Le gouvernement de Moise-Jouthe dans toutes ses élucubrations n’avait pas jugé nécessaire et même urgent de résoudre la crise au sein de la police nationale. En un sens, au lieu de mettre en place des moyens pour arriver à satisfaire les revendications des policiers exigeant de meilleures conditions de travail, justice pour leurs confrères tombés sous des balles assassines des gangs, de meilleurs traitements de la part des autorités et la reconnaissance de leur syndicat, le gouvernement s’adonnait à les provoquer jusqu’à les aliéner comme pour leur faire croire que leur revendication à une amélioration de leur condition de vie n’était pas juste.
Alors, si après les dérapages au champ de mars au cours du carnaval, les policiers durant leur dernière manifestation avaient été obligés de passer à la violence, le gouvernement ancien ou nouveau de Jovenel Moise avait été quasiment responsable, particulièrement si l’on doit se rapporter aux remarques contradictoires du nouveau Premier Ministre Joseph Jouthe qui disait reconnaitre que les revendications policières sont justes tout en critiquant une certaine illégalité du syndicat de la police.
C’est dans cette optique que nous devons comprendre tout ce qui s’est passé dans la journée du lundi 9 et du mardi 10 mars 2020 dans les rues, notamment à Delmas et à Pétionville où des barricades de pneus enflammés ont été en autres érigés par des policiers de la BOID, de l’Udmo et de la DDO baptisé d’un nom de lutte : Fantôme 509.
Certaines administrations de l’Etat telles que l’ONA, le FAES, les Archives nationales, le ministère de l’Éducation nationale ont été perturbées par du gaz lacrymogènes, les policiers ont procédé à leur fermeture et les employés n’avaient d’autre choix que d’abandonner leur fonction.
La frustration des policiers joint aux masses populaires vivant dans un chômage à perpétuité, la réaction ne pouvait être autrement. Ainsi, des voitures ont été brisées, les clés de certains véhicules de l’Etat retrouvés sur leur parcours ont été saisies. Le véhicule de fonction du juge Durin Junior Duret, magistrat auprès de la Cour d’appel de Port-au-Prince et membre du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (Cspj) n’a pas été épargne, il a été victime à l’angle de Delmas 40 b et Delmas 49. L’Association Nationale des Magistrats Haïtiens (ANAMAH) s’indigne et élève la plus vive protestation contre l’attaque dont a été l’objet Me Durin Duret Junior.
Signalons que la principale raison de la manifestation du 9 mars avait été pour exiger la réintégration immédiate et sans condition des 5 policiers révoqués pour leur activité syndicale. Il s’agit de Yanick Joseph, Jean Elder Lundi, Alberson Gros-Nègre, Yens Lamarre et Gédéon Mombrun.
La décision de révoquer ces policiers, qui réclamaient la reconnaissance de leur syndicat et de meilleures conditions de travail, constituait « une grave atteinte » à la liberté syndicale en Haïti, avait fait savoir l’Office de la protection de la citoyenne et du citoyen (Opc), dans une lettre adressée à la Direction de la police.
Selon ce qu’a rapporté le quotidien Le Nouvelliste, concernant les démarches du gouvernement et de la Direction de la police, un policier avait réagi en ces termes :« Ces promesses sont de la poudre aux yeux pour faire de la diversion. Ils veulent nous berner. Je suis dans la rue aujourd’hui parce que je suis révolté. Nous sommes révoltés. Nous exigeons la reconnaissance du syndicat et la réintégration des policiers révoqués. Au niveau de Fantôme 509, nous parlons peu. Nous avons des armes et du gaz. Si rien n’est fait, nous allons tirer et brûler »
Alors que le rendez-vous avait été donné pour une prochaine manifestation des policiers au mois d’avril 2020. Le gouvernement face au courage et à la détermination de ces policiers a du faire marche arrière : les policiers ont maintenant droit à leur syndicat, selon les nouvelles déclarations du Premier ministre de facto Joseph Jouthe à savoir que « Un arrêté viendra amender l’article 11 de l’arrêté d’août 2013 qui interdisait aux fonctionnaires de police de s’associer pour défendre leurs droits. Nous sommes d’accord que les policiers peuvent se syndiquer »
La victoire de ces policiers c’est aussi la victoire du peuple.