Pouvoir en faire autant, en si peu de temps, est matière d’encouragement pour le leader du groupe « Disip » Gazzman Pier Couleur ; lequel après un passable début dans l’œuvre : « Mission », a depuis lors cassé la baraque avec : « Klere yo » et, déjà à leur troisième microsillon dans «Loreya », qui nous tombe dessus avec son allure démonstrative, catapultant du konpa sans ambiguité.
Au gré de cordes dynamiques, claviers en allegro, percussions pulsantes. Que relaient des chœurs et slogans entachés de cogitations, qui font mouche : «… Pou kisa tout pwenti mouda sa ? / li pa fout nesesè ». Un morceau à même de galvaniser, dans sa facture qui bouscule. Au suivant, c’est une question aussi personnelle que générale : « Il est où le bonheur ? », que Gazzy a pris le soin de dramatiser à sa façon. Une rengaine qui aurait peut-être fait le poids, n’était-ce cet excès d’emphase au niveau orchestral, qui l’a privé d’un zest d’adagio, et à la mélodie d’exulter.
Ainsi que de la sobriété qui aurait permis à Gazzman de souffler. Pour pouvoir délivrer son vibrato et ses confessions, au lieu de cet « oversinging ». Donc, la question demeure. « Bèl epok » nous projette l’histoire d’une enfance innocente, aux confins ruraux à jouer au Lago kache. Mais, les temps ont bien changé. Et la musique aussi a su s’éloigner de ces complaintes illusoires. Toute entichée de guitares expressives, et d’ardentes percussions qui ravivent un konpa aux pistes diverses.
Les musiciens comme une famille particulière aiment bien s’influencer. C’est ainsi qu’après cette effervescence de compositions voulant demander la main de leur dulcinée dans les œuvres précédentes. Voilà que Gazzman et compagnie veulent prendre le premier raccourci dans « Map divóse », une tendre ballade dans laquelle Jessye Belleval est de retour, après avoir fait sa marque dans la production antérieure. Tout en réitérant sa réplique à l’homme Couleur, de son timbre captivant, dans un duo qui navigue dans la convenance d’un clavier tout en dissonance.
Donc, après autant de créations à prôner l’amabilité, le « Disip » a fait choix de la table rase. Ce qui fera l’affaire de plus d’un. Dans la foulée, « Psaumes 150 » a jailli comme la pièce tant attendue, celle qui a fait la différence. Le hit quoi ! Et, c’est sur un éclat de trompette et l’entrain d’un yanvalou qu’entonne : « Mwen se pitit granmèt la/M paka pè moun o/…M pa timoun granmoun voye/Li lè pou l rantre.. » entre temps, le rythme a muté vers un konpa-cocktail, imbibé de vocalises aussi bien rédemptrices que spirituelles. Dans des mots qui frappent les parois du conscient. Avec une ligne de vent qui vient en renfort, des cordes qui fourmillement de « double stop », pour être relayé d’un clavier en legato, des percussions qui garnissent. Pour une composition balancée.
l’œuvre demeure valable, dans la mesure que «Loreya» par rapport à la précédente, «Klere yo», ne semble pas trop s’écarter des schémas explorés, en maintenant le même élan.
« Apa w ale vre » est délivré sur un koupe discret, dans le cas où l’on aurait oublié combien ce rythme aussi reste incontournable avec l’actuelle génération, qui continue à le cultiver sous tous les angles dans leurs créations. Et celui-ci, fort de ses arrangements précieux, et des mélopées de guitares, et une bonne prestation vocale de Couleur devraient trouver l’adhésion du roi. « Mete m Online », est assorti de bien d’artifices, et de l’introduction d’une autre voix féminine : Hularie Philippe qui a su donner le change à Gazzman dans un « duet » pétillant, auréolé de sa tessiture notable. De plus, du konpa compassé coule à flot : claviers, cordes, percussions, airs et voix extasiés « kap fè bagay Online ». C’est dément.
« Rete fidèl » débute sur un koudyay aux ramifications percussives, pour trimballer vers une méringue d’empreinte nordiste, plus près de la « fusée » que de la « boule de feu ». A ce tournant, Gazzman a décidé de confesser son âme de troubadour. Tout emballé de l’allégresse d’un synthé pittoresque qui projette un konpa spontané, coltiné dans de fiables élaborations et de débordements rustiques. Propulsant des chœurs et des vocalises dispensant une mosaïque de sonorités, qui emballent jusqu’à la fin. Tandis que, « Mwen pa p twompe w » est joué sur une cadence parée de lamentations vocales. Puis, des arpèges de guitares surgissent, donnant la voie à des cuivres solennels. Débouchant sur une tournure orchestrale qui a permis à Couleur de s’impliquer dans de roucoulants sortilèges. Autant de motifs qui le rendent avec son attrait romantique, une apparence à la fois ordinaire et nouvelle, autant que les envolées vocales du leader, un morceau de facture.
Avec Ti-frero (Zenglen) à bord, se justifiant avec son brin de vivacité, « Héritage » s’emmène avec autant d’indicatifs et de lyriques qui ont défini d’autres compositions en l’honneur du konpa. Pourquoi une autre ? D’abord, il y en aura beaucoup d’autres à venir. C’est leur manière aux musiciens de glorifier religieusement le plus populaire rythme du terroir natal ; et de montrer leur reconnaissance pour une culture qui les a tout donnés. C’est pourquoi, ils doivent cesser cette fausse perception à se poser en parents pauvres (comme l’insinue aussi cette composition), pendant qu’ils détiennent la part du lion dans l’arène du show-biz local. Cela dit, ce morceau a tout de même des vibrations plurielles, tout entaché des dichotomies des multitudes de la même inspiration. « Si m te gen pouvwa lavi », pèche peut –être par un manque de consonance, et, qui ne permet pas au chanteur de faire ressortir son pitch convenablement. Ce qui est très remarquable à travers son essoufflement vocal. Et puis, les motifs sont trop référentiels d’un certain Larivière. Donc, pas facile de s’en approprier. Mais « couleurement », c’est cool.
« Téléphone », nous est introduit dans un prologue tout en salsa. Et parsemé de ces histoires salées et anodines qui font part du décor social d’aujourd’hui. Heureusement que la musique a submergé des commérages, avec des cordes radieuses aux connotations de rock & roll, fort d’une alternance apte à faire bouger. Au tact d’un synthé ardent et des chœurs qui questionnent encore aux allégations du téléphone. Quelle affaire. Et c’est sous l’apparence d’un konpa primitif, avec toutefois ses ornements modernes que s’enchaine : « Relation douteuse », dont la voix de J. G.M qui est aussi key-boardiste du groupe a étrangement dominé les avenues vocales avec un phrasé convaincant. Tout en se montrant très complémentaire du maestro. Et puis, le synthé s’est chargé de tout, dans des envolées en solitaire, soutenues par des chorus instantanés. Et le reste, tout en colorama.
En fin de compte, « 1804 », sous la démarche d’une méringue plake, aka «fusée d’or». Et des textes qui nous rappellent des grandes prouesses des héros de 1804. Alors, qu’avions-nous fait pour mériter de leurs regards et respect? Cessons donc d’exploiter notre passé glorieux, pour faire face à un présent hideux et y remédier comme des hommes. Et ce à quoi je m’en réfère est du fait que, malgré que le disciple (de qui ?), s’est gargarisé de notre gloire passée. En revanche, pas une complainte n’a été faite sur la situation infrahumaine que confronte le peuple haitien, et du scandale qui devrait déboucher sur le procès des voleurs de Petro Caribe. Et la « gangstérisation » de la population par le régime en place, de la mafia locale ; soutenue par certaines ambassades. Pas une note, pour être à l’unisson avec la population. Au lieu de tout ça, il s’est époumoné à parler d’unité et de réconciliation, sans justice. Comme quoi, « kase fèy, kouvri sa », pour faire l’affaire des «tizanmi », n’est-ce pas ? A part ça, l’œuvre demeure valable, dans la mesure que «Loreya» par rapport à la précédente, «Klere yo», ne semble pas trop s’écarter des schémas explorés, en maintenant le même élan. Lequel n’est pas à contre-courant des convoitises actuelles. Ce qui est spécialement convenable pour un groupe qui tient à s’accrocher parmi l’élite musicale qui domine le show-biz.