Raymond Cabèche s’oppose à l’Occupation Américaine d’Haïti en 1915

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1934
Le 28 juillet 1915, 330 marines américains débarquent à Bizoton, au sud de Port-au-Prince, à la base navale Amiral Killick, envoyés par le président des Etats-unis Woodrow Wilson

Le 27 juillet 1915, Villebrun Guillaume Sam, Président d’Haïti est lynché par la population déchainée, enragée suite au massacre de prisonniers politiques par le pouvoir en place.

Le lendemain, soit le 28 juillet 1915, 330 marines américains débarquent à Bizoton, au sud de Port-au-Prince, à la base navale Amiral Killick. Envoyés par le président Woodrow Wilson, les troupes américaines débarquent en Haïti pour officiellement y restaurer la stabilité et venir défendre les intérêts des compagnies américaines. Il s’agissait en réalité pour les Américains d’avoir le contrôle de la région et d’avoir accès au canal de Panama. Cette invasion s’inscrit dans la continuité d’une myriade d’interventions américaines dans la région: Nicaragua (1895) ; Cuba et Porto Rico (1899), Venezuela (1903) ; République dominicaine, Colombie et Panama (1906–1909).

Arrivés dans la capitale haïtienne, les marines prennent, très rapidement, contrôle des principaux postes de commandement. Rendus quelques temps plus tard à la Caserne Dessalines, ils arrachent le drapeau haïtien avec rage et le foulent au pied.

Philippe Sudre Dartiguenave, avocat de formation est fait président par les américains qui voyait en lui un pantin, un hologramme tout à fait docile. Son manque de leadership transparait dès son investiture, le 17 août 1915. Dans son discours, il se présente comme un simple commentateur des vieux démons et des éternelles divisions caractérisant Haïti sans jamais arriver à se hisser à la gravité de l’heure, ni proposer de mesures concrètes pour laver l’honneur et restaurer la dignité du peuple haïtien.

Le traité du 16 septembre 1915, plus connu sous le nom de Convention Haïtiano-Américaine, est la clef de voûte et le principal instrument juridique de cette Occupation Américaine. Ce texte de 16 articles est surréaliste: par exemple, les finances haïtiennes se voient placées sous le contrôle d’un conseiller financier “proposé” par… le président des États-Unis en personne! La Convention est soumise au vote des députés de la 28e législature. Certains s’y opposent avec véhémence…comme l’Honorable Raymond Vilaire Cabèche, député de la circonscription des Gonaïves dont la verve était légendaire. Il se refusa, avec 10 autres collègues, de voter « la charte de l’occupation » qui serait, selon lui, une servitude morale pour le peuple haïtien.

En infériorité numérique, la Convention sera adoptée par environ 70 députés contre 11. Remonté le Dr Cabèche remit sur-le-champ sa démissions. Il arracha la boutonnière de son veston, sa cocarde de député du peuple, la lança au milieu de l’assemblée, puis quitta la chambre.

Voici un extrait du discours qu’il prononça, après le vote:

 « Par cette convention, nous décrétons pour le peuple haïtien la servitude morale en place de l’esclavage physique qu’on n’ose plus aujourd’hui rétablir. Elle compromet les droits de la Nation. La Chambre en la votant, a pris une grave responsabilité. Quand le peuple gémira dans les chaînes qui viennent de lui être forgées, quand les générations futures maudiront les mémoires des auteurs de leur infortune, je ne veux pas qu’on dise que j’ai été de ceux-là. Je ne permettrai pas que mon nom apparaisse au bas du procès-verbal de cette séance où a été opérée la vente de tout un peuple par quelques-uns de ses membres.

« Je remets ma démission de député de la 28ème Législature, en criant une dernière fois : Je proteste au nom du peuple haïtien, au nom de ses droits, de sa souveraineté, de son indépendance, contre le projet de convention américano-haïtienne ».

Max Jean-Louis
23 Août 2018

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