de la population colonisée ou du Territoire occupé. Aujourd’hui, en Haïti, il n’y a rien de cela. On peut tout juste comparer le territoire haïtien en 2023 à une sorte de terre sauvage où un groupe de brigands, d’aventuriers ou de mercenaires fait main basse sur l’ensemble de la richesse de cette terre avec l’aide d’un groupe armé placé à son service. Sinon, rien n’explique que plus de douze millions d’haïtiens acceptent sans broncher qu’une petite équipe sortie de nulle part accapare la totalité du Territoire et contrôle tous les pouvoirs, les caisses de l’Etat, absolument tout, sans le moindre mandat de personne. C’est inacceptable en plein 21e siècle.

Le Sénat est vide depuis le 9 janvier 2023

On peut dire tout ce qu’on veut, monsieur Ariel Henry n’est pas le responsable de cet état de fait, dans la mesure où, après avoir investi le pouvoir il y a plus d’une année, tout le monde semble accepter qu’il en soit ainsi, c’est-à-dire, qu’il soit le seul et l’unique Cacique du Caciquat d’Ayiti. C’est inadmissible ! Ce n’est un secret pour personne, il n’y a plus de Conseil des ministres par le fait qu’il n’y a plus de Président de la République ou de chef de l’Etat depuis le 7 juillet 2021. Il n’y a pas non plus de Conseil de gouvernement, puisque ceux qui font office de ministres ne sont en réalité que de faire valoir, des gens que le « Roi Henry » gratifie d’un poste juste histoire de dire qu’il existe un Exécutif collégial. Mais, en réalité, tout le monde le sait, c’est le chef et lui seul qui décide de tout.

Les conseils venus de ces prétendus ministres ne sont, en vérité, que l’adoption de ce que propose ou de ce qu’ils pensent que le « Roi Henry » désire. C’est la volonté du chef tout puissant qui est à la Primature qui compte. Les Conseils des ministres organisés au Palais national, ce qui peut être qualifié de « coup d’Etat » institutionnel, et Conseils de gouvernement ayant eu lieu à la Primature, d’ailleurs pour des raisons d’insécurité au Bicentenaire cela se passe le plus souvent dans le cadre plus sécurisé de la Villa d’Accueil, à Musseau, ne sont que des boîtes enregistreuses, sorte de « Commission j’approuve » que même sous les Duvalier cela avait plus de valeur. Plus de sens.

Personne ne pleurera le départ de ces dix élus qui ne servaient pas à grand-chose, voire à rien.

Les ministres des Duvalier avaient au moins la décence et la capacité de défendre leur Ministère en faisant jouer de leur influence par rapport à leur appartenance au Corps des Volontaires de la Sécurité Nationale (VSN), les fameux Tontons Macoutes, de triste mémoire. Sous la dictature, au moins il y avait des simulacres d’élections desquelles sortaient des : Maires, des Députés, certes cautionnés par le pouvoir, néanmoins, ils pouvaient prétendre être les représentants de la population et des habitants de l’arrière-pays. Aujourd’hui, en Haïti en 2023, il n’y a rien qui puisse justifier que le pays soit devenu à ce point si abandonné sur le plan de la représentativité collective.

Avec le départ des dix derniers sénateurs élus de la République, le lundi 9 janvier 2023, c’est le dernier clou du cercueil qui a été enfoncé avant d’enterrer le mort. Un coup de massue qui a été donné à la dernière institution qui pouvait se targuer encore du droit de réplique et même justifier sa supériorité constitutionnelle sur le clan qui est à la tête de l’ensemble des pouvoirs établis en Haïti.

Personne, bien sûr, ne pleurera le départ de ces dix élus qui, dans la réalité ne servaient pas à grand-chose, voire à rien. Pourtant, ils avaient l’opportunité de jouer un rôle majeur dans la répartition des rôles et des responsabilités dans le cadre de cette nouvelle Transition. Ces honorables sénateurs ont été absents jusqu’au bout. L’assassinat du chef de l’Etat en juillet 2021 était justement l’occasion pour eux de faire jouer leur poids constitutionnel, leur légitimité en tant que seuls élus de la République au moment de cette conjoncture incertaine où personne n’avait vraiment une solution toute faite.

Nous ne cesserons jamais de dire que Joseph Lambert et ses neuf collègues sénateurs, les seuls, à ce moment précis et crucial de la vie politique nationale, qui détenaient légitimité politique, légalité constitutionnelle et d’élus du peuple pour agir sur l’ensemble des décisions qui devaient être prises par quiconque, fût-elle, de la Communauté internationale, ont vraiment raté l’occasion de devenir vraiment des hommes d’Etat, termes d’ailleurs, assez galvaudé en Haïti. Le Sénat, même amputé des trois tiers de ses élus, remplissait toutes les cases en juillet 2021 pour s’imposer en institution incontournable sans quoi rien n’aurait été acceptable, voire possible. Jamais, les dix sénateurs élus n’auraient dû abandonner en rase campagne leur rôle de guide de la République étant les seuls à détenir les rênes du Pouvoir législatif et, à ce titre, codépositaires de la souveraineté nationale avec les Pouvoirs exécutif et judiciaire. Le chef du Pouvoir exécutif vient d’être assassiné, le Pouvoir judiciaire était déjà dysfonctionnel, il ne reste que le Pouvoir législatif qui, en vertu de la Constitution, est inamovible, donc fonctionnant en permanence même incomplet.

Il était le seul à pouvoir justifier de sa légitimité face au danger menaçant la souveraineté nationale. Ses élus, même s’il n’en restait qu’un seul, demeuraient les représentants légaux, légitimes et constitutionnels pour défendre avec toutes les forces vives et les autres entités nationales de la Nation, la souveraineté du territoire. Par conséquent, son Président devait réagir en politique responsable en se jetant dans la bataille pour rétablir la légalité républicaine et sauvegarder la paix publique. Tel, malheureusement, n’avait pas été le cas. Joseph Lambert et ses camarades du dernier tiers du Sénat en 2021 et 2022 n’avaient pas été à la hauteur des enjeux ni pour sauver leur institution ni la République menacée de dislocation ou d’occupation étrangère. Le coup de force de Ariel Henry, avec le soutien de la Communauté internationale, est le résultat de la maladresse des élus au Sénat et particulièrement de leur chef de file qui aurait dû poursuivre le combat jusqu’à ce que les dix derniers élus de la République puissent avoir gain de cause sur des usurpateurs ne bénéficiant pas d’une once de légitimité populaire.

Aujourd’hui, il n’y a en Haïti plus de maires élus, de députés, de Casecs, d’Asecs, de Délégués de ville, de sénateurs, de Président, etc ; il ne reste qu’une poignée d’individus ayant à leur tête monsieur Ariel Henry qui s’autoproclame dirigeant d’Haïti et par la force des choses, surtout par manque de visions et d’idées des anciens élus, qui se voit confier la destinée de tout un peuple avec les conséquences que cela implique. Le pire, le pays tout entier regarde comme impuissant, voire inéluctable, ce pouvoir de facto étendre ses tentacules sur la totalité des institutions sans pour autant avoir un calendrier de sortie de crise dans son agenda. Le pays se contente d’encaisser les coups et d’enregistrer les promesses non tenues. Les Accords politiques symboliques, du genre Musseau en 2021 et Karibe récemment, ne sont que de la poudre aux yeux. Les tenants des pouvoirs ne rêvent que de garder leur emprise sur le pays, ce d’autant plus qu’ils demeurent persuadés que la Communauté internationale qui craint une explosion sociale, finira par envoyer cette force militaire internationale qu’ils ont réclamée afin de se rassurer.

ce qui est le plus inquiétant, c’est le cynisme dont font preuve les élites politiques et intellectuelles de ce pays face à une telle situation.

Qu’on ne s’étonne point que toutes les sorties du Premier ministre de facto, Ariel Henry, sur la scène internationale, notamment à l’ONU ou en Argentine au 7e Sommet de la Communauté d’Etats Latino-Américains et Caraïbes (CELAC) le 23 janvier 2023 et aussi dans les Bahamas les 15 et 16 février dernier au 44e Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) ne se font qu’avec espoir de convaincre les Etats encore réticents à se joindre à cette force multinationale proposée par Washington, qui demeure le principal soutien du pouvoir avec le Canada. Durant la première année passée au sommet de l’Etat, même si la présence du dernier tiers du Sénat ne l’avait pas empêché de faire ce qu’il voulait en tant que chef du Pouvoir exécutif, psychologiquement, Ariel Henry savait qu’il y avait en face de lui dix élus du peuple qui pouvaient à tout moment le contester et lui rappeler qu’il n’était jamais élu.

Par conséquent, il ne pouvait accaparer l’essentiel du Pouvoir exécutif. Mais, avec la fermeture définitive, en tout cas, juste à une date indéterminée du Sénat le lundi 9 janvier 2023, c’était le dernier nœud de la corde qui venait de lâcher. Pour une fois, Ariel Henry peut se targuer d’être rentré vivant dans l’histoire d’Haïti, même si c’est par la petite porte qu’il a opéré cette intrusion historique. Il n’est pas inutile de le rappeler, depuis la fondation de l’Etat d’Haïti, il y a plus de deux cents ans, malgré les soubresauts, les vicissitudes et toutes les crises politiques qu’a connues ce pays, c’est pour la première fois de son histoire que le pays ne dispose pas d’un seul élu politique de quelque manière que ce soit et de quelque niveau que ce soit. Mais, ce qui est le plus désespérant et inquiétant, c’est le cynisme dont font preuve les élites politiques et intellectuelles de ce pays face à une telle situation.

Elles acceptent d’abdiquer sans combattre. Quant au reste de la population qui a compris qu’il n’a rien a attendre de ces élites, il cherche à quitter au plus vite Haïti en prenant d’assaut les bureaux de l’immigration et de l’émigration du pays après l’annonce du Président Joe Biden qui les autorise, depuis le 5 janvier 2023, à entrer légalement pendant deux ans aux Etats-Unis en utilisant l’application (CBP-One), un programme géré par le Service d’immigration américaine pour simplifier l’arrivée ou l’entrée des étrangers sur le territoire des Etats-Unis d’Amérique.

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