Visite du Conseil d’Insécurité des Nations Unies Une autre boulshitude

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Poignée de main de connivence entre le Représentant permanent de la Bolivie auprès des Nations Unies, Sacha Sergio Llorenty Soliz, et le Ministre intérimaire haïtien des affaires étrangères, Aviol Fleurant. Sourire de Soliz contrastant avec l'attitude stoïque de Fleurant.

Òganizasyon mondyal yo, pa pou nou yo ye
sa la pou ede vòlè yo piye devore
Manno Charlemagne

Dans une lettre mémorable au sanguinaire François Duvalier, notre grand Jacques Stéphen Alexis rappelait comment l’infâme et sinistre Hermann Goering, Commandant en chef de la  Luftwaffe allemande, était toujours prêt à tirer son revolver quand on citait devant lui le mot culture. Un sacrilège monumental, une époustouflante énormité, une fracassante hitlérosité, quand on pense à ces flamboyants représentants du pays des Niebelungen que furent Richard Wagner, Johann Sebastian Bach, Ludwig van Beethoven, Immanuel Kant, Friedrich Hegel, Martin Heidegger, Friedrich Nietzsche, Friedrih Engels et Karl Marx, pour ne citer que ceux-là.

Eh bien moi, quand j’entends parler du Conseil de sécurité des Nations-Unies (CSNU), je n’ai pas tendance, bien sûr, à tirer mon revolver, d’autant que je n’en ai pas un et que je n’ai pas l’âme sanguinaire, mais il me vient tout de suite un ricanement, une moue de déplaisir et de dédain, un haut-le-cœur, un sentiment de rejet, un bouffée de colère contenue, une irrépressible envie de crier mon irritation, ma déception, mon exaspération, mon indignation, mon agacement, mon énervement, mon mécontentement, dès qu’il est question de cette instance exécutive des Nation Unies, le Conseil de sécurité, en réalité, un Conseil d’Insécurité.

Les mecs du CSNU sont bien imbus du fait que notre chère Haïti de même que tous les pays dits en voie de développement, à de rarissimes exceptions, sont sous la coupe des occidentaux. Ces derniers y créent les conditions favorables au maximun de déstabilisation et de violence menant à des affrontements fratricides sur des bases ethniques, religieuses ou politiques, et finalement au chaos. La nature, ou mieux, les gros bonnets et gras décideurs internationaux ayant horreur du vide qu’ils ont eux-mêmes créé, ils s’empressent de le combler avec leurs contingents onusiens préposés à maintenir la paix (sic) et à favoriser le renforcement des institutions afin de contribuer à la stabilité et au développement du pays (resic).

Les membres du CSNU sont venus pour une autre mise en scène, pour une autre boulshitude, pour se donner bonne conscience, pour justifier leurs gras salaires, et  pour occuper des médias trop heureux de sortir de leur quotidien fait de banalité et surtout de se frotter avec le Blanc, d’autant que nombre d’entre eux recherchent les frottements par tous les moyens possibles et imaginables. Les types du Conseil de sécurité ont plein de trous dans leurs manches, s’agitant au gré des ébats d’une ONU corrompue. On a toujours dit que c’est par la tête que pourrit le poisson. Le CSNU étant l’organe exécutif de l’entité onusienne, autant dire sa tête, on peut présumer qu’il est corrompu, à des degrés divers, et que chacun de ses membres est un magouilleur à un degré ou à un autre.

Pendant le mois de juin passé en Haïti, qui sont-ils ceux-là que les membres du CSNU ont rencontrés? Le Président mal élu et inculpé Jovenel Moïse et son gouvernement, le Parlement, la Police nationale, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, l’Office de protection des citoyens, la Cour supérieure des comptes, et des représentants de la société civile et du secteur privé, kidonk boujwa yo. Ont-ils daigné rencontrer des membres de syndicats progressistes, d’organisations de femmes militantes, d’organisations paysannes conséquentes, d’organisations politiques authentiquement progressistes, d’organisations ouvrières militantes? Non. Alors, ils étaient venus rencontrer leurs pareils: les gros paletots, les grosses légumes, les ventrus, les pansus, les gros zouzoun, les gros zotobre, bref ceux-là qui, en général, prennent langue avec l’impérialisme.

On voit donc bien qu’ils étaient venus régler les affaires de je vèt, s’assurer que les articulations, les jointures, les interactions de la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH) avec les relais de Washington seront bien huilées, seront luil. Et c’est là justement qu’apparaît la boulshitude. Il n’y a jamais eu de paix, malgré moult déclarations, contorsions et gesticulations, Il n’y aura jamais de “justice” non plus. Sa k t ap kite sa pou nou? Ce n’est que du grand bluff. Il s’agit d’une autre tromperie, une autre fourberie, une autre supercherie, une autre hâblerie, voire même une autre singerie.

En effet, la MINUSTAH n’a assuré aucun “maintien de la paix”. Au contraire, elle n’a fait qu’attiser le feu de violences potentielles dans les quartiers défavorisés et prêter main forte aux potentats de l’heure, particulièrement à Martelly qui se vantait même d’être à l’abri de coup d’État grâce au soutien de la communauté internationale et à la présence des militaires étrangers déployés dans le cadre de la mission des Nations Unies de stabilisation en Haïti (Minustah).  Voilà qu’on nous dit que cette nouvelle force est chargée d’appuyer la justice (sic). Quelle justice? On a manifestement affaire à un autre tour de passe-passe, une autre boulshitude pour épater les nonos, les gogos, les dupes, les naïfs, les gobe-mouches, les gobe-tenten, les gobe-n’importe quoi. Qui donc va croire à ces balivernes sorties tout droit des cuisines magouillantes et mystifiantes du Conseil de sécurité? Di m.

«Ces rencontres avec nos interlocuteurs nous ont permis de mieux comprendre les difficultés rencontrées par le gouvernement et le peuple haïtiens dans le nouveau contexte politique », a eu à déclarer lors d’une conférence de presse Llorentty Solíz, le Représentant permanent de la Bolivie auprès des Nations Unies, président temporaire du Conseil. Les membres du CSNU avaient-ils vraiment besoin de rencontrer ces madigra mal masqués de l’État haïtien et de la société civile pour “comprendre les difficultés du peuple haïtien”? Alors que ces difficultés ont été créées et sont entretenues par Washington, Paris et Ottawa qui veillent au grain de leurs intérêts impériaux. Les mecs du CSNU le savent très bien. Dekilakyèl? Et de quelle laquielle?

En janvier 2015, d’autres mecs du CSNU étaient venus en Haïti. Ils avaient «salué les efforts consentis par le président Martelly pour parvenir à l’organisation des élections dans le pays». Lequel Martelly, de mèche avec ses complices onusiens, assurait sa «volonté de poursuivre avec le dialogue avec tous les secteurs afin de parvenir à réaliser les élections dans le plus bref délaiOu tande bèf… On se rappelle ce qui s’est passé. Il y a eu des reports de date à n’en plus finir.

Éventuellement, le 1er jour du scrutin a été fixé au 9 octobre 2016, vingt-et-un mois plus tard, oui, dans le plus bref délai. Les résultats préliminaires et affichage du 1er tour de la Présidentielle et du 1er tour pour le 1/3 du Sénat ont eu lieu les 20 et 21 octobre 2016. Les résultats définitifs du 1er tour de la Présidentielle et du 1er tour pour le 1/3 du Sénat ont été proclamés le 22 novembre 2016. Les résultats préliminaires du 2e tour de la présidentielle ont été promulgués le 14 janvier 2017 et les résultats définitifs du 2e tour de la Présidentielle le 30 janvier 2017, finalement… dans le plus bref délai. Autrement dit, les membres du Conseil de sécurité savaient la connivence entre la MINUSTAH et Martelly, connivence pour faire durer le plaisir et qu’ils avaient du reste entretenue. Mais pour donner un vernis démocratique aux élections galfaitées en 2015, et pour calmer l’impatience de Washington, ils étaient venus passer des ordres à Martelly, leur minuscule restavèk.

Le président du CSNU a dit « venir ici pour évaluer [la] mise en œuvre [de la MINUSTAH], ce en mettant l’accent sur la clôture réussie de la MINUSTAH», comme si cette mission avait été «réussie», si l’on doit tenir compte des violences sexuelles auxquelles elle n’a cessé de donner lieu, du choléra qu’elle a introduit dans le pays causant la mort de milliers de personnes, sans oublier leur accompagnement régulier de la Police Nationale Haïtienne lors de violentes répressions de manifestations populaires. «[…] Maintenant que le pays connaît la stabilité (sic),  nous avons appris quelles étaient les difficultés qu’ils devraient encore surmonter », a poursuivi Soliz.

Quelle stabilité ? Avec des ouvriers et ouvrières qui sont réprimés parce que réclamant 800 misérables gourdes pour survivre ? Est-ce une stabilité dans la misère, dans la faim, dans le dénuement, dans l’indignité ? Bien sûr, il s’est trouvé un vassal de l’empire et de la bourgeoisie en la personne du ministre de la Planification et de la Coopération externe, Aviol Fleurant, pour faire écho au président du CSNU en déclarant: «qu’Haïti pourra passer au chapitre 6 traitant de la résolution pacifique des différends, puisque nous ne constituons plus une menace à la paix (sic) et à la sécurité internationale (resic)». Pauvre Aviol ! Quelle misérable aviolitude !

Hier, en janvier 2015, le co-président de la délégation onusienne avait « salué les efforts consentis par le président Martelly pour parvenir à l’organisation des élections dans le pays». Aujourd’hui,  Llorentty Solíz vient raconter que « Nous avons eu une réunion absolument fructueuse avec le président. Nous avons appris quelle vision il avait pour le pays». Or, il sait très bien à quelle fontaine politique s’abreuve Jovenel le mal élu, Jovenel l’inculpé : une vision qui n’a rien à voir avec une amélioration des conditions de vie des masses tenues à l’écart, loin de la table nationale. C’est toujours les mêmes discours, et c’est une autre boulshitude, car Jovenel travaille à maintenir tifi les privilèges scandaleux de la bourgeoisie tout en amenant plus près de la mangeoire de l’État un petit groupe de racketteurs, un petit cénacle d’aloufa, un petit club de nouveaux riches.

À titre de comparaison boulshitante, voyez cette initiative de La France, du Sénégal et du Royaume-Uni qui ont décidé de conduire conjointement une visite des 15 ambassadeurs du Conseil de sécurité dans les quatre pays de la région du bassin du lac Tchad. Une première dans cette zone de l’Afrique. C’était du 1er au 7 mars 2017.

Raisons de la visite ? Encourager les Etats de la région à renforcer davantage leur coopération militaire pour lutter contre le terrorisme de Boko Haram, en particulier dans le cadre de la force multinationale mixte contre Boko Haram ; encourager également les Etats de la région à adopter une approche globale pour traiter les causes profondes du terrorisme, notamment en matière de gouvernance et de développement. Encourager les gouvernements de la région à continuer de faciliter l’accès à l’aide humanitaire pour les populations les plus vulnérables, notamment les réfugiés et personnes déplacées.

Or, la France a été engagée jusqu’au cou dans la violente et sanglante déstabilisation de la Libye partiellement à l’origine de Boko Haram, de même que les opérations étatsuniennes en Afghanistan et en  Irak sont à l’origine d’Al Qaeda et de ses plus récents appendices. Ses dirigeants ne peuvent l’avouer à la population, d’autant que ce serait politiquement suicidaire. La visite du Conseil de sécurité dans les quatre pays de la région du bassin du lac Tchad, soit le Tchad, le Cameroun, le Niger et le Nigeria, c’était du grand bluff. L’occident n’a pas encore pris les vraies mesures pour en finir avec le terrorisme dont on sait que finalement il l’entretient. La CIA en sait long là-dessus, depuis l’Afghanistan jusqu’aux années de deuil et de destruction que vit la Syrie, cette CIA qui protège les intérêts de l’Occident et de son chef de file, les États-Unis.

La visite du CSNU en Haïti tient de la même démarche: s’assurer que la nouvelle progéniture de l’ONU, en l’occurrence la MINUJUSTH, desserve les objectifs de Washington, les intérêts d’une bourgeoisie franchement anti-nationale, protège le statu quo et tienne les masses sous la coupe réglée des mesures néo-libérales. Tout le reste n’est que bluff, boulshitude.

De l’Onusom II (Somalie) finalement dissoute (après la bataille de Mogadiscio avec ces images du corps d’un soldat américain traîné dans les rues de la capitale)  au Darfour dont la situation est toujours aussi meurtrière, malgré la présence de la Minuad (Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour), en passant par le massacre rwandais à la barbe même de l’ONU, les résultats sont peu glorieux pour une institution qui avait pour mission, entre autres choses, d’assurer la paix. Mais nous assistons à un moment très difficile de l’Histoire. Comme l’avait si bien dit Gramsci: « Le vieux monde se meurt. Le nouveau tarde à apparaître. Et c’est dans ce clair-obscur qu’apparaissent les monstres.»

1er juillet 2017

 

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